Interview de Karen Aiach : Directrice générale de Lysogene

Karen Aiach

Directrice générale de Lysogene

Une course contre la montre est lancée, nous voulons accélérer

Publié le 27 Janvier 2017

Présentez-nous Lysogene, la société que vous avez fondée en 2009 et qui s'introduit en bourse sur Euronext…
Lysogene est une société biopharmaceutique qui développe de nouveaux candidats médicaments dans des maladies rares neurologiques et mortelles, pour lesquelles il n'existe aucun traitement commercialisé. J'ai créé la société en 2009 avec le professeur Olivier Danos, pionnier de la thérapie génique appliquée aux maladies neurodégénératives. Il s'agissait au départ d'un combat personnel destiné à trouver un traitement pour ma fille atteinte de la maladie de Sanfilippo A. Nous avons mené un premier essai en 2012 qui a démontré de bons résultats en termes de tolérance et d'innocuité. Un deuxième essai "pivot" doit démarrer tout début 2018 dont nous espérons qu'il démontrera l'efficacité du traitement et débouchera sur une commercialisation en 2020. Suivant la même approche nous avons lancé un deuxième programme sur la gangliosidose à GM1, ou maladie de Landing, qui entrera en phase clinique l'année prochaine.

Vous avez monté quasiment seule ce premier essai alors qu'aucun laboratoire ne travaillait sur le sujet. Comment avez-vous trouvé les ressources financières, techniques, et scientifiques pour mettre sur pied un tel projet ?

Au début nous avons fait avec ce qu'il y avait, c'est-à-dire pas grand-chose. Nous sommes allés voir les équipes de chercheurs qui travaillaient sur les maladies de surcharge lysosomale dont font partie les maladies rares du système nerveux central. Nous avons recruté une neurobiologiste afin de faire un état des lieux et d'explorer des voies thérapeutiques. Puisqu'il s'agit de maladies 'monogéniques', causées par un seul gène défectueux, la thérapie génique s'est imposée comme une évidence. Restait à trouver les fonds et les équipes pour monter un essai, ce que nous avons fait grâce à l'aide de la famille et des amis, celle d'associations de patients et d'un 'family office'. L'essai a été conduit par le professeur Michel Zerah, chef de neurochirurgie à l'hôpital Necker. Après son bon déroulement et la publication des résultats nous avons pu lever 16,5 millions d'euros auprès de trois investisseurs institutionnels : Sofinnova, un spécialiste des biotech, bpiFrance et Novo A/S, un fonds géré par la fondation Novo Nordisk. Cette levée de fonds, en 2014, nous a permis d'améliorer notre premier produit et de lancer un deuxième candidat-médicament sur la maladie de Landing.

Pour quelles raisons vous introduisez-vous en bourse aujourd'hui ?
L'introduction en bourse est une étape clé dans notre développement sachant que les étapes cliniques vont s'enchaîner à partir de l'année prochaine. La levée de fonds (30 millions d'euros en milieu de fourchette, ndlr) servira à financer l'essai pivot de notre produit le plus avancé contre la maladie de Sanfilippo A, dernière étape avant la commercialisation, ainsi que la phase I sur la gangliosidose à GM1. Ces deux programmes ont obtenu la désignation de "maladie rare pédiatrique" par la Food and Drug Administration américaine. Cela signifie qu'en cas d'approbation de ces deux premiers produits, Lysogene bénéficiera d'une procédure de revue prioritaire pour les suivants.

Vous avez donc d'autres projets au-delà des deux premiers candidats-médicaments ?
Notre objectif est de devenir un acteur de référence dans les maladies rares pédiatriques du système nerveux central en développant des médicaments innovants, capables de corriger l'action des gènes défectueux et d'améliorer radicalement la vie des patients. En tant que pionniers dans ce domaine nous avons acquis une expertise unique et nous recevons régulièrement des demandes d'équipes de recherche universitaires qui souhaiteraient que nous puissions tester et prendre en charge le développement clinique de leur produit. Pour l'instant nous ne pouvons pas y donner suite, faute de moyens suffisants. Une course contre la montre est lancée et nous espérons que notre introduction en bourse nous donnera les moyens d'aller encore plus vite, car il y a un besoin médical urgent.

Avez-vous chiffré ce marché ?
Les maladies de surcharge lysosomale (« MSLs ») génèrent d'ores et déjà un chiffre d'affaires de plus de 5 milliards de dollars par an. Ces traitements, bien qu'ils ne concernent qu'un faible nombre de patients, sont rentables pour les laboratoires. Mais ils ne concernent qu'un tiers environ des MSLs. Les deux-tiers restants, à savoir les maladies affectant le système nerveux central, ne sont couverts par aucun traitement. C'est sur ce marché, potentiellement très important, que nous sommes positionnés.

Pour en savoir plus sur l'introduction en bourse de Lysogene (période de souscription, fourchette de prix, etc), cliquez ici.

Propos recueillis par François Schott