Interview de Philippe Calavia : directeur général délégué d’Air France- Affaires Economiques et Financières

Philippe Calavia

directeur général délégué d’Air France- Affaires Economiques et Financières

La consolidation est indispensable si les transporteurs veulent assainir leur situation économique

Publié le 23 Novembre 2006

Un commentaire sur les résultats que vous venez de publier, à quoi attribuez-vous la croissance de 7,8% du résultat d'exploitation ?
Nous l’attribuons essentiellement à l’excellent dynamisme de la principale activité du groupe, à savoir le transport de passagers. Nous avons une demande très forte, supérieure à la capacité. La croissance mondiale est toujours très soutenue, et nous avons une évolution positive de la recette par passager sur l’ensemble du semestre.

Quels ont été les moteurs de votre croissance ?
Notre capacité  à contenir la hausse des coûts grâce aux synergies entre Air France et KLM.

La part des actionnaires non résidents a atteint 47% de votre capital. Comptez-vous mettre en œuvre un dispositif de « protection de nationalité » ?
Nous avons alerté le marché en lui disant qu’il y avait un risque. Nous allons faire des sondages sur la géographie de notre capital. Nous prendrons des mesures afin de préserver les droits de trafic d’Air France si c’est nécessaire, mais nous espérons que les choses s’ajusteront d’elles-mêmes.

Quel est l’avancée du projet de création d’une compagnie à bas prix, filiale de transavia.com, et pourquoi cette initiative ?
Ce n’est pas une compagnie à bas prix sur le modèle des low-cost. Elle aura une double activité, celle de charter classique et celle d’une compagnie qui propose des vols moyens courrier à prix intéressants. Pour le moment, c’est un segment de marché sur lequel nous ne sommes pas présents, puisque nous nous adressons principalement à une clientèle d’affaires. Mais il y a une véritable demande pour avoir des partenaires aériens qui ont une image de qualité. C’est un marché très particulier où la recette unitaire est basse, ce qui implique d’avoir des coûts très bas. A l’heure actuelle, ceux qui sont les moins chers ne sont pas forcément les plus fiables. Cette compagnie positionnée sur le marché du loisir devrait voir le jour en juin 2007. Elle proposera notamment un accès direct à la Tunisie, au Maroc et à l’Egypte.

Vous allez recevoir vos premiers A380 au printemps 2009, est-ce que ce retard va affecter votre plan de croissance ?
Il y a eu deux vagues de retard successives. Nous avons été amenés à réagir rapidement et nous avons pris les dispositions nécessaires pour combler ce trou sans avoir de sous-capacité. Le retard ne nous affectera pas en termes de croissance. Mais cela nous a quand même pénalisés car l’A380 est très compétitif en termes de coût unitaire. L’Airbus peut transporter 530 personnes et nous le remplaçons par des appareils à la capacité légèrement inférieure. Nous sommes donc en discussion avec EADS afin d’obtenir une indemnisation.

Quel est votre premier bilan trois semaines après la mise en place des nouvelles mesures de sécurité sur le contenu des bagages cabines ?
Il y a d’abord l’impact sur le trafic et celui sur les clients.
Le trafic reste très positif, on ne constate aucun signe d’infléchissement de notre activité. Quant à nos clients, ils ont éprouvé quelques difficultés les premiers jours. Maintenant, ils savent qu’ils doivent mettre les bagages en soute s’ils partent plusieurs jours, ou transporter moins de liquide dans les bagages à main. Nous espérons qu’après une phase d’observation de 6 mois, nous pourrons assouplir ces mesures qui vont trop loin par rapport aux effets escomptés.

Quelle est votre position concernant l'offre non sollicitée lancée par US Airways sur votre partenaire américain Delta Airlines ?
C’est positif en ce qui concerne la signification de l’offre. Cela signifie peut-être que les Américains vont commencer à évoluer en matière de consolidation. Ce mouvement est indispensable si les transporteurs veulent assainir leur situation économique. Mais d’après ce que l’on a compris, cette offre est un peu agressive. Delta est régi par le chapitre 11, et nous suivons ce dossier de près dans la mesure où c’est l’un de nos partenaires principaux. Nous restons vigilants afin de continuer d’avoir un accès efficace au marché américain.

Que répondez-vous aux rumeurs récurrentes évoquant une prise de contrôle d'Alitalia par Air France-KLM ?
Notre position est claire. Dès l’origine de notre accord avec Alitalia en 2001, il y a avait une perspective de fusion éventuelle. Cette perspective a été renouvelée lors du rapprochement avec KLM. Alitalia avait vocation à rejoindre le groupe. Les conditions préalables sont toujours les mêmes : il faut qu’Alitalia arrive à définir un business plan qui ramène l’entreprise à la rentabilité. Il faut ensuite être sûr que nous partageons la même vision des choses. Enfin, nous devons être certains que ce rapprochement va produire des synergies. Aujourd’hui, il n’y a pas de négociations avec Alitalia.

Le mot de la fin pour vos actionnaires.
Nous nous battons pour pouvoir garantir un prix de l’action en accord avec la progression de l’entreprise, malgré la concurrence et le prix élevé du carburant. L’action a fortement augmenté depuis le mois de janvier, mais il y a encore une marge de progression. Plus nos résultats s’amélioreront, plus nous pourrons verser de dividendes à nos actionnaires.

Propos recueillis par M.L.H.

laetitia