Interview de Alfred Lortat-Jacob : Avocat associé du cabinet Cornet Vincent Segurel

Alfred Lortat-Jacob

Avocat associé du cabinet Cornet Vincent Segurel

La décision du Conseil d'Etat sur les moins-values est une bonne nouvelle pour les contribuables

Publié le 15 Janvier 2016

Quelles sont les règles d’imposition des plus-values de cession d’actions pour l’année 2016 ?
Depuis 2012 les plus-values de cession d’actions sont soumises au barème de l’impôt sur le revenu après un abattement qui varie en fonction de la durée de détention sauf exceptions (50% pour les titres détenus depuis au moins deux ans, 65% au-delà de 8 ans) et aux prélèvements sociaux. Cette règle ne change pas en 2016. En revanche il y a une évolution importante dans le calcul des moins-values. La doctrine administrative formulée en mars 2015 indique que non seulement les plus-values mais aussi les moins-values font l’objet d’abattements pour durée de détention. Cette position de l'administration a fait l'objet de nombreuses critiques de la part d’avocats fiscalistes et de contribuables. Elle va à l'encontre même de l'esprit de la loi en ne favorisant pas une détention longue des titres par le contribuable dans la mesure où celui-ci est incité à liquider au plus vite ses titres en moins-values pour ne pas être pénalisé par les abattements sur les moins-values. Le Conseil d'Etat dans sa décision du 12 novembre 2015 a rappelé la lettre de la loi et invalidé la doctrine administrative. D’après cette décision les abattements ne s’appliquent pas aux moins-values, mais seulement aux « gains nets ».

En quoi ces nouvelles règles sont-elles plus favorables au contribuable ?
Cette décision est une bonne nouvelle à plusieurs titres. Premièrement, pour ceux qui ont subi des pertes en 2015 celles-ci sont imputables à 100% sur leurs gains. Si le montant net entre les plus-values et les moins–values est négatif, cette perte est reportable dans son intégralité les années suivantes. Ainsi si vous cédez des titres détenus depuis plus de 8 ans et que vous constatez une perte de 1000 euros sur ces titres, la perte reportable est de 1000 euros. Jusqu’à présent, en vertu de la doctrine en vigueur, la perte reportable n’était que de 350 euros (après abattement de 65%).
D’autre part la décision du Conseil d’Etat ouvre la voie à des remboursements d’impôt pour les contribuables qui ont appliqué des abattements sur leurs moins-values conformément à la doctrine en vigueur. Ils doivent pour cela adresser une lettre de réclamation auprès des services fiscaux, au plus tard le 31 décembre 2016 s’agissant de l’impôt sur les revenus 2013 (acquitté en 2014). Pour les revenus 2014 (impôt acquitté en 2015) le délai de réclamation court jusqu’au 31 décembre 2017. Il est conseillé de se faire aider par un conseil fiscal pour la rédaction de la lettre.

Il reste néanmoins des interrogations sur les modalités de calcul des plus-values…
En effet, jusqu’à présent le contribuable devait calculer, pour chaque titre, sa plus-value ou sa moins-value et appliquer un abattement en fonction de la durée de détention. Le Conseil d’Etat, lui, parle de « gains nets ». Autrement dit l’abattement ne s’applique plus à chaque titre mais à la somme des plus-values et des moins values réalisées au cours de l’année, et uniquement si cette somme est positive. A priori cette méthode est plus simple et favorable au contribuable. Le problème est que l’on ne sait pas quelle durée de détention retenir lorsqu’il y a plusieurs lignes de cessions dans un portefeuille. Nous sommes dans l’attente de précisions sur ce point de la part de l’administration.

Quand peut-on espérer avoir une réponse à cette question ?

Le gouvernement a indiqué qu'une nouvelle doctrine serait présentée prochainement afin de clarifier le dispositif d’imposition des plus-values. Lors du débat sur la loi de finances, le secrétaire d’Etat au Budget Christian Eckert a précisé que la suppression de l’abattement sur les moins-values entraînerait une perte de recettes fiscales de l’ordre de 400 millions d’euros. Dans l’état actuel des finances publiques c’est loin d’être anodin. Il n’est pas exclu que le gouvernement cherche à réduire ce coût et à limiter la portée de la décision du Conseil d’Etat. Il faut donc attendre la nouvelle doctrine qui sera formulée vraisemblablement dans les prochaines semaines, avant le lancement de la campagne de l’impôt sur le revenu.

Propos recueillis par François Schott