Interview de Didier Roman : Gérant du fonds Tocqueville Odyssée

Didier Roman

Gérant du fonds Tocqueville Odyssée

Les très grosses fusions-acquisitions créent peu de valeur

Publié le 30 Avril 2014

Que faut-il penser de la multiplication des projets de fusion-acquisition, en France notamment, depuis quelques mois ?
Le retour des fusions-acquisitions est un signe très positif. Cela signifie quel les industriels reprennent goût à l’initiative. Les motivations peuvent cependant être assez différentes selon les opérations. Il y a des opérations défensives, où des acteurs se rapprochent pour survivre ou rester indépendants. C’est le cas notamment dans le secteur télécom et dans les services informatiques. D’autres opérations sont plus offensives et traduisent l’amélioration des perspectives d’activité. On peut citer le rachat des minoritaires de Ciments Français par Italcementi, l’offre de Jaccar Holdings sur le groupe de services pétroliers Bourbon ou encore celle de la Société Générale sur Boursorama.

Ce mouvement va-t-il se poursuivre ?


Oui. Dans la plupart des pays développés, les entreprises ont assaini leurs bilans et sont à la recherche de nouveaux relais croissance. C’est le cas dans toute sortie de crise. Il y a toujours des grands mouvements de concentration à ce moment là.

L’américain Pfizer a dévoilé cette semaine une offre de 100 milliards de dollars sur son concurrent britannique AstraZeneca. Les plus gros «deals» sont-ils toujours les meilleurs ?

L’offre de Pfizer sur AstraZeneca est surtout motivée par des considérations fiscales. Les groupes pharmaceutiques ont les poches profondes et préfèrent utiliser ce cash pour racheter des concurrents plutôt que pour payer des impôts, et ce, même en-dehors de toute logique industrielle. Ce genre d’opérations a montré par le passé qu’il détruisait beaucoup de valeur Une redistribution aux actionnaires sous forme de dividende ou de rachats d’actions serait plus opportune.

D’une manière générale, les très grosses opérations créent peu de valeur. Nous ne sommes pas plus convaincus par les rapprochements entre Lafarge et Holcim ou par la fusion Publicis/Omnicom annoncée l’année dernière. Nous pensons que la création de valeur se produit plutôt sur des sociétés de taille moyenne qui mettent en commun leurs produits et leurs outils, à l’image de Solvay et Rhodia il y a quelques années.

Quels sont les secteurs et valeurs à surveiller selon vous ?

Les secteurs à surveiller tout particulièrement sont les télécoms et les SSII car la consolidation n’est pas terminée. Après le rapprochement entre SFR et Numericable, Bouygues Telecom se retrouve tout seul sur un marché très disputé. La maison-mère va devoir trancher rapidement sur son avenir. De même France Télécom fera quelque chose de sa filiale belge Mobistar, soit rachetant les minoritaires, soit en vendant sa participation.

Dans le secteur des services informatiques, Atos a fait part de son intérêt pour Steria alors que ce dernier prévoit de se marier avec Sopra. D’autres acteurs pourraient sortir du bois.  Dans l’industrie, Peugeot vendra tôt ou tard sa participation dans Faurecia pour régler ses problèmes financiers. Mais il attendra certainement que la marge de Faurecia remonte, ce qui pourrait prendre plusieurs années.

Enfin un certain nombre de fonds pourraient céder leurs participations dans des valeurs moyennes, dont le cours pourrait alors progresser. Il faut ainsi surveiller Albioma, Kaufman & Broad, Nexity, Store Electronic Systems, Imerys, ou encore Eurotunnel.

Propos recueillis par François Schott