Interview de André Choulika : PDG de Cellectis

André Choulika

PDG de Cellectis

Un réexamen de brevet ne peut pas prédéterminer ce que dira la justice

Publié le 16 Juin 2009

Precision Biosciences a annoncé par voie de communiqué que l’office américain des brevets avait donné son accord pour procéder au réexamen de deux brevets détenus par Cellectis… De quoi s’agit-il ?
Je rappellerai pour commencer que Cellectis n’a pas seulement deux brevets sur les méganucléases, mais un portefeuille de plus de 160 brevets et demandes de brevets au total. Dès lors, cette demande de mise en réexamen de deux brevets n’est pas de nature à porter un coup à notre liberté d’exploitation.

Precision Bioscicences a décidé, pour des raisons qui relèvent de leur stratégie,  de prendre deux brevets qui ne sont pas ceux pour lesquels ils sont attaqués, afin d’en demander un réexamen. Normalement, lorsqu’on demande une procédure de réexamen auprès de l’office américain des brevets, il est très fréquent de l’obtenir. Il n’y a donc rien d’extraordinaire ici…

Cela étant, c’est que ces brevets existent toujours et n’ont pas été invalidé, hors le réexamen d’un brevet est généralement très long et est beaucoup plus en faveur des détenteurs du brevet. Maintenant, nous verrons bien si cela reste le cas pour nous, mais la communication qui a été faite sur cet octroi de réexamen donnait la fausse impression que nous avions perdu un brevet, ce qui n’est absolument pas le cas, d’autant que la procédure ne vient que de démarrer.

Le communiqué met pourtant en parallèle le procès en cours pour contrefaçon que vous avez intenté…
C’est d’autant plus étrange que l’office américain des brevets ne se prononce pas sur des questions de contrefaçon, ce n’est pas à lui de le faire, or le communiqué crée le doute.

Precision accuse Cellectis dans ces procédures de réexamen, alors que ces brevets ont été déposés en 1992 par l’Institut Pasteur et que Cellectis n’existait pas à ce moment-là. Cela étant, nous prenons en charge la défense de ces brevets, mais il faut bien souligner le fait qu’il n’y a strictement rien à voir entre une procédure de réexamen et un procès sur lequel la justice est sensée se prononcer.

Encore une fois, une procédure de réexamen ne peut pas prédéterminer ce que dira la justice sur la contrefaçon des brevets. A ce titre ce qui a été diffusé par Precision Biosciences est confondant…

Le procès suit donc son cours…
Effectivement, et nous verrons bien ensuite s’il peut y avoir un lien avec la procédure de réexamen, mais celle-ci doit également avoir lieu. Au bout du compte, on saura bien si les brevets sont solides, ou s’ils ont des défauts à l’intérieur, chose qui peut aussi arriver du reste, mais nous verrons seulement à l’issue de la procédure de réexamen si nous avons à répondre et comment nous le ferons le cas échéant…

Par ailleurs, Cellectis détient d’autres brevets dans ce domaine-là qui lui assurent sa liberté d’exploitation et sa dominance dans le domaine des méganucléases.

Il peut donc y avoir un lien avec le procès ?
Peut-être qu’un des buts poursuivi derrière cette demande par Precision Biosciences, c’est de jeter l’opprobre sur les deux brevets en question dans le procès en cours, en en critiquant deux autres… Or cela peut devenir un élément de perturbation du procès tel qu’il est conduit actuellement…

Est-ce que cela impactera le déroulement du procès ? Je n’en sais rien, mais c’est une éventualité s’ils obtiennent effectivement gain de cause ou pas… Il faudra voir alors comment ils pourraient l’exploiter… Pour l’heure en tout cas, il ne s’est rien passé et nos brevets sont toujours là.

La procédure de réexamen dure au minimum un an, mais comme l’office américain des brevets est assailli par ce genre de demandes, le délai pourrait être encore plus long…

Propos recueillis par NS