Interview de Jacques Biton : Directeur général de Deinove

Jacques Biton

Directeur général de Deinove

Pour les biocarburants, nous prévoyons d’aller voir de nouveaux partenaires en 2012

Publié le 09 Avril 2010

Quelle est l’activité principale de Deinove ?
Deinove est une société de technologie verte, centrée sur la production de procédés innovants pour les biocarburants, la chimie verte et les antibiotiques. Pour cela, nous utilisons des bactéries, les déinocoques, sortes d’usines bactériennes naturelles aux propriétés exceptionnelles. Nous les utilisons afin de créer de nouveaux procédés industriels ou pour remplacer des procédés existants.

Quelle est l’innovation majeure issue de l’utilisation de ces bactéries ?
Actuellement, on utilise, pour réaliser des procédés biologiques et industriels, des bactéries souvent fragiles et qu’on modifie génétiquement. Notre idée et notre force consistent à partir d’une bactérie naturellement robuste -il s’agit des bactéries les plus robustes et les plus anciennes sur terre-,  pour la faire rentrer dans un procédé industriel. Nous cherchons donc à utiliser ces bactéries sans les modifier génétiquement, mais en les améliorant à l’aide de recombinants.

Vous avez déjà de nombreux concurrents sur le marché du bioéthanol de première génération. Comment vous différenciez-vous d’eux et que prévoyez-vous pour les biocarburants de seconde ou troisième génération ?
Le marché du bioéthanol représentait près de 38 milliards de dollars en 2009. Il s’agit donc d’un marché déjà existant dans lequel nous souhaitons nous implanter à l’aide de notre technologie qui permet d’optimiser la production de biocarburants.

Cela fait, nous passerons, à partir des usines existantes, à la production de carburants de seconde génération, c’est-à-dire en utilisant de la biomasse non alimentaire. En effet, dans la mesure où nos souches de bactéries sont capables de dégrader la cellulose, nous pourrons opérer un glissement de la première génération de biocarburant à la seconde (amidon d’abord, puis enveloppe du grain, enfin biomasse et feuilles). Je pense en effet que le biocarburant de première génération est une étape obligatoire vers le biocarburant de seconde génération, qui est lui-même une étape vers les biocarburants avancés.

Pourquoi avoir décidé de faire votre entrée en bourse ?
Nous avons un projet extrêmement focalisé qui prévoit, dans 4 ans, l’arrivée sur le marché des premiers procédés (marché de la chimie et marché des biocarburants). Nous avons de ce fait un business plan très clair, financé par Oséo ISI à hauteur de 8,9 millions d’Euros, pour notre projet de biocarburants Deinol en partenariat avec Tereos (dont plus de 6 millions d’euros accordés à Deinove en tant que chef de file) et notre investisseur historique, Truffle Capital. Le premier point est donc qu’en levant cet argent, nous accélèrerons notre développement.

Par ailleurs, nous avons de plus en plus de contacts avec de grands groupes étrangers, or être une société cotée, avec toute la réglementation et le suivi des comptes que cela suppose,  nous rend à leurs yeux beaucoup plus rassurants.

Enfin, nous avons constaté qu’il y a aujourd’hui un appétit assez fort pour les sociétés de technologies vertes, et nous voulons profiter de cet engouement.

Vous souhaitez lever entre 12 et 15 millions d’euros, pourriez-vous nous détailler un peu plus l’emploi que vous comptez faire de ces fonds ?
Dans les trois ans et demi qui viennent, nous avons un projet de 21 millions d’euros avec Tereos [acteur mondial des sucres, des amidons et des alcools] et nos partenaires. Sur ces 21 millions, 9 millions seront financés par Oséo ISI et 3 millions seront à la charge de Tereos. Il reste donc 9 millions d’euros à trouver, donc les 12 à 15 millions que nous espérons lever serviront, entre autre, à ce projet.

Ensuite, les 3 millions qui restent, devraient nous servir d’une part, pour notre projet de chimie verte, et d’autre part, pour notre projet d’antibiotiques, sachant que ce dernier est financé à 50% par des fonds Oséo et ministériels. En résumé, sur les 4 ans à venir, les 12 à 15 millions que nous cherchons seront suffisants pour mener les projets sur le biocarburant, la chimie verte et les antibiotiques.

Qu’escomptez-vous en termes de revenus ?
Pour les biocarburants, nous prévoyons d’aller voir de nouveaux partenaires en 2012, sachant que nous irons en chercher plus tôt dans le cadre des projets sur les antibiotiques et sur la chimie verte. L’idée est ainsi d’implanter notre technologie chez ces partenaires à qui nous proposerons soit une recherche collaborative avec des montants à recevoir, soit des up-front [paiement initial] pour l’utilisation de la technologie. Nous prévoyons cela à partir de 2011-2012.

Dans le détail, pour chaque industriel, nous allons céder une licence non-exclusive lui permettant d’utiliser notre technologie, en échange d’un paiement initial, suivi du versement d’un milestone à la fin de la phase pilote, puis nous demanderons le versement de redevances.

A force de vous acheter des licences, un grand industriel souhaitera peut-être vous racheter…
Je pense que la sortie majeure pour une société comme Deinove, c’est soit de grossir en travaillant sur différents domaines (de la chimie verte, du bioéthanol, mais sur d’autres aspects) donc devenir une plateforme technologique qui va céder des licences, soit, dans un horizon moyen, d’être rachetée par un grand groupe, avec une importante plus-value.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy

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