Interview de  Andrzej
 Kawalec : Gérant actions chez Moneta Asset Management

Andrzej Kawalec

Gérant actions chez Moneta Asset Management

Nous apprécions le profil de GDF Suez en tant que titre de fond de portefeuille

Publié le 12 Février 2015

De quelle manière appréhendez-vous le versement du dividende dans votre stratégie d’investissement ?
Nous ne mettons pas exclusivement l’accent sur le versement de dividende dans notre allocation, par contre nous cherchons des « rentes » sous-valorisées. Le dividende est considéré comme un critère parmi tant d’autres car nous sommes convaincus qu’une stratégie uniquement axée sur la distribution de dividende ne suffit pas en soi à battre le marché de manière robuste.
Nous nous attachons à la qualité des fondamentaux des entreprises et à l’environnement dans lequel elles évoluent. Dans le cas où pour une valeur de qualité correcte et dont la gouvernance nous convient, si pour des raisons objectives (p.ex. mauvaise publication trimestrielle, évolution défavorable de l’environnement concurrentiel ou macro-économique …), la défiance des investisseurs est jugée excessive, ou si le potentiel de revalorisation n’est pas suffisamment pris en considération, nous nous posons la question de l’investissement.

Traditionnellement quatre secteurs versent d’importants dividendes : l’immobilier, les télécoms, les banques et les utilities. Comment êtes vous positionnés sur ces secteurs ?
Nous sommes fortement positionnés sur l’immobilier. Il nous semble que la plupart des acteurs des marchés anticipent une remontée des taux d’intérêt à moyen terme et donc prennent en considération cet élément dans leurs anticipations de free cash-flows après charge d’intérêts. Or nous n’envisageons pas de hausse significative des taux à brève échéance. Nous pensons que les sociétés immobilières vont continuer à pouvoir se refinancer dans de bonnes conditions pendant longtemps, ce qui devrait être favorable pour des foncières qui sont en général assez endettées. Il reste aussi toute une série de dossiers très décotés, surtout parmi les petites valeurs à l’instar de Terreis, Cegereal, Altarea ou de Selectirente, qui n’ont pas connu la hausse des grandes valeurs immobilières.

Sur les trois principaux segments de l’immobilier côté, -le résidentiel, les centres commerciaux, et les bureaux-nous privilégions le résidentiel et les centres commerciaux. Nous pensons que c’est sur ces segments que les cash flows futurs sont les plus sécurisés. Nous aimons ainsi Deutsche Wohnen dans le résidentiel allemand-qui possède 110 000 logements à Berlin valorisés à moins de 1000 euros le mètre carré et Unibail dans l’immobilier commercial qui se paie sur un free cash-flow yield 2016 de 4.5%, contre 6.3% en incluant la création de valeur par le pipeline de développement. Ces deux titres ont déjà beaucoup monté mais décèlent encore un potentiel de progression. Nous sommes également exposés à certaines situations spéciales dans les bureaux.

Qu’en est-il du secteur des utilities ?
Dans ce secteur, les cash flows sont sous pression. La santé économique de ces sociétés dépend étroitement du prix de l’électricité très influencé par les cours du pétrole et du gaz qui ont fortement chuté et qui pourraient rester bas durablement. Ceci étant, nous apprécions le profil de GDF Suez en tant que titre de fond de portefeuille. Le dividende distribué est de 1 euro, payé en cash, soit un rendement supérieur à 5%. Il ne nous semble pas que ce niveau soit menacé car les cash flows générés sont importants. Par contre il faut faire attention, car le news flow à court terme est défavorable. Les résultats annuels doivent être publiés fin février. Il n’est pas exclu que les perspectives annoncées soient quelque peu révisées négativement. La société exportait notamment beaucoup de LNG vers l’Asie en profitant des différences de prix entre l’Europe et l’Asie. Or avec le fléchissement du cours du gaz, l’écart de prix s’est beaucoup amoindri. C’est une des mini-mauvaises nouvelles que le consensus doit encore intégrer.

D’aucuns jouent la consolidation du secteur des utilities en Italie ?
Nous n’avons pas suffisamment de visibilité sur le sujet pour miser dessus. Nous aimons bien dans le pays, Enel Green Power, filiale d’Enel spécialisée dans les énergies renouvelables (éoliennes et hydraulique). L’électricité produite notamment dans les pays en développement est vendue avec des PPA, des contrats où le prix est indexé sur les couts. Le risque sur la rentabilité nous parait ainsi limité.

Quid du secteur bancaire et du secteur des télécoms ?
Nous avons quelques lignes sur les valeurs bancaires, singulièrement BNP et Société Générale dont les valorisations sont faibles. Les résultats des sociétés bancaires sont sous pression et du coup les dividendes aussi, mais ceux-ci pourraient revenir à de meilleurs niveaux et c’est cette perspective qui nous fait garder cette position.
Nous sommes également présents sur les Caisses de Crédit Agricoles cotées dont l’activité est moins volatile.

Dans le secteur des télécoms nous détenons une position surtout sur Iliad.

Pour quelle raison ?

Nous pensions qu’à l’issue des opérations de rapprochement qui se sont réalisées l’année dernière, il ne resterait que trois grands opérateurs sur quatre. Ce n’est pas ce qui s’est produit, mais nous continuons de jouer ce thème de la consolidation dont le grand gagnant sera justement Iliad.

Peut-on dire que des quatre secteurs précités, le secteur des télécoms renferme le moins d’opportunités ?
C’est ce qu’il nous semble.

Jouez vous les dividendes exceptionnels ?
Nous les jouons dans le sens contraire. Autrement dit, nous nous efforçons de nous positionner comme vendeurs de ces titres très sollicités par certains fonds la veille du versement du dividende exceptionnel.

Quels sont les derniers ajustements apportés à votre portefeuille?
Nous avons un peu allégé les valeurs immobilières suite à leur très forte hausse. Fin 2014, elles constituaient notre principale exposition sectorielle. Nous nous sommes servis des profits réalisés pour nous repositionner sur des valeurs cycliques ou des valeurs qui ont eu une performance boursière moyenne l’année dernière comme Saint Gobain et Bolloré. Concernant l’aspect rendement, suite à l’offre faite sur Havas, Bolloré a décidé d’augmenter son dividende pour s’aligner sur celui – plus élevé - distribué par la société cible.

En termes de perspectives, pourrait-on craindre une surchauffe sur le segment des actions à dividende face à la quête de rendement par les investisseurs dans un contexte de taux durablement bas et étant donné l’abondante injection de liquidité à venir de la part de la Banque centrale européenne, à l’instar de ce que l’on perçoit aux Etats-Unis sous l’impulsion du quantitative easing de la Réserve fédérale américaine ?
C’est possible. Le rallye que nous venons de vivre sur les foncières apparait clairement comme une illustration de ce mouvement, mais il ne s’agit sans doute pas encore d’une exagération. Pour autant le programme de quantitative easing de la BCE est appelé à durer. Le contexte de taux bas devrait encore prévaloir un certain temps.
Pour l’heure il demeure des opportunités. Il faut juste aller dans les secteurs moins évidents, ce que nous nous efforçons de faire au travers des fonds que nous gérons.

Propos recueillis par Imen Hazgui