Interview de René-Louis Perrier :

René-Louis Perrier

L’éco-conception relève d’une véritable volonté de prendre en compte dans la fabrication des produits, des critères liés au développement durable

Publié le 11 Mai 2010

La modulation de l’éco-contribution ouvre la voie vers une éco-conception des produits

La France fut parmi les derniers Etats membres de l’Union européenne à transposer dans la législation nationale [Décret du 20 juillet 2005] la directive européenne du 27 janvier 2003 [Directive 2002/96/CE du Parlement européen et du Conseil] relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), considérés comme une source potentielle de gaspillage et de pollution.
En s’engageant, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, à moduler l’éco-contribution afin de différencier les produits en fonction de leur impact sur l’environnement, la France a cette fois un temps d’avance. Cette modulation, qui sera mise en place dès le 1er juillet 2010, est bien plus qu’une simple contrainte financière pour les consommateurs ou les producteurs. Ces derniers doivent se saisir de cette opportunité pour concevoir et consommer plus écologiquement les produits que nous utilisons.
EcoLogic a contribué, en apportant son expertise du traitement des déchets électriques, à la mise en place d’un tel barème modulé. Si l’impact financier de cette modulation peut, dans certains cas, paraître faible, elle a pour corollaire important de définir un jeu de critères environnementaux concernant la fin de vie des produits, définis par les pouvoirs publics et donc exempts de biais. Ces critères peuvent devenir des axes de différentiation pour les producteurs qui pourront ainsi utiliser leurs efforts d’éco-conception pour vendre leurs produits selon les principes du green marketing.

Pour le consommateur, une éco-contribution plus intelligente

La modulation de l’éco-contribution, incitera les consommateurs à consommer de façon plus responsable. A partir du 1er juillet 2010, la participation versée pour le retraitement d’un appareil électrique ou électroménager au moment de l’achat d’un nouveau produit ménager sera plus élevée pour les produits plus difficilement recyclables ou qui comportent des substances polluantes.
Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le gouvernement a inscrit dans le cahier des charges pour le nouvel agrément des éco-organismes, (en charge de la filière des DEEE, la modulation de la contribution en fonction de critères environnementaux afin, selon Chantal Jouanno, Secrétaire d’Etat à l’environnement, de «mieux informer les utilisateurs d’équipements électriques et électroniques ménagers sur les impacts environnementaux liés à la fin de vie des équipements qu’ils achètent».
Par exemple, l’éco-contribution sera majorée de 100% pour les téléphones portables ne disposant pas d’un chargeur universel. La présence de polluants comme les retardateurs de flamme bromés, le mercure, ou encore les fluides frigorigènes à fort pouvoir de réchauffement climatique dans certaines familles de produits pourra conduire à une majoration de 20% de la contribution initiale. Enfin, les lampes à LED bénéficieront d'une baisse de 20% par rapport aux lampes fluorescentes contenant du mercure. Si cette modulation de l’éco-contribution, reste relativement neutre financièrement, le consommateur sera sans doute particulièrement sensible aux équipements produits de manière plus écologique.

Pour les constructeurs, un barème qui incite à l’éco-conception des produits

Le principe de la responsabilité élargie du producteur permet d’intégrer dans le prix des produits de consommation une partie de leurs impacts environnementaux et fait ainsi porter au consommateur la charge financière des coûts d’élimination des déchets qu’il génère lors de l’achat. En modulant l’éco-contribution afin de différencier les produits en fonction de leur impact sur l’environnement durant l’ensemble de leur cycle de vie, on favorise de facto l’éco-conception des équipements en termes de réemploi et de recyclage. Cette modulation encourage les bonnes pratiques de conception et de fabrication car elle signifie pour les fabricants une hausse conséquente de leur participation au regard des milliers de tonnes de produits mis sur le marché (1,46 million de tonnes en 2008).
L’éco-conception relève d’une véritable volonté de prendre en compte dans la fabrication des produits, des critères liés au développement durable. Ce principe vertueux accompagne une évolution profonde de la société : son application concrète permet la responsabilisation des entreprises et des consommateurs à l’origine de pollutions ou de gaspillage et encourage les actions et les innovations pour les réduire à la source.
Contrairement aux idées reçues, l’éco-conception n’est pas synonyme de coûts de fabrication augmentés. En réduisant la matière de l’appareil ou de son packaging, en améliorant la séparabilité des matériaux, le producteur peut réaliser des économies significatives tout en facilitant le traitement des déchets en fin de vie. Il ressort en effet d’une étude franco-québécoise, basée sur une série d’entretiens réalisés auprès de 30 entreprises ayant mis en oeuvre l'éco-conception, que pour 90% d’entre-elles, cette démarche a contribué à augmenter leurs profits, soit par une augmentation des ventes, soit par une réduction des coûts de production [Etude «L’éco-conception : quels retours économiques pour l’entreprise ?» réalisée par le pôle
Éco-conception et Management du cycle de vie de Saint-Étienne, en partenariat avec l’Institut de développement de produit du Québec, avec le soutien financier de l’ADEME, de la Drire et du Cetim].
L’éco-conception a de l’avenir et sera très certainement une opportunité de différenciation et un facteur de compétitivité future. Dans une démarche de responsabilisation et de sensibilisation aux enjeux économiques et écologiques de l’éco-conception, l’éco-organisme EcoLogic sensibilise les opérateurs et producteurs pour aller ensemble vers une fabrication plus raisonnée. A travers ce type d’action, EcoLogic mobilise ses adhérents en faisant d’eux des acteurs de la filière, en leur donnant des moyens d’évoluer dans une démarche d’amélioration continue.

René-Louis Perrier, président d’ECOLOGIC

Depuis sa création en décembre 2005, cet éco-organisme réagréé par les pouvoirs publics fin 2009 assume pour le compte des producteurs adhérents la responsabilité de collecte, de dépollution et de traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). En 2009, EcoLogic a pris en charge près de 65 000 t de DEEE.

nicolas