Interview de Jean-Luc Rivoire : PDG et co-fondateur de Velcan Energy SA

Jean-Luc Rivoire

PDG et co-fondateur de Velcan Energy SA

Les rendements financiers qu’il est possible d’atteindre dans les pays émergents sont supérieurs à ceux que nous aurions en France

Publié le 10 Janvier 2007

Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans la construction de centrales électriques à base de biomasse ? Quels avantages compétitifs présentent cette source d’énergie ?
Velcan Energy est un producteur d’électricité «verte» qui développe et exploite des centrales électriques à base de biomasse mais aussi d’hydroélectricité. Nous avons choisi ces technologies car elles permettent, dans une certaine mesure, de stocker la matière première (biomasse, eau) et donc de prévoir la production électrique et de l’adapter à la demande du marché. Ce n’est pas le cas de l’éolien et du solaire. De plus, la durée de vie des usines biomasse ou hydroélectriques dépasse largement les 50 ans.

De quelle manière financez-vous vos projets ?
Velcan Energy est investisseur majoritaire dans chaque projet et pour cela apporte l’« equity » qui représente environ 20 à 30% du coût total du projet. Le reste est constitué par de la dette bancaire à recours limité («project finance»).

Qu’en est-il de votre cotation sur le marché libre à la bourse de Paris ? Quelle est votre capitalisation ? De quelle manière est réparti le capital de Velcan ?
Nous sommes cotés en bourse depuis octobre 2005. A ce jour, nous avons levé 70 millions d’euros à travers deux placements privés auprès d’investisseurs qualifiés. Velcan ne fait pas appel public à l’épargne. Ces fonds propres correspondent au financement d’environ 300MW de capacité de production électrique en Inde et au Brésil.
Au 10 janvier 2007, notre capitalisation est d’environ 120 millions d’euros. 35% du capital est détenu par la Financière Saint Merri SA (société fondatrice de Velcan Energy), elle-même détenue à 75% par les dirigeants de Velcan Energy et à 25% par le Crédit agricole. Le flottant (65%) est détenu par des fonds d’investissements européens, dont la plus grande partie est d’origine britannique.

Pourquoi avez-vous choisi de vous implanter en Inde et au Brésil ? Quelles activités exercez-vous dans ces deux pays ? Combien de foyers approvisionnez-vous ?
Du fait de leur croissance, ces deux pays ont des besoins très importants en électricité. Par exemple en Inde, dont l’économie croît de presque 10% par an, 600 millions de personnes n’ont toujours pas l’électricité. Les infrastructures électriques sont le premier problème du développement de ce pays. De ce fait, le prix de marché de l’électricité en Inde connaît une croissance régulière et forte.
De plus, grâce aux importantes ressources naturelles dont disposent ces deux pays (résidus agricoles et forestiers, eau) et aux coûts de fabrication très compétitifs des équipements, l’électricité renouvelable peut être très rentable et vendue dans le marché à des distributeurs ou directement à de gros industriels.

Aujourd’hui, deux usines biomasse (de 7,5MW chacune) sont en fonctionnement en Inde. Elles approvisionnent indirectement l’équivalent de 300 000 personnes dans les zones rurales où nous sommes implantés.

Nous continuons de développer en Inde et au Brésil notre portefeuille de projets biomasse et hydro à travers nos filiales locales.

De manière plus générale, pourriez-vous nous dire quelle est l’importance des pays émergents dans le marché des énergies renouvelables ?
En raison du développement économique très important des pays émergents, l’enjeu du réchauffement climatique se situe incontestablement chez eux. En effet, ces derniers appuient entièrement leur développement sur des infrastructures à base d’énergie fossile (charbon, gaz, etc). Dès lors, les émissions de gaz à effet de serre de la planète vont doubler dans les prochaines années. Or tous les scientifiques s’accordent sur le fait qu’il faut rapidement les diviser par deux pour arrêter le réchauffement climatique. Les énergies renouvelables représentent donc une alternative capitale car, tout en étant compétitives, elles vont permettre d’éviter une partie de la production d’électricité à partir d’énergie fossile.

Pourriez-vous nous expliquer le fonctionnement des crédits carbone et nous dire en quoi votre développement dans les énergies renouvelables vous permet de bien vous positionner sur le marché des crédits carbone ? De quelle manière vous est-il possible d’importer des crédits carbone de l’étranger ?
Dans les pays émergents, il est possible d’obtenir à travers le mécanisme de développement propre (MDP) du Protocole de Kyoto des crédits carbone pour chaque mwh renouvelable produit et permettant d’éviter de rejeter dans l’atmosphère des gaz à effet (par opposition à ce qui ce serait produit sans la mise en place du projet d’énergie renouvelable en question). Cela incite les pays émergents à ne pas développer uniquement des installations de génération électrique à base d’énergie fossile.
Ces crédits carbone peuvent être vendus aux industriels des pays développés pour les aider à respecter leurs quotas d’émission de CO2.
Les crédits carbone sont attribués par installation, pour des périodes de plusieurs années, par le conseil exécutif du MDP, placé sous l’égide de l’ONU. L’évitement effectif des émissions de gaz à effet de serre est ensuite contrôlé annuellement par installation.

Quel est votre business model ?
Notre modèle économique consiste à vendre l’électricité produite dans le cadre de contrats moyen/long terme à des distributeurs ou directement à de gros industriels. Les crédits carbone peuvent, pour certains projets, générer une marge additionnelle.

Velcan est présent en France et dans les pays émergents. Les perspectives de croissance de la biomasse sont-elles similaires ? Où vous semble-t-il plus difficile d’exercer vos activités ?
Velcan Energy se concentre aujourd’hui sur deux pays émergents : l’Inde et le Brésil.
En France, l’électricité biomasse, éolienne ou solaire, n’est pas compétitive. La raison ne réside pas dans un prix moyen de marché de l’électricité française qui serait particulièrement compétitif (par exemple, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’électricité n’est pas moins chère en France qu’au Brésil, ce dernier ne disposant pas de véritable parc nucléaire mais d’un parc hydroélectrique très développé). L’explication tient aux coûts de fabrication des équipements et aux coûts d’exploitation et de maintenance (et d’approvisionnement, dans le cas de la biomasse).
Le marché de l’électricité renouvelable en France dépend uniquement des contraintes règlementaires environnementales et des subventions, dont le cadre légal est aujourd’hui en place pour l’éolien mais pas encore pour la biomasse. Plus généralement, la croissance de la demande électrique est de très loin inférieure à celle des pays émergents.
Les rendements financiers qu’il est possible d’atteindre dans les pays émergents sont supérieurs à ceux que nous aurions en France pour ce type d’activité.

En ce qui concerne l’hydroélectricité en France, la plupart des sites intéressants et représentant une puissance électrique significative est déjà équipée depuis 30 ou 40 ans.

Qui sont vos clients ?
Aujourd’hui notre principal client en Inde est Aptransco, concessionnaire public de l’état de l’Andhra Pradesh où sont situées nos deux usines.

Propos recueillis par I.H.

laetitia