Interview de Franck Silvent : Directeur général délégué de Compagnie des Alpes

Franck Silvent

Directeur général délégué de Compagnie des Alpes

Un autre mode de développement : conseil à la conception du domaine skiable, puis management

Publié le 20 Décembre 2010

Quels commentaires vous inspirent vos résultats de 2009-2010, soutenus par les Domaines skiables alors que les Parcs de Loisirs ont connu une baisse d'activité ?

Dans le contexte difficile que nous avons connu, en particulier dans le secteur du tourisme et des loisirs, nous avons plutôt des résultats qui montrent une très bonne résistance, puisque le résultat net continue de progresser, performance que nous devons être un des rares du secteur voire le seul à pouvoir afficher. Les résultats opérationnels baissent un peu, mais de manière très limitée puisque les impacts de la baisse d'activité, qui est surtout concentrée sur les Parcs de loisirs, ont été en grande partie atténués par une réactivité particulière en matière de maîtrise des coûts. Le groupe a dégagé un cash flow libre important qui prouve la très grande solidité du modèle économique.
Les Parcs de loisirs ont connu une baisse du chiffre d'affaires d'environ 5% à périmètre constant, ce qui, pour une entreprise de loisir, est loin d'être la fin du monde. Une optimisation en cours de saison a permis d'atténuer une partie des effets de cette baisse d'activité sur l'excédent brut opérationnel. De plus, des phénomènes qui n'ont rien à voir avec l'activité, des sujets de provisionnement, ont impacté négativement le résultat opérationnel.

Les conditions climatiques de ce mois de décembre semblent jouer en votre faveur avec les fortes chutes de neige. Comment s'annonce cette saison d'hiver ?

Il faut avoir beaucoup de méfiance vis-à-vis des indicateurs réservations au 1er décembre ou au 10 décembre, car les gens font des réservations qui sont très erratiques selon les années. Mais, les ambiances dans les offices de tourisme, chez les hébergeurs et les écoles de ski, sont plutôt optimistes. Nous espérons que cet optimisme sera matérialisé dans les faits. Pour les activités Domaines skiables, nous sommes à ce stade confiants, mais c'est difficile d'en dire plus.
Pour les Parcs de loisirs, nous ne pouvons avoir aucun indicateur prédictif par définition en ce mois de décembre. Ce que l'on peut dire c'est qu'il y aura des facteurs favorables avec la réouverture de l'Aqualibi en Belgique. On va avoir un nombre très important de nouveautés et d’éléments d’attractivité dans nos Parcs de loisirs, avec l’ouverture du Café Grévin, de nouvelles attractions dans plusieurs parcs, le rebranding Walibi.

Qu'attendez-vous de votre entrée au capital du Futuroscope ?

Non seulement nous allons entrer au capital, mais nous allons aussi le contrôler. Nous - la CDA comme le Futuroscope - en attendons mutuellement beaucoup de conséquences positives. Nous allons réaliser une opération de croissance externe très significative qui rentre totalement dans nos critères (grand parc, marque forte, renforcement de la position de marché en France). Ce parc a des savoir-faire complémentaires aux nôtres, en matière de création de contenus, ou de films 3D, tandis qu'il a quelques lacunes en matière de gestion de boutiques et d'animation, domaines dans lesquels nous pourrons leur apporter des choses. Nous attendons des synergies d'expertise industrielle très fortes, mais aussi des synergies en termes de commercialisation. Ils ont leur force commerciale, nous avons la nôtre qui est par définition beaucoup plus importante avec notamment toute une clientèle de comités d'entreprises en Ile-de-France, mais aussi via les autres parcs dont la force commerciale va pouvoir travailler pour vendre le Futuroscope. L'intégration du Futuroscope va doper la rentabilité de la branche Parcs de loisirs immédiatement, et à moyen terme l'intérêt industriel de l'acquisition est très fort.

Avez-vous des cibles d'acquisitions précises en vue ou du moins des domaines/zones géographiques dans lesquels vous souhaiteriez vous renforcer ou vous développer ?

Nous avons des cibles en tête, mais pour l'instant rien qu'on ne puisse communiquer. Dans les domaines skiables, notamment en France, il reste peu de sites qui répondent à nos critères très stricts d'acquisition (taille suffisante, haute altitude, renommée internationale), mais ce sera affaire d'opportunité.
Dans les Parcs de loisirs, le jeu est beaucoup plus ouvert et nous viserons soit des sites qui nous permettront de renforcer nos positions de marché existantes, par exemple en Belgique, en Hollande, soit des sites qui nous permettront d'acquérir tout de suite, dans un nouveau marché, une taille critique notamment par exemple dans les pays d'Europe du Sud. Mais nous ne chercherons pas à acheter des sites de manière isolée à 400 000 ou 500 000 visiteurs, quand bien même ils seraient en Italie, en Espagne. Nous viserons une plateforme ayant déjà la taille critique suffisante ou au moins avec des espérances raisonnablement fortes de l'avoir rapidement.

Opérez-vous un recentrage de vos activités de domaines skiables sur la France ?

Il y a une part de ça. Nous avons pu nous apercevoir, dans les expériences suisse (Saas Fee Bergbahnen) et italienne (Courmayeur), qu'acheter à l'étranger était un processus lent qui pouvait poser des problèmes d'insertion dans l'environnement local. On peut considérer que nous privilégions les acquisitions classiques plutôt en France. Cela n'empêche pas un autre mode de développement qui est d'intervenir en tant que conseil-assistance à la conception du domaine skiable, et ensuite comme manageur avec des contrats de management, mais sans prise de risque capitalistique. C'est un axe de développement pour notre expansion à l'international dans le domaine du ski, notamment dans des pays plus "exotiques" et émergents, mais aussi la Russie (Sotchi).
Concernant les Parcs de loisirs, en tant que propriétaires et pour les achats classiques, nous privilégions l'Europe. Mais, nous souhaitons appliquer le même système de valorisation de notre savoir-faire et de management, notamment au Maroc. Nous fournissons aussi des parcs clé en main à l'étranger.

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots la décision de céder sept parcs de loisirs ?

Cette décision est en ligne avec les orientations stratégiques annoncées en 2008, à savoir un souci de clarification stratégique. La cession des actifs non stratégiques était une opération très attendue par les marchés. Ces sites ne sont pas de mauvais sites en tant que tels, mais ils ne rentrent pas dans les priorités stratégiques de notre groupe, qui sont de valoriser nos marques. Ces sites ne sont pas liés à une de nos marques, sont souvent isolés géographiquement et ne représentent pas de synergies avec le reste du portefeuille. La cession de ses sites va aussi permettre une optimisation de l'usage de notre capital, que nous préférons utiliser sur des éléments plus stratégiques.

Propos recueillis par Claire Lavarenne