Interview de Gustavo Horenstein : Gérant multi-actifs international chez Dorval AM

Gustavo Horenstein

Gérant multi-actifs international chez Dorval AM

Les investisseurs ont pris conscience que ça n'allait pas si mal

Publié le 23 Décembre 2016

Les actions américaines et européennes ont bondi de 10% depuis l'élection de Donald Trump, début novembre. Assiste-t-on à un rallye de fin d'année ou à une tendance haussière plus durable ?
Il ne s'agit pas d'un rallye de fin d'année mais d'un véritable changement de perspective des marchés. Depuis un an et demi les investisseurs étaient dans une forme de déni de la croissance avec des craintes de récession aux Etats-Unis, d'un krach sur la dette émergente et d'un choc systémique dans le système bancaire européen. Rien de tout cela ne s'est réalisé. La croissance mondiale a tenu bon, les cours des matières premières se sont raffermis et la demande dans les pays développés s'est améliorée. L'élection de Donald Trump a été le "déclic" pour de nombreux investisseurs qui ont subitement pris conscience que ça n'allait pas si mal. Elle a d'ailleurs déstabilisé un certain nombre de portefeuilles qui étaient construits sur un scénario très défensif. Aujourd'hui on ne craint plus le manque de croissance mais la hausse des taux et ses conséquences sur les actifs dits sans risque, notamment les obligations d'Etat. Il nous paraît aujourd'hui plus opportun d'investir en actions américaines que sur des bons du Trésor à dix ans.

Quels pays ou régions privilégiez-vous ?
Le marché japonais est l'un de nos marchés favoris. La politique monétaire de la Banque du Japon consistant à cibler les taux longs offre beaucoup de visibilité aux investisseurs et contribue à la dépréciation du yen. Deux éléments très positifs pour les actions japonaises.
Nous sommes également positifs sur les actions européennes, qui bénéficient elles aussi d'une politique monétaire accommodante et dont la prime de risque (politique) par rapport aux actions américaines aura tendance à se réduire selon nous. Nous pensons que les craintes de l'arrivée au pouvoir de partis anti-euro, en France et en Italie, sont exagérées. Compte tenu de leur retard de valorisation sur les actions américaines et de perspectives de résultats favorables, nous croyons à la thématique européenne. J'ajoute que cette thématique a déjà très bien performé en 2016 pour les fonds "zone euro" tournés vers la croissance domestique.

Quid des marchés émergents ?

Le renforcement du dollar et la rotation des portefeuilles ne sont pas favorables, à court terme, aux actifs émergents. Et ce, bien qu'un certain nombre de pays aient clairement passé le point bas. L'incertitude sur la politique commerciale de Donald Trump incite également les investisseurs à la prudence. Cependant l'économie américaine a largement bénéficié de la croissance des émergents et de la Chine depuis une vingtaine d'années. J'ai tendance à penser que le président américain restera pragmatique et ne remettra pas en cause ce moteur de croissance de l'économie américaine.

Quels sont les principaux risques à surveiller ?
Trump représente un choc asymétrique sur l'économie mondiale. Son programme va favoriser les Etats-Unis et aura peu d'impact direct sur le reste du monde (Europe, émergents). Or l'économie américaine est déjà la mieux-portante aujourd'hui. Le risque est d'avoir une appréciation du dollar qui pourrait mettre en difficulté les économies les plus fragiles. Sur les marchés actions, une hausse des taux plus rapide que prévu pourrait également générer un regain de stress. Cependant il ne nous semble pas que la hausse actuelle soit le signal d'un marché baissier. Nous pensons que les taux peuvent encore monter de 100 à 150 points de base aux Etats-Unis sans remettre en cause la dynamique positive des marchés actions.

Propos recueillis par François Schott