Interview de Ronan Arzel : Directeur de la stratégie Les Nouveaux Constructeurs

Ronan Arzel

Directeur de la stratégie Les Nouveaux Constructeurs

La maîtrise des coûts de construction constituent un des défis les plus importants pour les promoteurs français

Publié le 26 Novembre 2007

Quel regard portez-vous sur le secteur de l’immobilier à l’heure actuelle ?
En France, le marché du logement neuf reste solide. Les statistiques de la fédération des promoteurs constructeurs faisaient état fin juin d'une hausse des ventes de 12% en volume sur les six premiers mois 2007 par rapport aux six premiers mois de l'année 2006.
Chez LNC, sur les neuf premiers mois de l'année, on observe également une hausse de 12% des réservations en valeur auprès des particuliers par rapport à 2006. La partie vente aux institutionnels est en léger retrait, mais cela est moins représentatif du marché.

Dans le même temps, on assiste à une augmentation des mises en vente encore plus rapide que la croissance des ventes. Cette augmentation de l’offre provoque une décélération de la hausse des prix, ce qui est bienvenu pour préserver la solvabilité des acquéreurs potentiels.

Il y a une décélération des prix et un allongement du délai de négociation des ventes. Ces  éléments ne sont-ils pas symptomatiques d'une tendance baissière ?
Les besoins fondamentaux de logements sont toujours là. C’est cela qui explique la hausse des prix de ces dernières années. Mais les prix de logement ne peuvent pas éternellement augmenter plus vite que le pouvoir d’achat. Nous sommes donc arrivés à un maximum. Par contre, nous n’envisageons pas de baisse des prix étant donnée la rareté du foncier et l’augmentation des coûts de construction. Nous envisageons donc soit une stabilisation des prix, soit une hausse plus modeste. C’est un ajustement naturel.

Qu’en est-il des coûts de construction ?
La maîtrise des coûts de construction constituent un des défis les plus importants pour les promoteurs français. Dans un marché où les prix de vente se stabilisent progressivement, il est crucial de maîtriser ses coûts.
Différents facteurs jouent en faveur de la hausse de ces coûts. Il y en a 3 principaux : la hausse des prix des matières premières, la pénurie d'entreprises disponibles et dans certains cas, les contraintes de nouvelles réglementations.

De quelle manière tentez-vous d'appréhender la progression de ces coûts ?
Nous essayons d'y répondre chez LNC en réalisant nos travaux par corps d’état séparés plutôt que par entreprise générale. Nous faisons ainsi appel à des petites et moyennes entreprises spécialisées. Cela nécessite d’être très impliqués dans le pilotage des chantiers, ce qui est l’une de nos caractéristiques.
Nous travaillons également en amont avec l’architecte du projet pour essayer de trouver des solutions en vue d'optimiser les plans de construction. Enfin, une forte implication dans les appels d'offres est nécessaire de manière à être en mesure de rester compétitif.

Selon vous, quel sera l’impact de la crise des subprimes sur les conditions d'octroi des crédits ?
À ce stade, nous manquons encore de recul pour évaluer l'ampleur des conséquences sur l’accès au crédit. Nous avons observé un léger ralentissement commercial au troisième trimestre. Toutefois, il est un peu tôt pour déterminer dans quelle mesure cela est lié.
Il est certain que nous observons l’évolution du marché avec attention.

Quel regard portez-vous sur la politique du gouvernement ?
Les mesures pour la déduction des intérêts d'emprunt vont dans le bon sens. L'impact sera cependant limité. Cela compense partiellement l'augmentation des taux d'intérêt. Mais nous n'en attendons pas de bouleversement important.

S'agissant de l'objectif de créer 500 000 logements par an?
Ce que les acteurs immobiliers s'accordent à dire c'est qu'il existe aujourd'hui un goulet d'étranglement au niveau de la disponibilité des terrains et de l'obtention des permis de construire. Pour être en mesure d'augmenter cette production de logements, il y a lieu de prendre des mesures pour faciliter l’accès à la matière première des promoteurs, à savoir la libération des terrains, et faciliter l'obtention des permis.
Nous sommes présents dans d'autres pays de l'union européenne, notamment en Espagne et en Allemagne, et nous nous apercevons qu'il y a une plus grande rapidité pour démarrer les opérations de logements chez nos voisins.

Quelle est la situation du marché de l’immobilier dans ces deux grands pays ? 
Nous avons deux situations très différentes. En Espagne, la situation est similaire à celle du marché français mais avec une ampleur plus importante. Cela a été le marché le plus dynamique de l'Europe de l'Ouest pendant plusieurs années avec des prix en augmentation de plus de 10% par an en moyenne sur les 10 dernières années et une production atteignant 800 000 logements. Un point haut a été atteint.
Aujourd’hui, nous assistons à un ajustement, plus marqué que celui que nous connaissons en France. Nous devrions revenir progressivement à une production annuelle de l'ordre de 500 000 logements, ce qui reste un niveau très important.

Peut-on parler d’une crise immobilière en Espagne ?
Il y a deux marchés très différents, celui de la résidence secondaire sur les côtes, qui est très touché, et celui de la résidence principale. S'agissant de LNC, nous sommes uniquement présents sur le marché de la résidence principale autour des grandes agglomérations espagnoles de Madrid, Barcelone et Valence. Ce marché répond à des besoins fondamentaux de logement, souvent des jeunes couples espagnols réalisant leur premier achat. Mais nous avons également observé un fort ralentissement commercial depuis cet été.

Qu’en est-il de l’Allemagne ?
En Allemagne, le taux de propriétaires est de 45% contre plus de 85% en Espagne et 56% en France. Il y a donc un large marché locatif en dehors du marché de l'acquisition, qui est plus lent. En 2008, moins de 200 000 logements devraient être livrés dans le pays. C’est le niveau le plus faible depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Nous pensons avoir atteint un point bas en matière de production, ne serait-ce que pour assurer le renouvellement naturel du parc immobilier.

Suite à la réunification, il y a eu pendant quelques années une surproduction de logements. Par ailleurs, il y a eu une culture allemande davantage tournée vers le marché locatif, que vers l’acquisition. Par conséquent les prix ont faiblement évolué. Mais, comme nous, les Allemands ont une réelle préoccupation de constitution d’épargne pour leur retraite. Nous sommes convaincus que le marché sera à moyen terme amené à progresser positivement.

S'agissant de la crise des subprimes, il est très difficile de savoir quelles seront les répercussions parce que c'est quelque chose de récent. Comme le marché était déjà relativement lent, nous ne sommes pas en mesure de dire que cette crise a véritablement changé en profondeur la donne du marché.

Quel est le positionnement de la société sur le secteur immobilier ?
L'une des particularités de LNC réside dans notre choix de se positionner sur les grandes agglomérations européennes plutôt que sur les villes secondaires françaises. Nous sommes ainsi présents dans les quatre villes françaises les plus actives économiquement, les trois plus grandes agglomérations espagnoles et cinq des six plus grandes villes allemandes. Chacune de ces agglomérations représente un marché profond et un bassin d'emplois important.

Avez-vous des projets d’acquisition dans les prochains mois ?
Sur le principe, nous pouvons être amenés à faire d'autres acquisitions car la croissance externe est un facteur d'accélération de notre développement. Mais le prix de cette croissance doit être raisonnable. Nos priorités seraient de renforcer notre base française et de croître en Allemagne.

Par ailleurs, la société a pour ambition de développer un quatrième pôle géographique important, l'Europe de l'Est. Concrètement, nous sommes présents en Pologne, à Varsovie et à Lodz, depuis un an. Nous y avons acquis un portefeuille foncier de l'ordre de 1 200 logements dans un marché soutenu
.
C’est là l’illustration de la stratégie européenne de LNC : ralentir dans les marchés parvenus à maturité, comme nous le faisons en Espagne, et accélérer dans les plus dynamiques, comme c’est le cas en Pologne.

Concernant vos schéma d'investissement, y a-t-il des variables importantes entre les trois principaux pays sur lesquels vous êtes présents ?
Le cycle de production est assez similaire, il est de trois ans entre le moment où nous achetons un terrain et le moment où nous livrons le bien.
Nous sommes amenés à chaque fois à acquérir des terrains sous condition suspensive d'obtention d'un permis de construire. Et nous ne démarrons les travaux qu’une fois avoir atteint un minimum de 30% de pré commercialisation.

Nous sommes sur des prix sensiblement comparables sur les trois marchés. Notre prix moyen en France est de l’ordre de 230 000 euros, en Espagne 300 000 euros en raison de la taille moyenne plus importante des appartements, et de 260 000 euros en Allemagne.

Quelles sont les principales différences constatées ?
En Espagne, le client paie le logement à 80% au moment de la livraison, alors qu’en France et en Allemagne, le client paie au fur et à mesure de la construction.

Par ailleurs, les permis de construction sont beaucoup plus rapides à obtenir en Espagne et en Allemagne qu’en France.

Les normes écologiques ne sont pas appréhendées avec la même acuité dans l’ensemble de ces pays. Les Allemands sont plus avancés et plus sensibles sur cette question.
La difficulté à laquelle nous sommes confrontées est de répondre à la fois au souci général allant dans ce sens tout en offrant des logements à des prix raisonnables, ce qui reste la préoccupation numéro un de nos clients.

Une forte baisse est observée sur votre titre. Celle est expliquée par votre marge opérationnelle courante, légèrement inférieure à 2006 ?
Nous n’avons pas pris pour habitude de commenter l'évolution de notre cours de bourse. Il est évident que l'ensemble des valeurs liées à l'immobilier, et les promoteurs immobiliers en particulier, ont subi une forte baisse de leur valorisation boursière ces derniers mois. LNC ne fait pas exception.

S'agissant des perspectives de la société, l’un de nos engagements pris à l'occasion de notre introduction en bourse, il y a maintenant un an, était une croissance du chiffre d'affaires d'au moins 20%, en moyenne, en 2007 et 2008. Nous venons d’annoncer un nouvel objectif : au moins 680 millions d’euros de chiffres d’affaire en 2008, soit une augmentation moyenne supérieure à 22%. Malgré les mouvements boursiers, LNC est donc bien dans une phase de croissance, en s’appuyant sur un carnet de commandes en progression de 25% au cours des 12 derniers mois.

Propos recueillis par Imen Hazgui