Interview de Olivier  Paquier  : Directeur SPDR ETF France, Monaco, Espagne & Portugal chez State Street Global Advisors

Olivier Paquier

Directeur SPDR ETF France, Monaco, Espagne & Portugal chez State Street Global Advisors

Les principaux risques identifiés pour la collecte dans les ETF cette année

Publié le 20 Avril 2016

Avec un milliard d’euros, vous avez réussi à vous ériger au rang de deuxième collecteur net dans la sphère des ETF depuis le début de l’année alors qu’habituellement vous occupez entre la quatrième et la sixième place. Comment l’expliquez-vous ?
Cette collecte représente clairement un montant record pour notre activité. A titre de comparaison, nous avions collecté sur l’ensemble de l’année 2015, 2,5 milliards d’euros.
Le départ plus dynamique de cette année est clairement du à l’intérêt que portent les investisseurs pour nos produits. Nous avons dernièrement lancé plusieurs nouveaux produits sur le crédit, sur la dette souveraine américaine et la dette souveraine européenne, qui tendent à compléter notre gamme déjà très étoffée.

Ces derniers mois se sont caractérisés par une ruée des investisseurs vers les ETF obligataires au détriment des ETF actions. Quelle lecture en faites vous ?

Les marchés actions sont trop volatiles pour les fonds de fonds et les grands investisseurs institutionnels comme les caisses de retraite qui ne sont pas en mesure de programmer des réallocations de leurs portefeuille en moins de quelques semaines.
Par ailleurs, ces mêmes investisseurs profitent des ETF obligataires pour se positionner sur des segments moins traditionnels avec un accès plus facile, plus rapide, moins couteux comme les obligations émergentes.

Faites-vous un lien entre les dernières annonces faites par la BCE, notamment l’élargissement du programme de quantitative easing aux obligations d’entreprises de bonne qualité et l’intérêt des investisseurs pour les ETF obligataires ?
Je n’ai pas constaté un lien direct par rapport à la temporalité des souscriptions d’achat. Nous n’avons pas vu une accélération de la demande sur les ETF obligataires à la suite de l’intervention de Mario Draghi du 10 mars.

Pensez-vous que cette tendance devrait se poursuivre ? Pensez-vous qu’elle puisse nuire à la collecte totale dans les ETF, l’idée étant que même si nous avons un système de vase communicant, l’ampleur du positionnement des investisseurs sur les ETF obligataires n’arrive pas à compenser l’ampleur du désengagement des ETF actions ?
Si l’on considère le premier trimestre, la collecte totale sur les ETF en Europe a été plus faible en 2016 qu’en 2015. L’année dernière, le marché a collecté environ 48 milliards d’euros, contre 6 milliards cette année pour l’instant. La tendance a été clairement ralentie du fait de la complexité de la configuration des marchés en ce début d’année.
Cela ne signifie pas que le marché ne va collecter cette année que 24 milliards d’euros au lieu de 48 milliards d’euros. Ce d’autant plus que concomitamment à la reprise des marchés, nous avons observé plus d’arrivage vers les ETF de dette européennes, les ETF S&P 500 et les ETF MSCI EMU et MSCI Europe.

Etes-vous d’avis que les flux vers les ETF obligataires seront plus massifs une fois que la BCE commencera à opérer ses achats sur le marché du crédit européen ?
La logique de gamme devrait l’emporter sur cette logique de politique monétaire. Les ETF devraient être de plus en plus perçus comme une aubaine pour les investisseurs qui ne connaissent pas les solutions packagées qu’ils proposent sur la partie obligataire.

Que répondez-vous à ceux qui défendent l’idée que la dispersion de performances entre secteurs et entre valeurs à l’intérieur d’un même secteur que l’on voit aujourd’hui est davantage propice à une gestion active qu’à une gestion passive ?

Je n’oppose pas la gestion passive à la gestion active. J’estime que les deux gestions sont complémentaires. La gestion active présuppose de bien appréhender la direction que va prendre le marché qui intéresse. Ceci étant, lorsqu’un investisseur, qu’il soit particulier ou professionnel, n’a aucune idée de l’orientation que va prendre le marché qu’il a en vue, le mieux est d’être sur un produit qui réplique le mouvement du marché.

Qu’en est-il des avancées réglementaires que l’on a pu avoir ces derniers mois sur le front de la réglementation des ETF ?

La seule réglementation qui aurait pu avoir un véritable impact a été repoussée dans le temps, à savoir la directive MIFID 2. Un des changements que suppose cette directive et qui a été anticipé par de nombreuses Fintechs dans les modes de distribution des produits a été d’inclure les ETF dans les contrats d’assurance vie pour les particuliers.

Vous avez lancé 11 nouveaux produits depuis début janvier. Escomptez-vous continuer dans cette lancée ?

Nous envisageons effectivement le lancement de nouveaux produits à la fois sur les actions et les obligations.

Quels vous paraissent être les risques principaux pour la collecte dans les ETF cette année ?

Le premier risque perceptible est l’incompréhension des produits dans lesquels sont effectués des investissements, qui peut amener à des déceptions. Il y a lieu de lire attentivement, au-delà de la documentation commerciale, la documentation réglementaire (le DICI et le prospectus). Pour rappel, les ETF sont des produits financiers qui ne garantissent pas le capital.

Un autre risque loin d’être négligeable, mais compliqué à saisir pour les investisseurs, est le risque de change. L’achat d’un ETF S&P 500 nécessite au préalable une conversion en euro des performances affichées en dollar.
Certains produits ont un sous jacent calculé en plusieurs devises. C’est le cas par exemple d’un ETF de dette émergente en devises locales dont le prix de référence est contre valorisé en dollar mais où chaque sous jacent est repris dans sa propre devise. Il y a typiquement une quarantaine de pays émergents qui émettent de la dette en devise locale. Dans un tel scénario, même si les sous jacents de l’ETF ne bougent pas, si les devises varient, cela peut considérablement faire évoluer la performance du produit.

Il faut donc bien comprendre ce dans quoi on s’aventure et ne pas hésiter à faire appel à la société de gestion, ou à son intermédiaire broker, pour obtenir une réponse claire.

Quid du risque de liquidité ?

La difficulté relative à la liquidité est de bien la capter en termes de coût. Il y aura toujours en face un acteur pour acheter ou revendre des parts d’ETF, la problématique est celle du prix d’achat ou de vente. Les gros investisseurs institutionnels qui passent plusieurs centaines de millions d’euros d’ordres chaque jour veulent des coûts bas et peuvent en fonction de leur appréciation subjective considérer à certains moments que les coûts auxquels ils doivent faire face sont trop élevés.
Les investisseurs particuliers, en revanche, ne rencontrent pas ce type d’à-coups. La taille des carnets d’ordre s’est beaucoup élargie ces dernières années.

On s’est aperçu en 2015 qu’un certain nombre d’ETF ont du être suspendus en raison de la forte volatilité qui sévissait sur les marchés financiers ?

La suspension de ces produits n’a pas été due aux produits eux-mêmes mais aux modalités de fonctionnement de la bourse américaine. Un consortium d’émetteurs d’ETF, de brokers et de market makers s’est réuni pour apporter des actions correctives et faire en sorte qu’un tel phénomène ne se reproduise plus.
En Europe, nous n’aurions pas été confrontés à une telle mésaventure car les règles de bourse sont sensiblement différentes. Le dialogue permis entre les émetteurs et les instances de surveillance des places boursières est tel qu’il n’aurait pas conduit à la un dérèglement d’une telle ampleur.

Est-ce à dire qu’un excès de volatilité sur les marchés en Europe ne pourrait pas conduire de suspension d’ETF ?

Un excès de volatilité sur les marchés en Europe pourrait conduire à la suspension de cotation d’ETF mais dans des conditions diamétralement différentes de celles que l’on a relevées aux Etats-Unis. Nous avons déjà rencontré des suspensions d’ETF par le passé sur les marchés européens mais elles n’ont duré que quelques secondes ou quelques minutes.
Dans une situation de volatilité extrême, les banques seraient enclines à traiter hors marché les ETF.


Propos recueillis par Imen Hazgui