Interview de Jean  Arthuis  : Président de la Commission des finances du Sénat, ancien ministre de l'économie et des finances

Jean Arthuis

Président de la Commission des finances du Sénat, ancien ministre de l'économie et des finances

Il faut augmenter la TVA car seules les mesures de recette ont un effet immédiat

Publié le 08 Juillet 2010

De quelle manière accueillez-vous le rapport rédigé par le sénateur Philippe Marini ?
Ce rapport est un éclairage, présenté avec rigueur. Il ne s’agit pas d’une addition d’incantations. Il ne cède à aucune facilité et a pour vocation de proposer une trajectoire claire de retour à l’équilibre des finances publiques. Il ose proposer des mesures très précises sur les décisions qui pourraient être prises tant en matière d’économies budgétaires que de sécurisation des recettes du budget.

Selon vous ce qui est en jeu dans ce programme de réformes intéresse l’indépendance nationale…
Nous avons pu constater qu’un Etat surendetté est un Etat qui perd sa souveraineté et qui entre dans une sorte de protectorat dans lequel il est soumis à ses créanciers.
Si on veut échapper à l’arbitraire des agences de notation et des prêteurs, il vaut mieux éviter d’être dans le besoin d’emprunter.

Parmi les mesures qui vous semblent le plus important à mettre en œuvre, il y a la réforme de la TVA. Pourquoi ?
Concernant les niches fiscales, les mesures relatives à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés n’ont pas d’effet immédiat. Les décisions prises n’auront d’effet que lors du règlement du solde en 2012.
Seules les mesures de recette ont un effet immédiat, notamment la TVA.

Quelles évolutions préconiseriez-vous ?
S’agissant du taux réduit il faudrait à mon sens étudier deux hypothèses. Celle d’augmenter ce taux de 5,5% à 8% sur l’ensemble des produits et des prestations. Et celle de fixer un taux intermédiaire entre 10 et 12% pour des produits et des prestations qui relèvent de l’économie de proximité, comme la restauration,  la rénovation et le logement. Nous pourrions ainsi gagner  3 ou 4 milliards. 

Vous militez depuis longtemps pour l’instauration d’une TVA sociale…
L’équilibre des dépenses publiques dépend de mesures de raison qui doivent être mises en œuvre sans délai et de la croissance qui est fonction de l’amélioration de la compétitivité du travail.  Il y a une urgence absolue à alléger les charges qui pèsent sur les salaires et sur la production.
Le seul moyen d’y parvenir est d’instituer une ressource nouvelle pour la protection sociale (branches famille et santé) dont l’objet n’est pas d’apporter un surcroit de ressources aux finances publiques, mais de compenser à l’euro près les allégements de cotisation sociale.
Il faudra être très pédagogue pour inciter nos compatriotes à avoir plus de sympathie pour la TVA.

Le rapporteur de la commission des finances, Mr Philippe Marini propose en guise de mesure la mise en place d’un emprunt obligatoire pour les 10% qui paient le plus d’impôt sur le revenu. Qu’en pensez-vous ?
Ce serait une manière d’accroitre la part de dette publique souscrite par nos compatriotes.

Au-delà des réformes intéressant la TVA, quelles autres mesures vous semblent les plus importantes à mettre en œuvre ?
Remettre en cause l’ensemble des niches fiscales, progressivement et résolument. Et cesser d’en créer de nouvelles.

Nous devons éviter tous les tabous en matière de niches fiscales….
Cela suppose la remise en cause de certaines dispositions qui ont un caractère social marqué.  Il serait difficile de rendre acceptable de telles dispositions sans abroger le bouclier fiscal qui  est une mauvaise réponse à un mauvais impôt qu’est l’ISF, sans instituer une tranche supplémentaire d’impôt progressif sur les revenus, sans réviser à la hausse la barème d’imposition des plus values immobilières et mobilières. 

Les hypothèses de conjoncture avancées par le gouvernement vous semblent trop optimistes. Comment expliquez-vous la prise en compte d’un scénario de croissance de 2,5% par an ?
C’est une vision certes optimiste, mais intenable. La Commission s’en tient au consensus des économistes, soit 2 %. C’est la fin des illusions.

Propos recueillis par Imen Hazgui

imen