Interview de Pierre Dinon : Gérant immobilier coté chez Allianz GI Investments Europe

Pierre Dinon

Gérant immobilier coté chez Allianz GI Investments Europe

Parmi nos principales convictions : Unibail, Klepierre et Silic

Publié le 29 Avril 2011

Quel regard portez-vous sur le secteur de l’immobilier coté actuellement ?
Nous avons une opinion plutôt favorable sur le marché. Le secteur avait été beaucoup affecté en 2008-2009 du fait de la crise. Cela a permis de corriger les excès commis pendant la période d’avant crise, entre 2005 et 2007. Nous avions atteint pendant cette période des niveaux de valorisation déraisonnables. Les primes, autrement dit les différentiels entre la valeur d’actif net et le cours de bourse, se situaient entre 50-60%. Les niveaux normalisés se situant entre 25-30%. Certains multiples de cash flow étaient supérieurs à 20-25 fois les résultats attendus. Les rendements des dividendes étaient alors tombés très bas, autour de 2,5%.

La correction a selon vous été trop importante ?
Les sociétés foncières ont été assimilées et traitées comme des sociétés financières. Les investisseurs ont perçu des risques importants sur des sociétés qui avaient un niveau d’endettement plus élevé que la moyenne, d’environ 50-60%, du fait d’un gel du marché de l’immobilier suite à la déroute de Lehman Brothers. Les investisseurs se disaient que si les foncières, comme Klepierre, Foncière des Régions, la société de La Tour Eiffel, ou encore les foncières anglaises, ne parvenaient pas à céder des actifs sur le marché, alors elles auraient du mal à se désendetter. La perte de confiance a conduit à des retraits importants.

Qu’en est-il du niveau de valorisation actuel ?
La plupart des foncières sont cotées aujourd’hui à leur valeur d’actif réévaluée du 31 décembre dernier. Par contre, Unibail, de par son statut de principale foncière européenne, se traite avec une surcote d’environ 20%.

Comment voyez-vous l’évolution de cette valorisation ?
Je pense que les valeurs d’actifs ont vocation à continuer de croitre. Un certain nombre de foncières ont des actifs à louer. Compte tenu de la demande de mètres carrés supplémentaires par les entreprises utilisatrices, les loyers additionnels impacteront positivement la valeur d’actif. Ainsi on peut s’attendre à de bonnes surprises, pour les prochaines évaluations d’actifs.
Nous tablons sur un retour progressif de la demande au deuxième semestre 2011 puis un retour plus marqué en 2012.
Je suis convaincu que pour un certain nombre de valeurs, nous aurons de nouveau des surcotes.

Au-delà de cet effet remplissage nous pourrions également voir une revalorisation des montants des loyers ?
Pour le moment la reprise des loyers est modérée. Les loyers ne se sont pas effondrés pendant la crise. On situe la moyenne de la baisse à une quinzaine de pourcents. Ce sont essentiellement les valeurs les plus élevées qui ont eu tendance à se contracter. Ce qui se louait à 700-800 euros pour les bureaux prime aux meilleures localisations se louent plutôt entre 600 et 700 aujourd’hui.
La hausse pourrait être de 5%.

Un autre point de soutien est lié aux dividendes offerts par les foncières…
Nous avons un rendement moyen du dividende de 5%, ce qui correspond à un rendement normal pour le secteur. Nous considérons ce rendement très pérenne. Les foncières n’ont pas de raison de diminuer aujourd’hui leurs dividendes. Si elles avaient du le faire, elles l’auraient fin pendant la crise.

Quels sont les principaux risques auxquels est confronté le secteur ?
Le secteur n’est pas confronté à des risques particuliers.

Quel potentiel de revalorisation escomptez-vous ?
Nous sommes depuis le début de l’année sur une performance d’environ +5%. Nous pourrions peut-être avoir 5% de plus d’ici la fin de l’année.

Quels sont vos principales convictions du moment ?
Tout d’abord, nous pouvons mentionner Unibail, le leader européen des centres commerciaux qui constituent les trois quarts de son activité. La force de frappe d’Unibail lui permet d’attirer un grand nombre d’enseignes. La société a distribué l’année dernière un dividende exceptionnel de 20 euros. Elle a aujourd’hui d’importants projets comme la Tour Majunga et la Tour Phare à la défense. Elle présente un des plus faible taux d’endettement du secteur.
Le point faible d’Unibail serait de ne pas trouver toutes les opportunités d’investissement sur le marché. Pour créer de la valeur, il faut arbitrer. Pour le moment Unibail arbitre en cédant des actifs qui ne correspondent pas à sa stratégie, notamment des centres commerciaux trop petits par rapport à ses objectifs.

Une autre valeur que nous aimons bien est Klepierre. C’est une valeur clairement dépréciée. L’action a été délaissée en raison des déceptions sur les résultats 2010 et des craintes sur l’Espagne et la Hongrie où Klepierre est positionné. Le titre cote autour de 28 euros. C’est selon nous un bon niveau d’achat. La société a des actifs de bonne qualité, est bien managée, et présente une bonne capacité de redressement.

Silic est une autre forte pondération dans notre portefeuille. C’est une foncière spécialisée dans les bureaux en première et deuxième couronne (Orly, Roissy), un créneau porteur. Les actifs sont de bonne qualité. Silic a des actifs qui sont arrivés sur le marché au cours du deuxième semestre 2010, notamment à Nanterre, derrière l’arche de la Défense, et qui devraient se louer progressivement. Cela devrait impacter positivement les résultats de 2011.
La faiblesse de Silic réside dans le fait que ses actifs sont un peu plus sensibles à tout ralentissement économique, entrainant une hausse de son taux de vacance.

Avez-vous des objectifs de cours ?
Nous ne nous donnons pas d’objectifs de cours. Notre démarche n’est pas de vendre une valeur lorsqu’elle a atteint un cours donné. On opère une surveillance continue. On allège et on renforce en fonction des évènements qui entourent la valeur.

Combien de lignes avez-vous en portefeuille ?

Nous avons une quarantaine de lignes.
L’horizon d’investissement ne doit pas être inférieur à 3 ans. C’est le temps nécessaire pour une foncière pour décider un investissement, le réaliser, le louer ou le céder.

Un pays en particulier domine-t-il votre allocation géographique ?
Clairement la France pour des raisons historiques et fondamentales. C’est le marché français qui a soutenu ces dernières années l’immobilier coté. Nous sommes confiants sur le modèle. Paris attire les investisseurs et il n’y a pas de risques d’excès.

Plutôt que de considérer le siège social de la foncière, ou sa place de cotation, il faut prendre en compte le lieu d’implantation des actifs. Par exemple, nous avons 15% de sociétés hollandaises mais ces sociétés ne sont majoritairement pas investies sur leur marché domestique.

Le maitre mot est diversification. Il faut opter pour des foncières qui ont un bon mix géographique dans leur portefeuille de manière à bien répartir les risques.

Par exemple, l’acquisition par Klepierre d’un portefeuille de centres commerciaux en Scandinavie a permis d’équilibrer la forte présence de la société en Europe du sud, notamment en Espagne.

Propos recueillis par Imen Hazgui