Interview de Franck Silvent : directeur financier de Compagnie des Alpes

Franck Silvent

directeur financier de Compagnie des Alpes

Nous n’anticipons pas du tout de saison d’hiver en très forte baisse

Publié le 24 Décembre 2008

L’exercice 2008 a été un exercice historique pour Compagnie des Alpes, je pense notamment au taux de marge… Peut-on rapidement revenir sur les moteurs de cette croissance ?
Il faut distinguer les deux métiers du groupe. Nous avons effectivement un exercice historique dans l’activité ski. Nous avons eu une fréquentation record qui a permis une croissance du chiffre d’affaires de 8% en périmètre comparable. Parallèlement à cela, nous avons bénéficié de l’intégration de Val d’Isère qui a apporté environ 38 millions d’euros de chiffre d’affaires dans des conditions de rentabilité très bonnes. C’est ce qui nous permet, avec une bonne maîtrise des coûts opérationnels, de transformer la progression de l’activité en très fortes marges avec un niveau historique de 37% d’EBO sur chiffre d’affaires.

Quant à l’activité parcs de loisir, la situation est peu différente. Ces parcs ont poursuivi leur croissance malgré un contexte défavorable et, si on élimine les éléments exceptionnels, ont stabilisé leurs marges.

Au total, quand on additionne ces deux phénomènes, on obtient un résultat net part du groupe (RNPG) en très forte progression : près de 30% à périmètre réel et 17% à périmètre comparable, soit l’une des plus fortes croissances du RNPG.

Pour insister un peu sur l’activité parcs de loisir, le résultat opérationnel diminue. Pourquoi ?
Il diminue en raison de charges exceptionnelles qui se montent à environ 5 millions d’euros. Cette activité a subi plusieurs phénomènes non récurrents. Le premier est lié à la cession de Panorama Parc en début d’exercice qui a conduit à déprécier pour partie quelques immobilisations, et qui a engendré des coûts de plans sociaux.

Le deuxième phénomène s’explique par le lancement l’an dernier du Noël du Parc Astérix qui a induit des coûts commerciaux exceptionnels.

Par ailleurs, nous avons provisionné une partie de la valeur des titres d’un de nos sites britanniques pour lequel nous avons considéré que compte tenu de la conjoncture et de ses perspectives, sa valeur dans nos comptes n’était plus justifiée.

Et enfin, nous avons provisionné un litige sur l’acquisition de la Mer de Sable… 

Au niveau du groupe, on s’aperçoit que les croissances du résultat opérationnel et du résultat net augmentent plus vite que la progression du chiffre d’affaires…
Les coûts augmentent moins vite que le chiffre d’affaires. C’est la contrepartie positive quand l’activité est au rendez-vous de deux métiers qui ont une forte composante coûts fixes assez importante.

Le coût de l’endettement augmente du fait des acquisitions mais à périmètre comparable, il diminue…
Il diminue effectivement en raison de la capacité qu’a montré le groupe à se désendetter à périmètre comparable avec une progression assez significative du cash flow libre.

Il diminue également parce que nous avons une gestion assez opportuniste de notre dette en s’endettant plus à court terme et moins à moyen/long terme en profitant des écarts de taux entre taux courts et taux longs.

Le désendettement est une politique forte chez CDA. Vous pensez notamment à des cessions d’actifs périphériques. Qu’est-ce que vous entendez par actifs périphériques ? Et quel est le montant des cessions envisagées ?
Est un actif périphérique, pour nous, un actif qui n’est pas au cœur de notre stratégie, soit parce qu’il est géographiquement éloigné de nos sites, soit parce qu’il n’est pas véritablement porteur de potentiel, soit parce qu’il a atteint sa maturité sans bénéficier aux autres sites du groupe, soit parce que nous sommes minoritaires et que nous n’entrevoyons pas de possibilités d’accroître notre part d’intérêt.

Cette grille d’analyse peut s’appliquer à la fois aux parcs de loisir et aux domaines skiables.

S’agissant des montants en jeu… Nous avons une liste en tête assez précise, mais pour des raisons que l’on peut bien comprendre, nous ne la communiquons pas publiquement. Et pour arriver à un montant, il faut avoir des acheteurs et s’entendre sur les prix. Il est donc difficile de donner un montant prévisionnel. Toutefois ce que nous pouvons dire c’est qu’il ne s’agit pas d’un volume de cessions marginal mais d’un montant significatif de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Nous le faisons non seulement dans une optique de désendettement mais aussi pour rationaliser notre périmètre en ayant une vraie approche industrielle, et donc aussi pour retrouver des marges de manœuvres.

En ces temps un peu troublés, n’est-il pas difficile de s’entendre sur les prix ?
Evidemment, il peut y avoir un phénomène de ce type. Il faut voir que pour certains des actifs qui sont sur la liste, nous ne sommes pas forcément dans des mécanismes de cessions classiques, avec des fonds d’investissement qui achètent ou n’achètent pas, mais nous pouvons avoir des actifs qui intéressent très fortement l’environnement local, un investisseur individuel particulier, etc. Cette configuration autorise plus de marges de manœuvres.

Et du côté des acquisitions, n’est-il pas plus facile étant donnée la conjoncture actuelle, d’acheter des actifs bon marché ?
Normalement, si on suit la logique, le prix des actifs devrait avoir tendance à baisser déjà parce que les fonds de private equity devraient être moins présents ou en tout cas présents à un niveau de prix moins élevé.

Ca peut effectivement faciliter les acquisitions.

Sur les perspectives des domaines skiables maintenant… On sait que 2008 a permis aux skieurs d’acheter non seulement plus de titres mais aussi des titres plus longs. Mais du fait de la conjoncture actuelle, l’année 2009 ne s’annonce-t-elle pas plus difficile pour CDA ?
On a pu avoir cette crainte, mais les données dont nous disposons montrent qu’il n’y a pas de rupture majeure, loin s’en faut, dans l’état des réservations. Les signes sont plutôt encourageants. Nous n’anticipons pas du tout de saison d’hiver très fortement en baisse.

Quelles sont les premières tendances de réservations ?
Selon notre réseau d’enquête, au 1er décembre, les réservations sont à un peu moins de 2% en retrait par rapport à l’année dernière.

Et plus particulièrement chez les étrangers ?
On n’observe pas non plus de repli massif.

Mais peut-être un repli plus significatif ?
Encore une fois, nous verrons bien en saison. Il n’y a pas d’indicateur particulier –les réservations via les tour-opérateurs notamment- qui montrerait une baisse plus massive.

Des guidances pour cette année ?
Nous ne donnerons pas de guidances. Par contre ce que nous pouvons dire, c’est que les éléments en notre possession ce jour, tant dans les domaines skiables que dans les parcs de loisir, sont plutôt encourageants.

Mais nous restons très prudents puisque les dépenses de loisir sont parfois les premières à être sacrifiées par les ménages.

Propos recueillis par Marjorie Encelot