Interview de Jean-Jacques Gauthier : directeur général adjoint, Finances de Lafarge

Jean-Jacques Gauthier

directeur général adjoint, Finances de Lafarge

Nous mettons l’actionnaire au cœur de l’entreprise

Publié le 13 Novembre 2006

Vos résultats montrent une forte progression dans toutes vos activités. Quels ont été les moteurs de votre croissance ?
Ce sont en effet des résultats record. Nous avons enregistré une forte progression de nos résultats sur les neuf premiers mois de l’année, mais aussi sur le seul troisième trimestre et ce malgré une base de comparaison élevée, après un fort niveau d’activité au troisième trimestre de 2005.
Ces très bons résultats s’expliquent par les conditions favorables sur la plupart de nos marchés, mais aussi par les actions menées par le groupe depuis plusieurs années et que nous avons accélérées depuis le début de l’année. Nous enregistrons sur les neuf premiers mois de l’année une croissance organique soutenue, tant au niveau de notre chiffre d’affaires (+14%) que de notre résultat d’exploitation (+28%). Nos hausses de prix sont supérieures aux augmentations de coûts et nous poursuivons nos efforts sur les coûts, qui sont globalement en baisse en pourcentage de notre chiffre d’affaires.   

Dans quelle mesure avez-vous bénéficié de la réorganisation de vos activités en Amérique du Nord ?
Nous avons finalisé le rachat des minoritaires de Lafarge North America en mai de cette année et l’intégration de nos activités en Amérique du Nord a été menée à bien rapidement. Elle est désormais effective et nous avons mis en œuvre les actions appropriées pour dégager toutes les synergies de cette opération. Ce rachat a contribué à hauteur de 45 cents à notre résultat net par action sur les neuf premiers mois de l’année et notre résultat net par action pour le quatrième trimestre devrait bénéficier du plein effet de cette opération.

Qu’attendez-vous de votre nouvelle ligne de construction en Inde ?
L’Inde est le deuxième marché cimentier au monde derrière la Chine et Lafarge y est présent depuis 1999. Nous avons favorisé une stratégie de développement régional et nous avons aujourd’hui une position de premier plan dans l’est du pays, avec une part de marché d’environ 20%. Cet automne, nous avons annoncé deux projets. Le premier consiste à accroître de 3 millions de tonnes la capacité d’une de nos usines existantes, située dans l’Etat du Chhattisgarh, pour nous permettre d’accompagner la croissance de ce marché. Nous avons également annoncé la construction d’une nouvelle cimenterie d’une capacité de 3 millions de tonnes au nord du pays, dans l’Himachal Pradesh. Ce projet nous permettra de pénétrer un autre marché régional en forte croissance où jusqu’ici nous n’étions pas présents. Grâce à ces deux projets, le groupe va plus que doubler sa capacité de production en Inde, la portant de 5,5 millions de tonnes aujourd’hui à près de 12 millions de tonnes au cours des cinq prochaines années, et ceci à un coût très raisonnable d’environ 100$ la tonne. D’autres projets sont également à l’étude.

Vous évoquez une accélération du programme de construction de nouvelles capacités de production. Quels sont les montants qui seront engagés à cette fin ?
Notre programme de construction de nouvelles capacités – essentiellement dans le ciment – est d’une ampleur jamais connue par le groupe. Cette année, 5 millions de tonnes de nouvelles capacités de production de ciment ont démarré au Mexique, au Vietnam, au Bangladesh, en Chine et au Maroc. Au cours des dernières semaines, nous avons approuvé la construction de 7 millions de tonnes supplémentaires de capacités, qui seront construites dans les pays en croissance au cours des 3 prochaines années. D’autres projets sont actuellement à l’étude, représentant encore 16 millions de tonnes de nouvelles capacités. Nous ne pouvons pas donner de chiffre précis car chaque projet a ses particularités, mais tous les efforts sont entrepris pour investir au coût le plus juste et créer de la valeur le plus rapidement possible.

Dans quelle proportion avez-vous augmenté vos prix de vente ?
Nos marchés sont très locaux et nos hausses de prix varient d’un marché à un autre. Faire une moyenne de ces hausses de prix n’aurait donc pas beaucoup de sens. Ce que nous pouvons dire, c’est que grâce à des actions énergiques que nous avons engagées localement dans tous nos métiers, nous hausses de prix ont été supérieures aux augmentations de coûts sur les neuf premiers mois de l’année.

Quel bilan tirez-vous aujourd’hui de l’acquisition de Blue Circle et quels bénéfices en attendez-vous cette année ?
L’acquisition de Blue Circle a permis au groupe de prendre une nouvelle dimension, de se développer sur des marchés attractifs. Nous avons aujourd’hui le meilleur portefeuille du secteur, celui générant la plus forte croissance organique. La leçon que nous pouvons en tirer, c’est que les grandes acquisitions sont très consommatrices de ressources managériales et requièrent un projet d’intégration extrêmement précis. Nous estimons que nous avons énormément progressé sur ces points. Notre groupe est aujourd’hui plus fort qu’il y a 5 ans et avec notre plan stratégique Excellence 2008, nous allons extraire tout le potentiel de notre portefeuille d’activités pour faire de Lafarge le leader incontesté des matériaux de construction et accroître la valeur pour nos actionnaires. Nous avons fixé un objectif d’un retour sur capitaux engagés de 7% pour les actifs de Blue Circle à fin 2006 et nous maintenons cet objectif.

Votre trésorerie solide et la belle performance de votre titre vous permettent d’envisager des acquisitions. Vers quelles zones géographiques vos ambitions se tournent-elles ?
En priorité, nous voulons extraire tout le potentiel de notre portefeuille actuel. Nous privilégierons donc la croissance interne, pour renforcer nos positions locales et accompagner la croissance de nos marchés, et pour générer une croissance organique supérieure à 5% par an.
En matière d’acquisitions, nous nous concentrerons sur des acquisitions fortement créatrices de valeur pour consolider nos marchés et nos positions. Ces acquisitions seront essentiellement, mais pas uniquement, dans les marchés en croissance. Par exemple, nous avons récemment fait deux petites acquisitions aux Etats-Unis – en Arizona et dans la région de Chicago – pour consolider nos positions dans les granulats, un secteur qui reste encore fragmenté.
Ce qu’il faut retenir, c’est que toutes nos acquisitions devront remplir certaines conditions, à savoir : le retour sur capitaux engagés devra couvrir le coût moyen pondéré du capital en 4 ans et toute acquisition devra être compatible avec notre objectif de résultat par action. Nous serons sans compromis sur le respect de nos objectifs et le maintien d’une structure financière solide.

Que vous inspire l’offensive de Cemex sur l’australien Rinker ?
Nous n’avons pas de commentaire à faire sur cette opération. Notre priorité aujourd’hui est le plan stratégique Excellence 2008 pour faire de Lafarge le meilleur de son secteur, durablement. Nous restons concentrés sur cette priorité.

Votre groupe a été cité comme un chevalier blanc potentiel. Confirmez-vous un intérêt pour le dossier ?
Nous n’avons pas de commentaire à faire sur cette opération.

Quelles sont vos prévisions pour le quatrième trimestre ?
La croissance de nos résultats opérationnels devrait se poursuivre au dernier trimestre de 2006, mais à un rythme plus modéré en raison du niveau d’activité très élevé au quatrième trimestre 2005.

Quelle sera votre politique en matière de dividende cette année ?
Nous mettons l’actionnaire au cœur de l’entreprise. La priorité accordée aux actionnaires va nous guider au quotidien dans nos choix d’investissement, dans nos décisions, dans la conduite de notre stratégie. Cette priorité accordée aux actionnaires se retrouvera dans la sélection de nos projets de croissance interne et externe mais aussi dans nos comportements : nous serons plus réactifs, plus dynamiques, plus exigeants. Les bonus de nos managers sont basés sur l’atteinte des objectifs fixés en matière de résultat net par action et de ROCE – tant en termes absolus qu’en comparaison avec nos concurrents. En mai dernier, nous avons déjà augmenté de 6% le dividende au titre de 2005 et avancé son paiement d’un mois. Nous avons aussi supprimé le réinvestissement du dividende en actions pour stabiliser le nombre d’actions et éviter la dilution du résultat net par action. Car stabiliser le nombre d’actions, c’est au final plus de valeur pour chaque actionnaire. Enfin, en mai de cette année, notre assemblée générale des actionnaires a autorisé un programme de rachat d’actions dans un plafond de 1 milliard d’euros. Cela nous donne une flexibilité supplémentaire, celle de reverser du cash à nos actionnaires lorsque ceci sera son meilleur emploi.
Nous sommes déterminés à créer plus de valeur pour nos actionnaires, et le dividende est clairement un élément important à cet égard.

Le mot de la fin pour vos actionnaires.
Nous sommes focalisés sur la réussite de notre plan Excellence 2008 qui place Lafarge sur la voie du leadership durable dans son secteur. Et nous confirmons notre objectif d’atteindre au minimum une croissance du résultat net par action de 10% par an d’ici à 2008, de faire progresser le rendement sur capitaux engagés à 10%, de réduire nos coûts de 400 millions d’euros d’ici fin 2008, et de dégager 1,5Md€ de cash supplémentaire d’ici 2008. 

Propos recueillis par M.L.H.

laetitia