Interview de David Dornbusch : Président de l’association Cleantuesday

David Dornbusch

Président de l’association Cleantuesday

A l’heure où le solaire semble enfin décoller en France, l’histoire des start-up Cleantech solaires aux Etats-Unis est déjà riche d’enseignement pour les investisseurs français

Publié le 12 Janvier 2010

Que nous enseigne le marché américain pour 2010 ?

Quelles indications peut-on noter sur un secteur qui se place au cœur des Cleantech appelées «éco-technologies innovantes» ? Analyser les tendances du marché américain, qui affiche une très large avance sur la France dans les Cleantech plus particulièrement dans le solaire, semble certainement la meilleure façon d’anticiper les tendances 2010.

Aux Etats-Unis, les capitaux risqueurs et les instances gouvernementales, dans le cadre des plans de relance, ont injecté des milliards dans des start-ups solaires. Les promesses phénoménales des technologies de l'énergie solaire et des marchés associés ont incité les capitaux risqueurs à financer plus de 250 nouvelles start-up autour de l'énergie solaire au cours des dernières années. Chacune de ces 250 entreprises vise une part de 10% du marché voir plus !

Une tendance qui se poursuit. Les capitaux risqueurs américains ont injecté 4,5 milliards de dollars dans les Cleantech en 2009 et comme lors des quatre précédentes années, l'énergie solaire a été une nouvelle fois le premier segment des placements Cleantech avec plus de 1,4 milliards de dollars et 84 transactions.

Qui seront les gagnants et les perdants potentiels ? Seules quelques-unes de ces entreprises survivront, ce n'est pas du cynisme, juste la loi mathématique du capital risque américain

Quelles entreprises ont une chance de gagner des clients, de générer des recettes et de faire une sortie en Bourse ou d’être rachetées -comme la société israélienne Solel Solar rachetée plus de 400 millions de dollars par Siemens en 2009- fantasme de touts les investisseurs en Capital Risque ?

Quelques indices sur les stratégies gagnantes

Les entreprises qui ont commencé tôt, levé beaucoup d’argent public et privé, innové en réseau ont un potentiel gagnant. On peut penser à Nanosolar (7 ans d’existence) ou Solyndra (5 ans) qui ont levé au total 1,2 milliard de dollars en utilisant toutes les ressources financières disponibles : business angels, capital risque, Private Equity, fonds stratégiques locaux et fédéraux, subventions et prêts gouvernementaux etc. Ces deux entreprises avaient choisi des technologies innovantes et très risquées, les «couches minces» (CIGS) sur lesquels elles ont atteint des objectifs impressionnant même si les indicateurs (dollars par Watt) restent à consolider et à optimiser.

Autres gagnants potentiels, les entreprises comme SunPower qui ont imité puis surpassé les leaders du marché avec un record mondial dans la technologie Silicium traditionnel, d’où un moindre coût de l'énergie ou des installations physiques de plus petites dimensions.

La stratégie de suiveur, regarder quelles sont les technologies qui semblent marcher, est également illustrée par Abound Solar. Cette société imite la technologie du leader des couches minces «Cadmium Telluride», First Solar et a recueilli plus de 100 millions de dollars pour essayer de concevoir un procédé de fabrication CdTe plus efficace que celui que First Solar a passé plus d'une décennie à mettre au point.

Et quelles pourraient être les stratégies perdantes ?

Sortir une technologie trop tôt des laboratoires sous la pression des investisseurs conduit à un cycle pervers ou l’absence de progrès technique notable conduit à lancer des annonces incohérentes. Konarka, un fabricant de polymères pour cellules photovoltaïques organiques, a brûlé plus de 140 millions de dollars en 10 ans, tous les premiers investisseurs sont aujourd’hui dilués autour de zéro, sans montrer grand-chose ni techniquement ni commercialement. Il y a des dizaines de start-ups solaires dans cette catégorie.

Autre piège, avoir basé son business plan sur le prix élevé du silicium. Quand le prix du silicium était au plus haut en raison du déséquilibre entre l’offre et la demande, une masse de start-ups ont émergé avec des innovations techniques permettant de minimiser la quantité de silicium utilisé dans les panneaux photovoltaïques. Certaines des méthodes étaient assez complexes, centrées par exemple sur les découpes des wafers de silicium, et l'alignement de lentilles de précision pour réduire de moitié la quantité de silicium utilisée. Mais quand le prix du silicium s’est effondré à partir de début 2009 parce que l'offre a dépassé la demande, les start-ups comme Solaria ont été confrontés à la dure réalité du marché.

On trouve déjà plusieurs cadavres dans les start-up solaires américaines telles SV Solar (levée de 10 M$) ou le très ambitieux Opti solar qui est en grande difficulté (plus de 300M$ de financement). Ces échecs sont à analyser en détail

On le voit l’histoire des start up Cleantech solaires aux Etats-Unis est déjà riche et pleine d’enseignement pour les investisseurs français. A l’heure où le solaire semble enfin décoller en France, peut être pourrons nous entrer dans des stratégies de «suiveurs» à moindre risque.

nicolas