Interview de Romain  Boscher : Responsable de la gestion actions chez Amundi

Romain Boscher

Responsable de la gestion actions chez Amundi

Le Cac 40 pourrait de nouveau atteindre les 5000 points d'ici la fin de l'année 2015

Publié le 14 Octobre 2015

Pour certains, parce que les actions de la zone euro n’ont pas encore connu de capitulation, celle-ci devrait survenir au quatrième trimestre de cette année ? Qu’en pensez-vous ?
Il y a lieu de distinguer les actions de la zone euro des actions européennes.
Si les actions de la zone euro n’ont pas capitulé, il n’en est pas de même d’autres actions européennes, comme les actions suisses, britanniques, ou suédoises qui ont beaucoup souffert du ralentissement plus prononcé que prévu de la croissance chinoise et du fort repli des matières premières.
L’absence de capitulation sur le marché des actions de la zone euro se justifie par une bonne raison : les prévisions de bénéfices des sociétés de la zone euro n’ont pas été drastiquement révisées à la baisse, contrairement aux sociétés américaines ou aux sociétés des pays émergents, d’une part parce que la profitabilité est encore modeste, loin des records et d’autres part parce que le marché des actions de la zone euro ne comprend pas une très forte exposition au secteur des mines et métaux. Les grandes capitalisations liées aux matières premières au sein de la zone euro sont plutôt des sociétés pétrolières intégrées comme Total et Royal Dutch, plus résistantes aux chocs émanant de la perception d’un coup de frein violent dans le monde émergent par le marché.

Selon certains opérateurs sur les marchés, cette révision à la baisse ne saurait tarder…

Au cours des six derniers mois, l’évolution des profits des sociétés britanniques a été révisée à la baisse de 6% si bien qu’au final un repli de 8% est actuellement attendu sur l’année.
Malgré une réévaluation ces six dernières semaines, les prévisions de bénéfices des sociétés de la zone euro n’ont, quant à eux, pas beaucoup changé. Un point de préoccupation avait porté sur l’impact à effet immédiat que pouvait avoir sur les bénéfices le recul des prix des matières premières. Mais en dehors du secteur de l’énergie, les perspectives bénéficiaires pour 2015 comme 2016 demeurent nettement haussières même si un peu moins ambitieuses qu’envisagée initialement.

Les moteurs identifiés pour cette hausse des bénéfices en début d’année ne seraient plus aussi puissant : la valeur de l’euro, le cours du pétrole, les taux de refinancement sur les marchés, l’accélération de la croissance dans la zone euro ?

Il est vrai que l’alignement des planètes n’est plus aussi idéal qu’en début d’année mais il persiste.
L’euro demeure dans l’absolu sur un niveau sensiblement inférieur à ce qu’il était il y a un an glissant notamment par rapport au dollar et à la livre malgré la récente hausse constatée du fait de la dépréciation de multiples devises émergentes. Pour le moment, le marché n’anticipe pas une appréciation significative de l’euro dans les mois à venir qui pourrait venir mettre à mal les résultats des sociétés de la zone pour 2016.
La reprise de la zone euro se poursuit même si le rythme de cette reprise a perdu de l’élan. La croissance de la zone euro cette année devrait être supérieure à celle de 2014. En 2016, cette croissance dépasser celle de 2015.
Nous pouvons donc considérer que ces deux piliers sont effectivement un peu moins solides qu’ils ne l’étaient en début d’année.

Tel n’est pas le cas des deux autres vecteurs de hausse à savoir la baisse des matières premières et des taux d’intérêt. Toutes les matières premières connaissent aujourd’hui des cours sensiblement plus bas qu’en début d’année, que ce soit le pétrole, les métaux, les denrées agricoles même si des rebonds très ponctuels ont pu être remarqués. De même les taux de refinancement des entreprises de la zone euro sur les marchés, pour l’essentiel bien notées, restent à un niveau bien plus faible qu’il y a un an. La politique monétaire très accommodante de la Banque centrale européenne devrait maintenir la pression baissière sur ces taux au cœur comme à la périphérie de la zone euro.

Quelle progression des profits escomptez-vous à ce stade ?

Une progression de 10% en fin d’année ne nous parait pas improbable. En cela, nous n’avons pas modifié notre opinion positive mais revue en baisse l’ampleur de la hausse.

L’augmentation de la volatilité sur le marché ne sera pas un handicap pour sa tendance haussière ?

La volatilité est clairement plus élevée qu’en début d’année et pourrait encore croitre dans les mois à venir. Cette volatilité est indéniablement un vent défavorable pour la collecte sur le marché. Les investisseurs préfèrent aller sur des actifs peu volatils. Cette volatilité n’est néanmoins pas propre au marché des actions de la zone euro.
Au lieu d’avoir une ruée comme celle de ce début d’année, nous devrions assister à des flux plus modérés, plus graduels dans la mesure où dans ce contexte de taux proches de 0, les actions de la zone euro continuent à offrir un rendement proche de 3,5%. Ils devraient ainsi continuer à attirer les capitaux que ce soit par envie ou par défaut.

Qu’est ce qui vous laisse admettre que nous ne devrions pas connaitre au quatrième trimestre un scénario similaire à celui que nous avons eu au troisième trimestre qui s’est caractérisée par une correction de plus de 7% pour le Cac 40 et de plus de 10% pour l’Eurostoxx 50 ?

Trois considérations principales. Tout d’abord, je ne crois pas à la ligne droite sur les marchés. Ainsi envisager la perspective à partir de la tendance récente me parait infondé. Il y a eu des excès dans les mouvements du troisième trimestre qui n’ont pas vocation à se répéter, tout du moins, pas à court terme. Qui plus est, nous avons de véritables raisons de penser que nous devrions observer une amélioration de la santé économique de la Chine. Plusieurs mesures de relance ont été annoncées dans le secteur automobile (avec des mesures fiscales avantageuses), le secteur immobilier (avec de meilleures conditions d’apport), le secteur bancaire (en agissant sur les réserves obligatoires), le financement des entreprises (en intervenant sur les taux directeurs). Celles-ci devraient au moins nourrir un rebond technique. Ainsi, le risque de rechute en récession et de déflation au niveau global et pour la zone euro devraient davantage s’éloigner que s’accentuer d’ici la fin de l’année.

Vous maintenez votre prévision d’un Cac 40 autour des 5000 points fin décembre ?

Un peu plus fébrilement qu’en début d’année. Cette prévision faite à l’été 2014, et déjà atteinte à maintes reprises dans le courant de l’année 2015, n’est pas totalement hors d’atteinte en clôture d’exercice.

Votre allocation sur les actions de la zone euro a-t-elle été beaucoup modifiée depuis le début de l’année ?

Nous estimions en début d’année que les actions de la zone euro généreraient certainement la plus forte performance, devant les actions japonaises, les actions américaines et les actions émergentes.
Notre conviction est intacte même si elle a baissé dans son intensité. Nous avons donc quelque peu réduit notre exposition cet été. Sur le plan thématique, nous avons maintenu le cap sur les dividendes soutenables, les fusions acquisitions, les rachats d’actions, la sensibilité à la consommation des ménages. Nous n’avons pas fait le choix de retourner sur les valeurs très cycliques.

Propos recueillis par Imen Hazgui