Interview de Alexandre Baradez : Responsable de l'analyse marché chez IG

Alexandre Baradez

Responsable de l'analyse marché chez IG

Le Cac 40 pourrait descendre à 4200 points puis remonter à 5200 points

Publié le 01 Juillet 2014

Quel bilan faites-vous de l’évolution du marché des actions européennes à l’issue du premier semestre de l’année ?
Le premier semestre a été nourri par les attentes autour de la Banque centrale européenne. Ce qui a permis au Cac 40 de remonter jusqu’à 4600 points.
La même logique a guidé le marché des actions américaines. Les mauvais chiffres économiques au 1er trimestre 2014, notamment sur le PIB, ont alimenté l’expectative de voir la Fed maintenir sa politique monétaire très accommodante encore quelques temps.
Il semble que nous observions aujourd’hui en Europe un dégonflement de l’ « effet BCE ». Celle ci a procédé à une baisse de ses taux principaux et indiqué son intention de se lancer dans de nouvelles opérations de refinancement des banques européennes en septembre et en décembre de manière à soutenir la distribution du crédit dans la région.
La porte a été ouverte à un éventuel programme d’achat d’actifs. Cependant pour l’instant aucune échéance particulière n’a été précisée. Ce faisant, le marché reste sur sa faim.

C’est ce qui vous pousse à penser que la seconde partie d’année sera plus délicate ?
Tout ce que la BCE a dit qu’elle ferait, elle l’a effectivement fait ou se prépare à le faire. Il faudrait d’autres annonces, notamment la mise en place d’un programme d’achats d’actifs pour pousser à nouveau les marchés à la hausse.
Nous devrions au mieux avoir une consolidation, au pire une correction dans les mois qui viennent. Le Cac 40 a déjà reculé de 4% par rapport à ses récents plus hauts.

Ce mouvement n’en est qu’à ses débuts ?

Nous pourrions avoir un recul de 5% à 8% supplémentaires.

N’êtes-vous pas d’avis que les résultats des entreprises européennes pourrait permettre de poursuivre le rallye des actions européennes sans interruption mais de simples soubresauts ?

Pour que la tendance haussière perdure, il ne suffit plus que nous ayons une confirmation des prévisions actuelles, il faudrait des publications meilleures qu’attendues. Je ne pense pas que cela puisse être le cas. De nombreux groupes européens ont une dimension internationale et ont potentiellement subi le ralentissement de la croissance aux Etats-Unis et l’affaiblissement de la dynamique en Chine et dans plusieurs pays émergents. Les mesures de relance prise en Europe ne sont pas de nature à compenser à court terme cet effet.
La plupart des gouvernements de la zone euro ont fait le choix de conduire une politique d’offre et non une politique de demande susceptible d’accroitre les revenus, de diminuer le chômage et de renforcer la confiance. Ce qui explique la relative stagnation au niveau de deux moteurs de la croissance de la zone euro : la consommation et l’investissement.

Les flux de capitaux ne pourraient-ils pas également entretenir le rebond ?

Les flux sont un réel argument d’appui pour les actions de la zone euro. Une partie de ces flux est déjà visible. Les taux des Etats périphériques de la zone euro ont considérablement régressé si bien que l’Espagne est arrivée à se refinancer moins cher que le Royaume-Uni ou les Etats-Unis sur 10 ans. Ce phénomène est catalysé par le fait que ces obligations souveraines des pays périphériques offrent un ratio rendement sur risque très intéressant. La crise des marchés émergents fin 2013 et début 2014 a incité de nombreux investisseurs à se réorienter vers les actifs de la zone euro.
Ceci étant, ces flux devraient continuer à porter le marché mais pas à son niveau actuel, autrement dit une fois que les valorisations seront plus attractives, pas avant les 6 prochains mois.

Quel regard portez-vous sur le rôle joué par les fusions acquisitions ?
La multiplication des opérations de fusions acquisitions constitue dans un certain sens le signe d’un excès de liquidité dans le système qui appelle à la vigilance. Les rapprochements se font lorsque les valorisations ne sont plus bon marché et contribuent à l’appréciation additionnelle de ces dernières.

Quels indices et secteurs devraient être le plus sujet à une correction ?
Quasiment tous les indices de la zone euro devraient être concernés par la phase baissière : l’Eurostoxx, le Dac, le Cac mais aussi les bourses des pays périphériques.
Sur le plan sectoriel, les valeurs financières, singulièrement les valeurs bancaires devraient être notablement chahutées. L’audit des actifs dans les bilans et les stress tests envisagés par la BCE freinent les banques dans leur activité. En outre, continue à planer sur les grands groupes des menaces de procédures de justice liées à des affaires européennes ou internationales (taux, changes, violation de sanctions).

Jusqu’à quel niveau pourrait descendre le Cac 40 et l’Eurostoxx ?
Le Cac 40 pourrait décliner 4200 points et l’Eurostoxx à 3000 points. La très faible volatilité donne un contexte favorable à la prise de bénéfice. Une fois commencée, la descente peut aller rapidement. Elle pourrait être accentuée par la correction constatée sur le marché actions outre Atlantique et l’exacerbation des variations dans le compartiment obligataire.

Nous ne retrouverons cependant pas les niveaux de 2011-2012 ?
Vraisemblablement pas. Des pares feu suffisamment puissants ont été mis en place pour éviter une nouvelle crise systémique et la liquidité demeure abondante. La phase de turbulences sera importante mais nous ne devrions pas avoir de dérapage.

Quelle appréciation faites-vous de la faible volatilité ?
Cette volatilité qui évolue entre 10 et 12 depuis quelques temps se rapproche des niveaux historiquement faibles, comparables à ce qui préexistaient en 2006-2007 ou avant la bulle internet. C’est à mon sens un autre signe qui doit alerter.

Qu’est ce qui selon vous pourrait provoquer cette phase baissière ?
Plusieurs éléments. En premier lieu, les statistiques sur la croissance française : le PIB, la consommation, l’investissement. Les dernières perspectives de l’Insee ne sont pas bonnes. La surveillance des investisseurs des fondamentaux de l’économie française est très significative.
En deuxième lieu, le fait que la BCE tarde à faire état de la mise en œuvre d’un programme d’achat massif de titres de dette sur le marché et donc l’absence de catalyseur supplémentaire.
En troisième lieu, la conjoncture aux Etats-Unis. Le PIB du premier trimestre est finalement ressorti en contraction de 2,9%. Cela soulève la question de savoir ce que va faire la Réserve fédérale américaine en conséquence. Va-t-elle lever le pied sur le « tapering » pendant un ou deux mois ? En outre la reprise de l’inflation dans le pays de façon plus prononcée que prévu amène à s’interroger sur le fait de savoir si la Fed va opter pour une communication plus ferme et plus précise sur un calendrier de relèvement de son taux directeur.

Votre vision sur les actions européennes est plus favorable à moyen terme ?
Après cette phase défavorable, nous devrions avoir un redémarrage du marché des actions européennes à la fin de l’année ou début d’année prochaine.

Pour quelles raisons ?
Les réformes structurelles prises par certains gouvernements et les mesures de la BCE auront été mises en place et auront commencé à déployer leur effet. La supervision bancaire unique aura été enclenchée. L’économie réelle aura montré de bien meilleurs signes de rétablissement.

Sur quels actifs préconisez-vous de se positionner pour profiter du redémarrage du rebond ?

Tous les indices de la zone euro seront bons à avoir ainsi que les valeurs bancaires, à commencer avec les banques françaises comme Crédit Agricole ou Société Générale.

Le rebond devrait essentiellement concerner les pays d’Europe du sud ?

L’accélération devrait effectivement se dessiner dans les pays qui ont connu le moins de croissance ces dernières années, à l’instar de l’Espagne et de l’Italie. C’est sur les indices boursiers de ces pays que la perspective de rattrapage est la plus notable.

Le Cac 40 pourrait quant à lui monter à 5200 points ?

Tel pourrait être le cas après la période de correction et sur un laps de temps assez étendu, entre 2015 et 2016.

A lire également le dossier : "Que faut-il attendre des marchés actions au second semestre 2014 ?"

Propos recueillis par Imen Hazgui