Interview de Jean-Marie Mercadal : Directeur général délégué d'OFI Asset Management

Jean-Marie Mercadal

Directeur général délégué d'OFI Asset Management

Actions de la zone euro : nous ne devrions assister ni à une capitulation ni à un fort rebond au dernier trimestre 2015

Publié le 19 Octobre 2015

Quel regard portez-vous sur l’environnement dans lequel évolue le marché des actions de la zone euro actuellement ?
L’environnement général dans lequel évolue le marché des actions de la zone euro s’est détérioré depuis le début de l’année. Les doutes se sont accentuées sur l’ampleur de la croissance au niveau international et ont alimenté des craintes concernant la robustesse des profits générés par les entreprises de la zone euro.
Comment expliquez-vous le vif contraste entre la performance de l’Eurostoxx 50 à la fin du premier trimestre (+20%) et à la fin du troisième trimestre (-10%) ?
Les flux de ce début d’année ont surtout été le fait d’investisseurs internationaux, notamment américains. Compte tenu de la complexification de l’environnement, et de la dépréciation du dollar qui s’est dessinée, ces investisseurs ont décidé d’alléger leur exposition au segment des actions de la zone euro.

A quoi vous attendez-vous s’agissant des prévisions des profits réalisés par les entreprises de la zone euro ?

La réalité s’avérant différente de celle qui était envisagée en début d’année, les prévisions des analystes au sujet de la progression des bénéfices des entreprises de la zone euro seront très probablement révisées négativement au cours des prochaines semaines.

De quelle ampleur pourrait être cette révision ?

Nous pourrions passer de +15% à +7/10%.

Quelle suite des évènements escomptez-vous pour le quatrième trimestre ?

Je pense qu’il faut s’attendre à des semaines encore mouvementées, du fait des zones d’ombre qui existent sur le plan macroéconomique (croissance internationale, politique monétaire américaine), microéconomique, et géopolitique ; sans réelle tendance. Nous ne devrions assister ni à une capitulation ni à un fort rebond.

D’aucuns n’excluent pas que le Cac 40 atteigne de nouveau les 5000 points d’ici la fin de l’année. Qu’en pensez-vous ?

Cela n’est pas impossible. Cela signifierait un gain de 10% additionnels par rapport au niveau actuel. Les choix qu’ont les investisseurs pour se placer sont assez limités. Les taux restent très bas. On peut alors penser qu’à la moindre baisse du marché, les opérateurs n’hésiteront pas à revenir sur les opportunités créées.

Qu’en est-il de l’évolution de votre allocation d’actifs sur le segment des actions de la zone euro ?

Tout au long de la phase d’agitation de cet été, notre équipe est revenue vers des secteurs cycliques/industriels. Nous admettons que des excès ont manifestement été commis sur certaines valeurs de ces secteurs. Même si nous dénotons un ralentissement de la croissance au niveau international, nous excluons tout scénario de retour en récession.

Quels éléments de soutien peut-on entrevoir d’ici la fin de l’année ?

Nous pourrions avoir des déclarations favorables de la part de la BCE. Cependant, dans une large mesure elles sont déjà intégrées dans le marché. Ce dernier considère que le soutien de la BCE est assuré. L’évocation d’une amplification de l’intervention de la Banque centrale par son président n’aurait donc à mon sens pas grand effet positif. Cependant tout ce qui laisserait penser une marche arrière de la BCE aura indéniablement un impact négatif.

Du coté des éléments de risque, un nouveau statu quo de la Fed pourrait-il de nouveau dérouter le marché ?

Le marché a été une première fois négativement surpris par la Fed par sa décision de ne pas agir en septembre. Celui-ci s’attend à l’éventualité d’être de nouveau déçu d’ici la fin de l’année. Ainsi un nouveau statu quo de la Fed n’aura vraisemblablement pas le même impact que le mois dernier.
Le manque de visibilité sur la manière dont sera poursuivie la politique monétaire continuera à alimenter de la volatilité sur le marché. La nervosité du marché pourrait être d’autant plus palpable si l’on entrevoit un indice des prix à la consommation aux Etats-Unis en hausse sur fond d’une stabilisation du cours du baril de pétrole, puisque jusque là une des raisons phares qui expliquent l’absence d’intervention de la Fed est la faiblesse de l’inflation.

Comment analysez-vous la phase d’agitation qui s’est ouverte depuis quelques semaines ?

La phase d’agitation qui s’est ouverte depuis quelques semaines est classique et légitime étant donné les incertitudes qui portent sur l’état de la croissance, la variation des taux, l’ampleur des bénéfices des entreprises.
Nous ne sommes pas du tout dans une configuration comparable à celle de 2008 ou dans une moindre mesure à celle de 2011 où le marché était confronté à des risques de nature systémiques. Une faillite du secteur bancaire n’est pas en cause.

Quid du risque lié à la Chine ?
Nous sommes d’avis qu’il y a trop d’inquiétude sur ce qui se passe en Chine. Nous n’entrevoyons pas un atterrissage brutal de la croissance chinoise.

Vous excluez toute probabilité que l’on connaisse un quatrième trimestre sur le marché des actions de la zone euro similaire au troisième trimestre ?
Cela fait depuis 2012 que le marché des actions de la zone euro est monté en ligne droite sans véritable correction boursière avec un niveau de volatilité très bas. Il y a ainsi lieu de relativiser la contreperformance que l’on a connu le trimestre dernier.
Comme pour un tremblement de terre qui se manifesterait, nous ne sommes pas à l’abri d’une réplique. A présent, parier sur la survenance d’une correction violente au cours des prochaines semaines serait aussi risquer que de parier sur la matérialisation d’un fort rallye de 10%.

Un dernier mot ?

Notre propos est de dire que nous sommes dans une situation qui ne justifie pas une totale sortie du marché. Il y a lieu de tirer avantage des excès commis à la baisse pour accroitre son exposition.



Propos recueillis par Imen Hazgui