Interview de Marc Le Bozec : Directeur financier de Cellectis

Marc Le Bozec

Directeur financier de Cellectis

Nous voulons faire de Cellectis une véritable entreprise industrielle

Publié le 15 Mars 2010

Cellectis a publié ses résultats au titre de l’exercice 2009, pourriez-vous revenir sur les la hausse exceptionnelle de vos charges ?
Globalement, l’entreprise a beaucoup grandi, passant de  14 millions d’euros de dépenses en 2008 à 21 millions cette année, ce qui correspond à l’augmentation de la taille physique de l’entreprise. Ainsi les charges ont augmenté de près de 50% avec, en parallèle, des revenus qui ont crû de 14%.

Dans le détail, les grands postes de charges concernent les dépenses de personnels, à hauteur de 6 millions d’euros (85 personnes fin 2009 contre 65 fin 2008), les dépenses externes (consultants, avocats), et les dépenses pour les premières activités pré-cliniques pour 2,5 millions d’euros. Au total, les dépenses de R&D représentent 70% de ces charges. Les frais commerciaux représentent 10% environ, et les 20% restant concernent les frais généraux.

Quels ont été les leviers de croissance sur la période ?
Nous avons trois sources de revenus en 2009 : les brevets de l’institut Pasteur et les nôtres qui nous rapportent 70% des revenus, l’agriculture biologique via les cinq accords signés avec Dupont, BASF, Bayer, Limagrain et Monsanto (30-40% des revenus), et la vente de kits qui a démarré en 2009.

Avez-vous des objectifs, pour les ventes de kits, en 2010 ? 
Nous avons fait quelques centaines de milliers d’euros en 2009, et nous visons un doublement de ce chiffre d’affaires chaque année. Pour 2010, nous espérons vendre une centaine de kits, sachant que nous avons aujourd’hui une dizaine de référence produit et que la tendance sur les premiers mois est plutôt bonne pour atteindre cette objectif.

Par ailleurs, nous souhaitons vendre ces kits à des industriels pour qu’ils testent la technique et qu’ils prennent ensuite les licences, ce qui nous apportera des revenus de licence en plus…

Quelle stratégie envisagez-vous pour pénétrer le marché des biocarburants ?
Pour l’instant, nous en sommes encore à un stade très prospectif, mais ce qui a émergé en 2008-2009, c’est que tous les grands pétroliers s’intéressent aux biocarburants. Or il s’avère que la méganucléase que nous utilisons comme squelette pour fabriquer nos méganucléases artificielles, provient d’une algue.

Nous avons donc pensé qu’il y aurait quelque chose à faire et nous avons approché des équipes de recherche qui nous ont confirmé que ça avait beaucoup d’intérêt. Nous avons dès lors commencé à discuter avec de grands pétroliers pour mettre en place des programmes de recherche communs. Pour l’instant, nous aimerions avoir un retour sur le prix de vente du produit fini, mais c’est ici que les discussions achoppent...

Cela étant, nous ferons aussi des choses nous-mêmes, quoi qu’il advienne, étant donné qu’il s’agit d’un énorme marché.

Envisagez-vous de réaliser des acquisitions ?
Nous visons trois choses : la technologie pour faire entrer nos méganucléases dans les cellules ; dans les plantes, nous cherchons des gènes d’intérêt, des technologies ou même des savoir-faire ; enfin, nous cherchons des circuits de diffusion pour nos kits (catalogues papiers ou web, équipes de vente etc.).

Nous avons fait des propositions à différentes sociétés, nous n’avons rien pour l’instant mais nous allons poursuivre nos recherches en 2010.

Quel type de partenariat souhaitez-vous conclure pour votre activité thérapeutique ?
Nous avons deux approches pour le domaine thérapeutique : la première consiste à faire un trou dans le génome d’un virus pour désinfecter une cellule ; la seconde consiste à faire un trou dans un chromosome pour réparer une séquence mutée, dans le cas de maladies génétiques.

Nous allons donc essayer de signer un accord avec un laboratoire pharmaceutique sur une de ces deux cibles ou famille d’indications, avec l’idée que le laboratoire signe un accord d’exclusivité pendant une période donnée durant laquelle nous allons leur fournir les méganucléases que nous avons déjà tester. Ils vont ensuite essayer d’en faire un médicament et s’ils y parviennent, il y aura toute une série d’étapes dont chaque franchissement donnera lieu à des paiements. Enfin, nous serons éligibles à des royalties sur le prix de vente du produit fini.

Cela étant, le véritable enjeu pour nous, c’est surtout d’apprendre aux côtés des laboratoires pharmaceutiques comment ils mettent au point de nouveaux produits.

Vous dites espérer atteindre la profitabilité en 2012, quels sont vos plans pour y parvenir ?
Nos dépenses augmentent et nous allons encore les augmenter en 2010, mais nos revenus aussi augmentent, au-delà de 10 millions d’euros en 2009 et nous visons idéalement un pallier à 20 millions d’euros en 2010.

In fine, nous espérons avoir, d’ici 5 ans, une entreprise de taille moyenne qui compte quelques centaines voire quelques milliers de collaborateurs, présents sur plusieurs marchés (agriculture biologique, thérapeutique, cellules souches…). Nous souhaitons que cette entreprise dégage plusieurs dizaines ou centaines de millions d’euros de revenus annuels, et soit dans un équilibre pérenne. En résumé, nous voulons faire de Cellectis une véritable entreprise industrielle.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy

nicolas