Interview de Vincent Mutel : PDG d'Addex Pharma

Vincent Mutel

PDG d'Addex Pharma

Il est inéluctable pour nous d’avoir des partenaires de commercialisation et de développement.

Publié le 31 Octobre 2007

En quelques mots, pouvez-vous nous présenter votre entreprise ? Quels sont vos domaines thérapeutiques de prédilection ?
Addex est une société spécialisée dans le développement pharmaceutique de petites molécules actives, par voie orale de préférence. Quant aux indications dans lesquelles nous nous sommes spécialisées, la prédominance actuelle est le système nerveux central (SNC), mais nous travaillons aussi au développement de molécules pour les indications métaboliques et notamment l’obésité, le diabète de type II, entre autres, et dans le futur, nous devrions axer le développement vers l’inflammation.

Nous disposerons donc d’un portefeuille qui sera moins risqué que celui du SNC aujourd’hui.

Quels sont vos produits les plus avancés actuellement ?
Le produit le plus avancé aujourd’hui en clinique, c’est l’ADX10059 qui est une molécule ayant déjà montré son efficacité dans deux phases IIa, proof of concept chez l’homme : une pour le reflux gastro-oesophagien (RGO), qui est une pathologie importante où 20% des malades traités par les inhibiteurs de la pompe à protons souffrent de reflux gastro-oesophagien non traités. La deuxième indication pour laquelle ce produit a démontré son efficacité, c’est la migraine.

Nous allons nous embarquer dans un développement de ces produits pour le reflux gastro-oesophagien et en prévention de la migraine.

Par ailleurs, une troisième étude est en cours sur ce produit pour le traitement de l’anxiété aiguë. Nous devrions là aussi compléter les études avant la fin de l’année.

Votre société a fait son entrée en bourse (Zurich) au prix de 73 francs par action en mai dernier. Quels enseignements tirez-vous des premiers mois de cotations?
D’abord qu’il faut du temps. Une société ne s’évalue pas sur ses 6 premiers mois, sinon ce serait très difficile. On en a eu la démonstration quasiment le premier jour de cotation, puisqu’il y a eu de mauvaises nouvelles dans l’industrie pharmaceutique avec Novartis, et l’action a chuté dès le premier jour de façon dramatique.

Chose qui s’est ensuite très bien rétablie, puisque dans le courant de l’été nous sommes revenus aux alentours de 70 francs. Nous avons alors subi la crise des subprimes et beaucoup de fluctuations du prix de l’action… Mais sur la base de volumes extrêmement faibles, l’action est relativement bien retenue à l’heure actuelle, les gens ne la lâchent pas facilement. Nous sommes un peu victime de cette situation, mais nous avons effectivement appris quelque chose : il faut savoir penser la structure et le type d’investisseurs.

Malgré tous les soins pris à l’allocation pour différents investisseurs, nous sommes toujours dans une sorte d’inconnu quand le pricing se fait, on ne sait pas trop ce qui se passe avec ces actions après.

Je pense toutefois que notre proposition est une proposition de long terme qui doit se voir comme telle. Il est inéluctable qu’il y ait une certaine spéculation sur les sociétés ayant notre profil, mais je crois que sur le long terme nous aurons une base d’investisseurs plus aguerris et plus intéressés par la performance à plus longue échéance.

Peut-on, selon vous, espérer un rebond prochainement ?
Ce qui est important pour nous, ce sont les nouvelles. Notre entreprise travaille pour nos actionnaires, nous sommes obsédés par la création de valeur, nous avons toujours structuré notre entreprise dans ce but. Aujourd’hui il y a un certain nombre de réalisations en cours, de part notre portefeuille clinique, il y a donc beaucoup de nouvelles opportunités.

Nous avons aussi une intense activité commerciale depuis déjà plusieurs mois pour chercher des partenaires et pour vendre nos programmes. Donc je pense qu’on peut dire que nous disposons d’un potentiel de nouvelles non négligeable, ce qui est déjà un avantage par rapport à d’autres entreprises qui ont une base de propositions un peu moins large que la notre.

Nous avons ainsi un pipeline extrêmement chargé : deux molécules en phase clinique, trois en phase pré-clinique, et cinq à six molécules en discovery…

Quelle a été l’affectation des capitaux levés lors de cette IPO ?
De façon très importante, il faut subvenir aux besoins du développement clinique de nos molécules les plus avancées. Nous avons en effet trois produits en pré-clinique en phase d’évaluation de toxicité et d’efficacité sélective, or ce sont des phases qui coûtent énormément d’argent. Nous avons donc déjà été en mesure de rentrer trois molécules en parallèle, en fond, dans cette activité, ce qui n’est pas anodin pour l’entreprise.

Nous avons également la plateforme de développement derrière, qui devra être plus substanciée. Nous allons ainsi dérisquer notre portefeuille, car je veux offrir moins de risques à nos actionnaires et pour cela, nous allons essayer d’aller vers des indications thérapeutiques moins difficiles où le taux de succès est beaucoup plus important, comme le diabète de type II, les maladies métaboliques, l’inflammation… Voilà le futur que nous sommes en train de construire sur la base de cette levée de fonds assez exceptionnelle de 83 millions d'euros.

De nombreuses sociétés de biotech multiplient les partenariats avec de grands groupes pharmaceutiques, quelle est la situation d’Addex en la matière ? A en croire la presse, une collaboration entre Addex et un grand groupe pharmaceutique serait d’ailleurs «imminente»…
Je pense qu’il faut comprendre qu’Addex s’est embarqué dans un choix philosophique important qui est de choisir de grandes indications thérapeutiques dans lesquelles les besoins sont importants, mais où également, les potentialités commerciales sont importantes.

Il est donc relativement inéluctable pour nous d’avoir des partenaires, de commercialisation en particulier, mais aussi de développement. La possibilité pour Addex d’accéder à des indications de niches est assez restreinte étant données les indications que nous avons choisies.
La seule solution était donc pour nous d’établir des droits de co-promotion, ou tout au moins, d’essayer de négocier avec des partenaires, la possibilité pour Addex de mettre en place une force de vente, puisque la conscience est aiguë, chez nous aussi, du fait que dépendre de milestones et de royalties c’est quand même exposer l’entreprise à un danger très important, ou en tout cas, à ne pas pouvoir vraiment contrôler son développement.

Il était donc vital pour nous de construire assez vite ces relations avec des entreprises qui nous permettent d’accéder à la création d’un revenu sur le long terme. Ce dernier est envisagé aujourd’hui par l’établissement de partenariats, sur de grosses indications, avec l’industrie pharmaceutique. Mais je ne peux pas vous donner de noms pour l’instant…

Vous avez abandonné le développement d’un traitement pour arrêter de fumer au début du mois d’octobre. Y a-t-il eu un impact sur Addex ?
Il y a eu un impact relativement faible sur Addex parce que ce n’était pas vraiment une molécule valorisée par les analystes. Nous avons d’ailleurs plus perdu pendant la crise du subprime que sur cet échec.

C’est un échec, certes, mais qui démontre aussi la difficulté du drug development. La cible thérapeutique avait beaucoup de sens mais n’était pas validée cliniquement, par contre le développement que nous avions fait autour était de très grande qualité : c’était une molécule qui ne pouvait pas à l’origine être emmenée en test aux Etats-Unis sur le long terme, nous avons donc transformer le package d’informations qui était associé, pour que la molécule devienne acceptable par la FDA.

Maintenant, c’est toujours une déception quand on a investit beaucoup de travail d’avoir un échec, mais le monde ne s’arrête pas de tourner chez Addex parce qu’une molécule rate son développement. Ca arrive et ça arrivera encore…

Nous cherchons désormais un partenaire parce qu’il y a encore des possibilités de développement sur ce produit, mais ce sera un investissement minimum. Cette molécule a démontré son activité dans le domaine du sommeil, en améliorant sa qualité chez l’homme, il y a donc des choses qui restent à explorer...

Quels sont vos objectifs de croissance ?
Les choix d’indications que nous avons fait sont clairs et dictent la croissance et la façon dont l’entreprise va se développer. Notre objectif est de dérisquer notre portefeuille : nous avons commencé par le plus dur, avec le SNC, il va donc falloir maintenant que nous internalisions l’expertise que nous n’avons pas dans les maladies métaboliques, le diabète, l’obésité et l’inflammation.

Notre développement sur le long terme se résume donc à accroître notre expérience, notre savoir-faire, notre connaissance dans ces indications pour réaliser le développement le meilleur possible dans ces domaines pour lesquels nous n’avons à ce jour qu’une expérience encore restreinte. La croissance de l’entreprise se fera sans doute par la mise en place de structures complexes, ayant l’expertise nécessaire pour conduire un drug development de la meilleure qualité possible.

Quel est le business model d’Addex Pharma ?
Il est simple dans la mesure où nous avons choisi des indications larges. Nous devons établir des partenariats, avec des entreprises de pharma, à des moments de la vie des projets qui sont différenciés en fonction des difficultés de développement, des coûts de développement et de notre expertise.

Je pense que l’exemple le plus intéressant, c’est la maladie de Parkinson qui exige une expertise très particulière au niveau du développement, que nous n’avons pas forcément -il y a, par exemple, des modèles animaux spécifiques que nous n’avons pas-. Par ailleurs, le développement clinique d’un produit pour cette maladie est assez difficile puisque ce sont des études cliniques à long terme sur des populations de patients qui sont dans des états pas toujours simples.

Il faut montrer par ailleurs une amélioration de leur vie en plus de l’amélioration des symptômes neurologiques, donc il y a une difficulté de développement très importante. Il faut des gens qui ont déjà fait ce développement pour pouvoir le faire de la meilleure façon possible, il y a aussi un coût de développement très important. Donc pour nous, il s’agit de l’exemple parfait d’indication pour laquelle nous cherchons un partenaire le plus vite possible. 

Le mot de la fin pour vos actionnaires…
Je crois que la proposition d’Addex s’appuie sur une double chose : l’existence d’une plateforme technologique appréciée avec un drug development de grande qualité, offrant la garantie à nos actionnaires que le succès sera au rendez-vous, et il est important aussi de voir que pour diversifier le risque, nous avons parfaitement conscience du risque associé au drug development.

Nous sommes des professionnels de ce métier, nous savons ce que c’est que l’attrition, c’est une réalité difficile mais qui existe. Nous ne cherchons pas à leurrer les gens, nous sommes relativement objectif vis-à-vis de nous-mêmes, nous cherchons toujours la validation de notre développement, de nos idées, à travers l’œil des grosses pharma, nous exposons énormément notre entreprise à la critique, et je pense que c’est d’ailleurs un indice de bonne santé et de confiance…

J’attends d’ailleurs avec impatience les réalisations au niveau business qui prouveront aux gens qui en doutent, que la proposition d’Addex est une des meilleures aujourd’hui.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy