Interview de Laurence  Taliercio  : Gérante actions Immobilier chez Amundi

Laurence Taliercio

Gérante actions Immobilier chez Amundi

Unibail, Klépierre, Mercyalis, Gecina, Icade et Foncière des régions sont nos 6 convictions françaises au sein de l'immobilier coté européen

Publié le 05 Août 2014

Quel regard portez-vous sur l’évolution du segment des foncières françaises cotées depuis le début de l’année ?
Globalement les foncières françaises ont très bien progressé depuis le début de l’année. Les meilleures performances ont été enregistrées dans le secteur des bureaux, notamment Foncière des régions.
Elles ont été suivies par les valeurs de centres commerciaux, comme Mercialys qui a tiré avantage d’un processus de rattrapage par rapport à l’année dernière.
Sur le front des opérations financières, elles ont concerné dans un premier temps les capitalisations petites ou moyennes à faible flottant comme la société Tour Eiffel, ou SIIC de Paris, et des recompositions d’actionnariat au sein des sociétés Gecina, suite à la vente de la participation de Metrovacesa, et Foncière Lyonnaise. Fin juillet, Klepierre et Corio ont annoncé un accord de rapprochement des deux groupes qui devrait créer le second acteur spécialisé sur les centres commerciaux en Europe Continentale derrière Unibail-Rodamco, avec un portefeuille de 21 milliards d'euros.

La philosophie de votre portefeuille est surtout une philosophie de croissance ?
La performance des foncières est composée à la fois du rendement offert par le dividende- les SIIC françaises ayant une obligation de distribuer au moins 85% du résultat récurrent de l’activité de foncière- et de l’appréciation en capital. Nous essayons de privilégier les sociétés offrant les meilleures perspectives de croissance des loyers, des valeurs d’actifs, et de distribution de dividendes récurrents.
Nous avons au sein de notre portefeuille les foncières de centres commerciaux Unibail, Klépierre et Mercialys. Sur ces trois sociétés, le rendement du dividende se situe entre 4.5% et 5%, ce qui reste attrayant dans le contexte actuel. La rentabilité opérationnelle récurrente avant levier se situe entre 4.5% et 7%. Nous gardons donc un écart de prime de risque important et supérieur à la moyenne historique par rapport aux taux long.

La forte prime affichée par Unibail et Klépierre ne vous gène-t-elle pas ?
Si on se positionne à deux ans, et qu’il n’y a pas d’accident économique, ces primes se justifient amplement.
Ces sociétés offrent un potentiel de croissance organique des loyers via leur pipeline de développements pour les prochaines années, à la fois sous forme d’extension ou de création de nouveaux centres. La valeur créée sera intégrée progressivement dans les ANR. Elles détiennent également une part significative d’actifs de grande taille à forte attractivité commerciale, et ont un savoir-faire en terme de gestion opérationnelle et commerciale des centres. De plus, les sociétés ont réduit leur endettement par cessions d’actifs. Elles se sont refinancées moins cher depuis 2011. Il y a donc une baisse du coût de la dette et des frais financiers.

La non inclusion de ces éléments dans les évaluations vous pousse à admettre qu’aujourd’hui, il est difficile de dire si une société est chère ou pas…
Ce qui est certain c’est que les multiples de valorisation (cours/cashflow) ont progressé mais ne sont pas au plus haut historique de 2007. Cette rentabilité opérationnelle sera plus ou moins attractive en fonction des taux d’intérêt et du coût de la dette.

Hormis ces trois convictions, quelles autres valeurs françaises détenez-vous ?
Dans le segment des bureaux, nous sommes positionnés sur les trois grosses valeurs françaises, à savoir Gecina, Icade et Foncière des régions. Selon les périodes nous avons plus ou moins favorisé l’une ou l’autre.
Ces trois sociétés ont un profil différent. Gecina a une dominante de bureaux dans le centre de Paris, dont le taux de vacance est plus faible, contrairement aux deux autres sociétés qui ont une part plus importante de leurs actifs en Ile-de -France.
Gecina a recentré son portefeuille sur les bureaux en vendant sa participation dans le centre commercial Beaugrenelle. Cela lui a permis d’avoir une bonne structure financière et une politique de dividende généreuse. La société a démarré un programme de réinvestissement dans des actifs à potentiel de création de valeur, dont le rythme a été revu en baisse étant donné la forte compétition sur le marché de l’investissement de bureaux en Ile de France.
La cession de la participation de l’actionnaire espagnol de référence Metrovesca vient d’être confirmée. Le nouveau tour de table se compose désormais principalement de Blackstone et Ivanhoé Cambridge, Crédit Agricole Assurance, et Norges Bank. Le flottant augmente également à 44%.

L’inquiétude affichée par rapport aux résultats de Gecina est-elle fondée ?
Je ne crois pas qu’il y ait d’inquiétude. Il y a eu un mouvement temporaire de correction sur le cours de bourse.

Est-ce que les revalorisations boursières d’Icade et de foncières des Régions vous ont conduit à alléger ces titres dans le portefeuille ?
Nous avons pris quelques profits mais nous avons conservé des positions significatives sur les deux titres.
Ce qui est intéressant pour le long terme chez Icade, c’est son positionnement sur les bureaux et parcs d’affaires, avec des possibilités de développement sur des terrains qu’ils détiennent, d’immeubles neufs faiblement consommateurs en énergie, situés à proximité des transports et qui correspondent aux besoins des grandes entreprises. Icade a annoncé cette année des signatures de baux qui devraient contribuer à réduire la vacance. Après une période de renégociation à la baisse des loyers, une amélioration est attendue sur ce front en 2015. Les diversifications notamment dans les actifs de santé sont également intéressantes pour le moyen terme.

Foncière des régions a la particularité d’avoir des baux longs sur une partie de son patrimoine de bureaux, avec des locataires comme EDF et Orange qui renforce la visibilité au niveau des loyers.
La société a su simplifier son portefeuille, en cédant des actifs, et en choisissant de croître dans certaines activités comme le logement locatif en Allemagne qui offre une bonne visibilité sur les loyers et la rentabilité de l’actif, ou les murs d’hôtels. Ces diversifications sont appréciées par les investisseurs.

Avez-vous d’autres convictions dans des sociétés plus moyennes comme Tour Eiffel, Cegereal, voire Frey, Argan ou Patrimoine & Commerce ?
Il faut pouvoir investir dans ces sociétés en termes de volume de transactions. Il y a parfois des blocs dans lesquels on peut s’immiscer. Mais quand il n’y en a pas, nous faisons très attention à la liquidité des titres, de manière à pouvoir investir et désinvestir comme nous l’entendons en cas de besoin. Nous pourrions investir dans ces valeurs si nous avons la conviction d’un réel intérêt sur le long terme.

Les taux d’intérêts réels pourraient être sous pression si l’inflation venait à baisser davantage, est-ce un élément de risque ?
Une forte diminution de l’inflation peut être un élément de risque, mais ce n’est pas un scénario central. Aujourd’hui, nous avons une faible inflation, sous l’objectif de la BCE. Au-delà de l’indexation annuelle qui est faible actuellement, c’est la croissance ou la baisse des loyers de marché à moyen terme qui importe le plus.

Voyez-vous un mouvement de consolidation se renforcer ou s’accélérer dans le secteur ?
L’annonce récente du rapprochement Klépierre-Corio renforce la pertinence d’un effet de taille dans le segment des grands centres commerciaux. Concernant les plus petites sociétés, nous pouvons entrevoir des rapprochements lorsque qu’un actionnaire de référence souhaite se désengager, comme ce fut le cas pour Siic de Paris et Eurosic. D’autres opérations sont plausibles sur les petites SIIC afin de gagner en visibilité et d’avoir accès à de meilleures conditions de financement.
Sur les sociétés que nous avons en portefeuille le thème du M&A n’est pas déterminant.

Sur les 6 titres que vous détenez dans votre portefeuille, comment les pondérations ont-elles évoluées ? Et quelles pourraient être les pondérations à venir ?

Pour Unibail, nous ne pouvons pas trop bouger en raison des contraintes réglementaires auxquelles nous sommes assujettis. Nous sommes au maximum de notre capacité d’exposition entre 9% et 10%.
Pour les autres valeurs nous maintenons nos positions qui avaient été renforcées au cours des douze derniers mois.

A lire également le dossier : "Unibail, Klepierre, Mercialys, Icade, Foncière des régions, Gecina, Tour Eiffel, faut-il encore miser sur les foncières ?"


Propos recueillis par Imen Hazgui