Interview de Stéphane Boissel : directeur financier et responsable du développement chez Innate Pharma

Stéphane Boissel

directeur financier et responsable du développement chez Innate Pharma

Toute acquisition majeure et structurante se fera par une opération spécifique de financement

Publié le 12 Juillet 2007

Fin juin, Innate Pharma a annoncé que le traitement expérimental contre le cancer qu'il a développé avec Novo Nordisk avait été injecté pour la première fois chez des patients atteints de myélome multiple, une maladie du sang. Un premier essai de phase 1 avait déjà débuté en janvier. Tout bonnement, comment ça se passe, quelles sont vos premières observations ?
Il s’agit du second essai clinique sur un produit qui s’appelle l’IPH 2101. C’est un produit qui rentre dans la collaboration avec Novo Nordisk et qui est maintenant dans un programme exploratoire de phase 1, en clinique, avec une première indication qui était la leucémie myéloïde aiguë, qui a démarré en janvier, et puis une nouvelle indication qui est le myélome multiple et qui vient de débuter.

Il est beaucoup trop tôt pour tirer une quelconque conclusion sur ce produit. Il n’y aura sans doute aucune information supplémentaire avant 2008. Les phases cliniques exploratoires sont très longues, notamment les phases 1, lorsque l’on se trouve en escalade de doses : on teste des doses croissantes de produit pour ne pas faire courir de risques aux patients, et l’on constate à chaque pallier de dose ce qui se passe. Ici, on est pour cette deuxième de phase 1, au premier pallier de dose, il est par conséquent trop tôt pour dire ce qui va se passer.

Pourriez-vous nous détailler vos programmes les plus avancés ?
L’IPH 2001 est notre produit le plus avancé, c’est un agoniste gamma delta.

Sur les trois phase 2 en cours, il y en a une qui a démarré en juillet 2006 (cancer du rein métastatique), dont on devrait annoncer les résultats avant la fin de l’année, et les deux autres sont, d’une part, le lymphome moléculaire (une maladie du sang), et d’autre part, l’hépatite virale de type C, notre première incursion hors cancer puisqu’il s’agit d’une maladie infectieuse.

Notre calendrier d’annonces pour ces trois produits se situe vers fin 2007 pour le premier, fin 2008 pour la phase lymphome et, probablement en milieu d’année pour la phase infectieuse. 

Votre groupe a indiqué qu’il cherchait de nouveaux partenariats, où en êtes-vous de vos démarches ?
On a trois plateformes de produits :
la plateforme NK qui fait déjà l’objet d’un partenariat avec Novo Nordisk
la plateforme Gamma Delta, la plus avancée, et pour laquelle la stratégie consiste à attendre d’avoir des signes d’activité clinique. Par conséquent, la meilleure fenêtre de partenariat pour nous sera fin 2008 ou début 2009.
La plateforme TLR, la moins avancée et pour laquelle cette stratégie est plus précoce, puisque, d’une part, on ressent le besoin de s’adosser à quelqu’un qui aurait des compétences dans le développement de ces molécules, et d’autre part, pour le positionnement clinique de ce produit, on souhaite se tourner vers un partenariat. Nous profitons de rétrospectives prometteuses qui pourraient susciter l’intérêt d’un acteur de l’industrie pharmaceutique, puisque nous sommes dans la même situation qu’en 2003 lorsque nous avions signé le partenariat avec Novo Nordisk. Pour cette plateforme, nous sommes aujourd’hui en recherche active pour nouer un partenariat.

L’état de votre trésorerie vous permet de financer des opérations de croissance externe. D’ailleurs, vous n’avez pas caché votre volonté d’étudier des opportunités. Des dossiers sont-ils actuellement à l’étude ? Une annonce est-elle proche ?
Aucune annonce n’est proche actuellement. Nous venons de réaliser une petite acquisition, rendue publique fin juin, puisque nous avons acheté des actifs dans le domaine du TLR auprès du Cancer Research UK, l’une des principales institutions de recherche contre le cancer dans le monde, mais qui est un produit très «early stage». Nous sommes encore loin de l’après clinique, il s’agit typiquement d’une acquisition qui ne va pas changer fondamentalement notre horizon de cash.

Nous avons encore à l’étude deux ou trois opérations similaires qui ne vont pas changer notre horizon de cash. En revanche, toute acquisition significative ne se fera pas sur la base des fonds propres que nous possédons à l’heure actuelle. Elles devront nécessairement être acquittées par un nouveau financement, notre stratégie étant de ne pas mettre en péril le développement de notre business plan actuel.

Une opération d’acquisition mineure qui viendrait complémenter notre plateforme se fera sur la base de ce qu’il y a aujourd’hui, tandis que toute acquisition majeure et structurante devra se faire par une opération spécifique de financement.

Quand estimez-vous qu’Innate Pharma sera bénéficiaire ?
Ce type de société n’est bénéficière qu’à partir du moment où elles ont des produits sur le marché. Ce que nous avons indiqué au moment de l’IPO, c’est qu’il n’y aurait pas de mise sur le marché avant 2011, voire 2012. Il ne faut donc pas attendre de profits avant cette période-là.

En revanche, une fois ces produits mis sur le marché, les sociétés de biotechnologie deviennent presque automatiquement profitables, dans la mesure où les marges brutes sont de l’ordre de 85-90%.

Vous profitez largement de subventions publiques (près de 47% de vos revenus), en particulier du crédit d’impôt recherche. Qu’attendez-vous de l’appel du 19 juin lancé par France Biotech ?
Ce que l’on attend spécifiquement du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) c’est qu’il me semble que pendant la campagne électorale, M. Sarkozy a indiqué qu’il porterait le CIR à 100% des dépenses éligibles, il est donc le bienvenu s’il souhaite le faire du jour au lendemain parce que, pour l’instant ce n’est pas tout à fait ça. C’est un mécanisme assez complexe, et finalement chez nous, ça ne prend en compte que 15% environ de nos dépenses de R&D, ce qui apparaît relativement limité aujourd’hui.

Donc la première des choses que l’on attend sur ce sujet précis, c’est un déplafonnement ou un changement du mode de calcul qui nous permettrait d’englober beaucoup plus de dépenses de R&D que nous réalisons aujourd’hui.

Propos recueillis par Marjorie Encelot et Nicolas Sandanassamy