Interview de Bernard Gilly : Directeur général de Pixium Vision

Bernard Gilly

Directeur général de Pixium Vision

Notre objectif est de rendre une forme de vision à des personnes atteintes de cécité

Publié le 04 Juin 2014

Vous dirigez Pixium Vision, une toute jeune société qui développe une technologie de « restauration de la vision » et qui veut s’introduire en bourse. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre technologie ?
Nous avons créé la société Pixium Vision en 2011 pour développer des traitements qui permettent de restaurer une partie de la vue de patients que les troubles dégénératifs de la rétine ont conduit à une cécité. Nous ciblons deux maladies principales : la rétinite pigmentaire qui touche des personnes assez jeunes, autour de 40 ans, et la dégénérescence maculaire liée à l’âge, qui touche des personnes plus âgées (75-80 ans). Ces maladies n’ont aucun traitement à l’heure actuelle. Seule une petite partie des patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge ont accès à des traitements permettant de retarder la cécité, mais qui ne l’évitent pas.
Notre objectif est d’abord de rendre une forme de vision à ces personnes, en sachant que nous n’en sommes qu’au tout début de nos développements. Déjà, certains patients reconnaissent des objets, des visages, et même des lettres.

Est-ce également un espoir pour les aveugles de naissance?

Nous ne ciblons pas aujourd’hui les aveugles de naissance car nous ne savons pas dans quelle mesure leur cortex visuel peut être « éduqué ». Notre technologie est basée sur la neuromodulation : la stimulation artificielle du cerveau par un système microélectronique implanté sur la rétine du patient, relié à une interface visuelle (lunettes équipées d’une caméra). A partir du moment où des patients ont un nerf optique fonctionnel, capable de transmettre des informations de la rétine au cerveau, il est possible qu’on puisse leur rendre la vision.

Où en êtes-vous de votre développement clinique ?
Nous avons démarré en juin 2013 une étude clinique dans trois centres en Allemagne, en Autriche et en France. Cinq patients ont déjà été implantés avec succès et les premiers résultats sont très encourageants. Ces personnes étaient aveugles depuis vingt ans et avaient à peine la perception de la lumière. Ils ont retrouvé la capacité de reconnaître des objets et de s’en saisir, ou encore de marcher le long d’une ligne peinte sur le sol. Cette étude, dont l’objectif principal est de démonter la sécurité du produit, doit déboucher sur un marquage CE (ndlr : autorisation de mise sur le marché) dès 2015. Nous prévoyons de lancer d’autres études aux Etats-Unis, pour les mêmes indications, avec un objectif de commercialisation fin 2017/début 2018.

Quels sont vos concurrents ?
Notre seul concurrent est une société nord-américaine. Le système qu’elle développe est analogue au nôtre mais utilise des technologies de miniaturisation et de microélectronique moins récentes. La caméra que nous utilisons a été développée avec des équipes de l’université Pierre et Marie Curie et l’Institut de la Vision. Son fonctionnement calqué sur celui de la rétine est unique au monde. Quant à l’implant rétinien, nous l’avons développé en partenariat avec plusieurs universités à la pointe dans ce domaine, parmi lesquelles l’université Pierre et Marie-Curie, l’université d’Ulm en Allemagne et Stanford aux Etats-Unis. Au total, les produits de Pixium Vision sont protégés par plus de 250 brevets.

Pourquoi vous introduisez-vous en bourse ?
Nous avons déjà levé 24,5 millions d’euros auprès de fonds spécialisés (Abingworth, Sofinnova, Omnes Capital, Bpifrance, Seventure). Aujourd’hui ne sommes dans une perspective de démarrage de la commercialisation de notre premier produit (IRIS) en Europe puis aux USA et nous voulons aussi poursuivre nos recherches sur une deuxième technologie qui pourrait être mise sur le marché en 2018 ou 2019 et améliorer notre offre pour les patients. C’est pourquoi nous faisons appel aux investisseurs. Cette introduction en bourse doit nous permettre de devenir le leader de la neuromodulation sensorielle pour le traitement des maladies dégénératives de la rétine. Nous estimons ce marché à plus d’un milliard de dollars par an.

Avez-vous été approché par de grands groupes de technologie médicale sur cette première ?

Notre technologie est encore trop jeune pour intéresser de grands groupes. Cela dit la neuromodulation est déjà utilisée pour le traitement d’autres maladies dégénératives, comme la maladie de Parkinson. Compte tenu du besoin médical en matière d’ophtalmologie, je pense que les grands groupes de technologie médicale s’intéresseront tôt ou tard à notre technologie.


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Propos recueillis par François Schott