Interview de Florence Arnaiz-Maumé : déléguée générale du SYNERPA, syndicat des maisons de retraite privées

Florence Arnaiz-Maumé

déléguée générale du SYNERPA, syndicat des maisons de retraite privées

Les maisons de retraites privées créent des milliers d'emplois dans les régions

Publié le 15 Février 2013

François Hollande a annoncé qu’un texte sur la « réforme de la dépendance » serait prêt d’ici la fin de l’année. Quelle est votre réaction ?
Nous saluons la volonté du gouvernement de s’attaquer à ce problème. La France va connaître de profonds bouleversements dans les vingt voire quarante prochaines années. De 1,4 million de personnes de plus de 85 ans aujourd’hui, on passera à 4,5 millions en 2040. Le nombre de « seniors » va également fortement augmenter. Aujourd’hui, le coût de la dépendance pour l’Etat (aides à la dépendance, au logement, les soins, l’assurance-maladie…) est estimé à 22 milliards d’euros par an. A cette somme s’ajoutent les dépenses des familles, estimées à 10 milliards d’euros par an. Il s’agit d’un enjeu économique majeur qui n’a pas été pris en compte par les gouvernements successifs.

Que pensez-vous de la proposition de la ministre des personnes âgées, Michèle Delaunay, d’encadrer les loyers dans les maisons de retraite privées ?
Tout d’abord, nous avons été surpris de ne pas avoir été consultés alors que le président de la République a promis une « grande concertation » en 2013. Par ailleurs, nous n’acceptons pas que les établissements privés soient stigmatisés. Encadrer les « loyers », comme le propose Michèle Delaunay, revient à voir les choses par le petit bout de la lorgnette. En effet, sur les 550 000 lits médicalisés en France, 80% se trouvent dans des établissements publics et associatifs. Les prix de journée « hébergement » y sont déjà encadrés par les conseils généraux. Sur les 20% restants les deux tiers sont des lits occupés dont les tarifs sont revalorisés chaque année selon un taux directeur fixé par la puissance publique. Seul un tiers correspond à des nouveaux arrivants qui se voient appliquer un tarif fixé par chaque établissement en fonction de ses coûts. L’encadrement visé par le gouvernement ne concernerait donc qu’un tiers de la capacité de 20% du parc, soit 10 000 lits environ.

En moyenne, combien coûte une maison de retraite privée ?
En moyenne, on paie entre 60 et 70 euros par jour dans le secteur privé commercial (à Paris, on est à plus de 100 euros en raison du coût du foncier). Dans le public, le tarif hébergement est plus proche de 50 -60 euros. Cette différence tient au fait que les établissements publics sont subventionnés et qu’ils n’achètent pas leur terrain, alors que les établissements privés supportent tous les coûts d’une entreprise commerciale. La marge des établissements privés commerciaux n’est pas élevée : elle oscille entre 2 et 5%, selon les groupes. Elle permet notamment de financer la rénovation des établissements et leur mise en conformité, dans un contexte réglementaire qui évolue sans cesse (accessibilité des locaux, etc). Cela n’est pas forcément fait dans le public. D’après une étude de la Caisse nationale de solidarité autonomie, en 2011, il y avait 116 000 lits à rénover dans le secteur public, ce qui représente un coût de 11 milliards.

On entend également parler des « frais cachés » des maisons de retraite (coiffeur, lessive, etc). Qu’en est-il ?
Certains services annexes sont facturés en supplément. Il s’agit du coiffeur (la plupart du temps un prestataire externe vient dans les établissements) ; de la TV/du téléphone (parfois inclus dans le tarif hébergement) ; des « repas invités » ; ou du blanchissage de certains habits délicats. Certains établissements, par le passé, ont pu avoir des pratiques très discutables en la matière. Mais on ne peut pas jeter l’opprobre sur toute une profession parce que quelques individus ont eu des comportements douteux. Ces abus ont été signalés et les établissements privés de retraite font l’objet d’une surveillance étroite par les services de la répression des fraudes. Tous les ans nous faisons le point avec l’administration sur ces contrôles. S’il y a des amendes, cela prouve que les contrôles sont efficaces.

Une fois les aides publiques déduites, le coût des établissements pour les familles reste très élevé (en moyenne 2000 euros par mois). Comment peut-on alléger ce coût ?
Le gouvernement évoque un soutien plus important aux familles. Nous sommes tout à fait d’accord et sommes prêts à réfléchir avec lui au meilleur dispositif pour orienter les aides vers les familles qui en ont le plus besoin. Je pense que les aides doivent être ciblées sur les classes moyennes, les personnes dont les retraites se situent entre 1100 et 2000 euros, car elles sont exclues des dispositifs actuels.
Mais nous ne voulons pas du discours idéologique ou populiste qui consiste à « taper » sur les établissements privés. Nous sommes un secteur qui recrute, nous créons des milliers d’emplois par an, nous investissons dans les régions. Un maire qui voit une maison de retraite privée s’implanter se frotte les mains : en moyenne, cela représente 50 emplois, 10 millions d’investissements, et du travail pour les fournisseurs locaux.

Le SYNERPA est le premier syndicat national des maisons de retraite privées. Il fédère environ 1800 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (E.H.P.A.D.), associatifs ou commerciaux. Trois grands groupes privés ont émergé sur ce marché et son cotés à la Bourse de Paris : Korian, Medica et Orpea.

Propos recueillis par François Schott