Interview de Bernard Courtieu : PDG d'Integragen

Bernard Courtieu

PDG d'Integragen

L'essentiel du risque inhérent à la recherche est derrière nous

Publié le 06 Juin 2014

Integragen lance une augmentation de capital d’environ 4 millions d’euros et a demandé le transfert de ses actions sur le compartiment E2 d’Alternext, ouvert au public. Pourquoi ouvrez-vous votre capital ?
Nous avons lancé cette augmentation de capital car nous voulons accélérer notre croissance, avec plusieurs produits déjà sur le marché ou qui vont l’être dans les 12 à 18 prochains mois. L’objectif est de financer ces développements commerciaux en Europe et aux Etats-Unis. C’est aussi un appel public à l’épargne, alors que nous avions fait un placement privé lors de notre IPO en 2010. Nous avons attendu pour solliciter le grand public d’avoir de réelles perspectives commerciales et que tout un chacun puisse cerner notre stratégie.
Integragen est issue d’un spin-off du Centre national de Génotypage (Génopôle d’Evry). Nous sommes un spécialiste de la génomique, c’est-à-dire le séquençage du génome. Nous en dérivons trois activités : la prestation de séquençage pour la recherche fondamentale ou des centres de soins, comme l’Institut Gustave Roussy (cancérologie) ; les outils de diagnostic en cancérologie qui permettre de déterminer si un patient va répondre à telle ou telle molécule – c’est ce qu’on appelle la médecine personnalisée- ; et enfin les tests de prédisposition génétique à l’autisme dont nous sommes l’un des pionniers.

A combien se montent vos revenus ?
Nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 5,4 millions d’euros en 2013 avec une marge opérationnelle de 35%. L’essentiel de ces revenus vient de nos prestations de séquençage auprès d’instituts de recherche et cliniques. Nous venons d’ailleurs de signer un nouveau partenariat avec l’Institut Gustave Roussy qui fait appel à nos services pour orienter ses patients vers les essais cliniques les plus adaptés. Cet accord va nous permettre d’augmenter nos revenus cette année.

Vous avez publié une perte nette de 2,55 millions d’euros en 2013. Quand envisagez-vous d’atteindre le seuil de rentabilité
?
Nous ne communiquons pas de prévisions chiffrées. Cela dit, compte tenu de nos 13 années d’existence et de l’avancée de nos tests, nous prévoyons d’atteindre le seuil de rentabilité à plus ou moins brève échéance (ndlr : les analystes tablent sur 2016). Nous ne sommes pas une biotech comme les autres, dans le sens où le risque inhérent à la recherche est, pour l’essentiel, derrière nous.  Nous avons lancé début 2013 aux Etats-Unis un test de dépistage de l’autisme (prédispositions génétiques). Ce test est remboursé par les assurances privées, mais il ne vise qu’une petite partie de la population : les enfants puînés dans une famille où il y a déjà un cas d’autisme. Nous venons de lancer un deuxième test qui vise l’ensemble des enfants ayant une suspicion de retard de développement. C’est un marché que nous estimons à plus de 500 millions de dollars. Nous espérons être parmi les leaders sur ce marché mais cela passe par un renforcement de nos équipes commerciales aux Etats-Unis.

Quelles sont vos perspectives commerciales dans le domaine du cancer ?

En cancérologie, nous sommes un acteur essentiel de la médecine personnalisée qui permet d’ajuster les traitements à chaque patient en fonction de la présence dans leur organisme de certains gènes défectueux. Nous avons ainsi annoncé début 2014 un accord avec Pfizer qui va utiliser notre signature génétique comme test compagnon d’une de ses molécules en cours de développement clinique contre le cancer du foie. L’objectif est de cibler les patients les plus à-même de répondre à ce traitement, sachant qu’il existe différents angles d’attaque contre cette maladie. Nous espérons d’ailleurs accompagner d’autres traitements en cours de développement dans le cancer du foie.
Dans le cancer du côlon, nous avons présenté la semaine dernière lors du Congrès de l’ASCO (l’association américaine d’oncologie) une étude démontrant l’efficacité de notre test pour prédire la réponse d’un patient au traitement par la molécule Cetuximab, déjà commercialisée. Non seulement nous pouvons indiquer quels patients sont susceptibles de réagir favorablement au traitement, mais nous avons identifié une autre catégorie de patients pour lesquels le traitement peut être néfaste. C’est très important dans le cadre d’un traitement aussi lourd qu’une chimiothérapie. Nous sommes donc confiants dans la signature d’un accord de commercialisation de ce test avec des laboratoires de premier plan.

Quel est le potentiel, en termes de chiffre d’affaires, de cette activité ?

Le potentiel de revenus du diagnostic est très significativement supérieur à celui de la génomique. Plusieurs tests déjà sur le marché, comme le test BRCA de prédisposition génétique au cancer du sein, sont de véritables « blockbusters ». Mais notre business model restera fondé sur nos trois activités actuelles : le séquençage auprès des laboratoires, les diagnostics associés aux traitements du cancer (côlon et foie) et les tests de l’autisme.

Retrouves les modalités de l'augmentation de capital d'Integragen ici.

Propos recueillis par François Schott