Interview de Philippe Delienne : et Alexandre Hezez, respectivement président et responsable de la gestion au sein de Convictions AM

Philippe Delienne

et Alexandre Hezez, respectivement président et responsable de la gestion au sein de Convictions AM

Etats-Unis : la probabilité d'une dégradation de la note est importante

Publié le 27 Avril 2011

Quelle est votre vision sur la gestion du déficit budgétaire américain ?
Philippe Delienne : Nous pouvons être inquiets quant à la composition des acheteurs de la dette américaine. On a moins de banquiers, moins d’investisseurs étrangers. Les achats massifs se font par la Fed. On peut sérieusement s’interroger sur les conséquences d’un arrêt des achats par la banque centrale américaine.

Croyez-vous à un blocage institutionnel s’agissant du bouclement du plan budgétaire pour 2012 ?
Philippe Delienne : On a l’impression que les derniers discours sont négatifs. A l’approche des élections, il y a de fortes chances que les républicains et les démocrates ne parviennent pas à un accord suffisamment crédible. On tendrait alors vers une dégradation et non vers une amélioration de la situation budgétaire.

S&P a mis sous surveillance négative la note triple A des Etats-Unis la semaine dernière. Pensez-vous que nous irons jusqu’à un abaissement de la note ?
Alexandre Hezez : Nous avons déjà eu un blocage institutionnel en 1996 avec une mise en perspective négative. Cela n’a pas donné lieu pour autant à un abaissement de la note.

Philippe Delienne :
Cependant je ne vois pas à aujourd’hui d’accord avant 2013. De ce fait la probabilité d’avoir une dégradation de la note d’ici là est importante.
Les agences de notations suivent de près le ratio charge d’intérêt sur recettes. Nous avons un taux directeur à 0,25%. Ce n’est pas tenable. La croissance est à 2,3%. L’inflation est supérieure à 2%. Il faut que ce taux directeur remonte. Si tel est le cas, le coût de la dette augmentera. Cela sera défavorable au ratio charge d’intérêt sur recettes.

Par ailleurs, le dollar est de plus en plus contesté.

L’issue des prochaines élections présidentielles sera déterminante. Si les républicains l’emportent, qu’ils ont une politique budgétaire restrictive et qu’in fine nous observons une amélioration du déficit, alors nous pourrons éviter la dégradation de la notation.
Si en revanche, le sentiment pessimiste perdure face à un éventuel progrès, alors la dégradation aura bien lieu.

On sait que le marché n’attend pas. Dans le cas d’un blocage institutionnel, et si la probabilité d’une dégradation est de plus en plus certaine, ne peut on pas craindre un krach obligataire. Les investisseurs n’auraient plus foi en la dette américaine et auraient ainsi tendance à s’en écarter massivement ?
Alexandre Hezez : Le risque d’un krach obligataire me semble à exclure. La Fed interviendra à temps. 70% des émissions obligataire actuellement sont achetées par la Fed.

Nous aurions alors forcément un quantitative easing III qui serait actionnée ?
Philippe Delienne : Pas nécessairement. Tout le monde est au courant de ce problème. Or toute crise anticipée ne se produit pas. Toutes les autorités politiques et monétaires américaines sont attentives à la question.

Nous pourrions imaginer une gestion en douceur de la base monétaire de la Fed. Au moment où la reprise sera là, avec un redémarrage du crédit, une amélioration du marché immobilier, nous pourrions supposer une revente des titres hypothécaires acquis au moment de la crise financière et à la place une poursuite des acquisitions des titres d’Etat. Sachant qu’il y a à ce jour une demande pour les obligations souveraines américaines. Ce serait une phase de transition envisageable.

Il faudra ensuite patienter jusqu’à la stabilisation du marché immobilier pour remonter les taux. Cela ferait remonter le dollar et baisser les prix des matières premières.

A quelle remontée des taux peut-on s’attendre ?

Philippe Delienne : On peut souhaiter une remontée des taux le plus tôt possible pour éviter une dérive du dollar, des prix des matières premières et la création de bulles. Le relèvement pourrait aller jusqu’à 1%.
En remontant le taux directeur, la Fed donnera l’information aux marchés qu’elle souhaite contrôler l’inflation, éviter un effondrement du dollar.

Quelles sont vos stratégies d’investissement à ce jour sur les actions et les obligations américaines ?
Alexandre Hezez : Nous sommes très couverts, voire short sur les taux américains, notamment sur la partie courte. Si la partie longue est bien protégée par la courbe des taux, la surprise pour la partie courte ne peut être que bonne dès lors que nous sommes à 0,25%.
Nous sommes très positifs sur les actions américaines en raison de la baisse de la devise et de l’augmentation des exportations.

Quelque que soit le secteur ?
Alexandre Hezez : Oui, quelque soit le secteur. Même le secteur de la consommation est bien orienté.

Propos recueillis par Imen Hazgui