Interview de Manuel Poux : Directeur Développement et Marketing au sein de BNP Paribas Reim

Manuel Poux

Directeur Développement et Marketing au sein de BNP Paribas Reim

L’avènement des OPCI va marquer un coup d'arrêt pour les SIIC à quelques exceptions près

Publié le 24 Novembre 2007

Quel regard portez vous sur le secteur de l’immobilier en France ?
Le contexte reste globalement porteur dans le domaine des logements, notamment dans les grandes agglomérations. On observe toujours un déficit au niveau de l’offre qui devrait perdurer dans les années à venir pour des raisons essentiellement démographiques, liée à l'éclatement des cellules familiales et au vieillissement de la population.
Toutefois, le secteur reste sensible à la hausse des taux. Le financement de la résidence principale a connu un allongement important de la durée moyenne de l'emprunt depuis deux ans, même si depuis quelques mois nous observons une certaine stabilisation autour de 21 années. Une hausse trop importante des taux pourra marquer un coup d'arrêt à la capacité des particuliers de financer leur acquisition.

Nous ne nous attendons pas à une crise ou à une chute importante mais à une consolidation et à une évolution légèrement négative des valeurs vénales de l'immobilier du logement.
Les valeurs locatives, quant à elles, vont continuer à être orientées à la hausse compte tenu du déséquilibre qui va perdurer entre l'offre et la demande.

Qu’en est-il de l’investissement de la BNP Paribas Reim dans le logement ?
Un peu moins de 20 % de nos investissements sont consacrés au logement aujourd’hui. Le reste est orienté vers le bureau : avec 50 millions de m2 l’Ile-de-France représente en profondeur le troisième marché de bureau du monde, immédiatement derrière Londres et Manhattan. C’est notre marché naturel, avec une diversification géographique offerte par le fort développement de BNP Paribas Immobilier, et en particulier d’Atisreal, à l’étranger, en Europe notamment.
Nous avons de multiples SCPI en situation de plus-values latentes avec des rendements substantiels, alimentés par la hausse des prix de ces dernières années.
Notre produit le plus actif est une SCPI « Borloo » qui s'appelle Capital habitat et qui est la première du genre à investir dans le logement en province et en région parisienne. Les rendements que nous en attendons sont de l'ordre de 3 à 4 % bruts stimulés au cas par cas par la situation particulière de l'investisseur eu égard à sa fiscalité et par le mode de financement de l’acquisition des parts.

La crise des subprimes a-t-elle eu un impact sur vos activités ?
Cette crise n'a pas eu d'impact direct. Nous avons compris qu’il y avait eu quelques modifications dans la structure de refinancement de certaines opérations. Mais nous sommes encore dans un marché caractérisé par un excédent de liquidités.
Vous entrez dans le périmètre de la directive « Marchés d’instruments financiers ». Concrètement quelles seront les principales répercussions de cette directive ?  Que va changer cette réglementation dans vos relations avec les clients ?
En réalité, aux obligations découlant de cette directive s’est ajouté la nécessité pour notre établissement de se réorganiser pour répondre aux nouvelles demandes du régulateur dans le cadre de la gestion d’OPCI. Nous avons du apprendre à travailler avec un grand nombre de nouveaux partenaires, intégrer de nouveaux métiers et réfléchir à une nouvelle organisation des tâches.

C’est dans ce cadre réformateur que nous avons pu tout mettre à plat, de façon à y voir plus clair, afin de pouvoir nous conformer aux nouvelles exigences européennes.
La mise en application de la directive n’a pas du tout constitué un frein à notre développement. Nous avons encadré la future commercialisation des OPCI en mettant en place un avertissement à l’attention de l’investisseur dans notre projet de documentation et en veillant avec nos réseaux de distribution à la bonne prise en compte de notre responsabilité de conseil auprès de celui-ci.

Par ailleurs, nous avons complété nos processus en matière de qualification de l'investisseur averti pour la partie placement auprès des investisseurs institutionnels.

Quelle est votre stratégie en ce qui concerne les OPCI ?
L’OPCI est une enveloppe juridique qui renvoie à une multitude de véhicules possibles.
Cet instrument couvre des besoins très larges allant de l'externalisation de la gestion de leur parc immobilier pour des entreprises importantes jusqu'à l'investissement collectif indirect sur le marché de l’immobilier pour le grand public.
Nous en attendons très clairement un relais de croissance pour notre société BNP Paribas REIM.

Nous allons commercialiser notre premier OPCI sous la forme d'une société de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) destinée aux particuliers, obtenue par la transformation de la SCPI Opéra Rendement créée à cette fin il y a de cela deux années maintenant.

Notre parti pris est d’offrir un support d’investissement « tout immobilier », avec une exposition à l'immobilier proche de la totalité de la somme investie : la stratégie de gestion de l’OPCI prévoit en effet de compléter les sommes confiées avec un endettement de 20% et d’investir le tout dans l’immobilier à concurrence de 85% du total des actifs. Le reste (15% du total des actifs) étant  destiné à faciliter le règlement des demandes de rachat.

D’un point de vue géographique, l’exposition sera à 80 % sur le marché français essentiellement en Île-de-France et à 20 % en Europe avec une partie au Royaume-Uni.

Dans la foulée, nous avons prévu de déposer un deuxième dossier qui concerne un OPCI davantage diversifié, et plus innovant dans sa stratégie de gestion.

Nous envisageons un volume de collecte annuel de quelques centaines de millions d'euros sur ces deux véhicules sur les premières années. Evidemment, de telles performances ne seront réalisables qu’avec une coordination maîtrisée avec nos réseaux.

En complément, nous avons deux autres projets d’OPCI RFA, pour les institutionnels qui vont nous permettre de répondre à des besoins plus ciblés, en particulier en termes de typologie d’actifs immobiliers.

Pour le moment nous n'envisageons pas d'OPCI investis en logements.

Sur quels aspects de ces OPCI mettrez vous l’accent afin de cibler leur  commercialisation?
Avant toute chose, sur le rendement.
L’investissement dans l’immobilier offre des perspectives de rendement qui sont doublement attractives ! Il offre une assiette de performance assise sur la récurrence des revenus locatifs (75% de la performance dégagée sur ces 20 dernières années) et sur leur faible volatilité. Par ailleurs, ces revenus sont souvent indexés sur l’évolution du coût de la vie.

Au total, le couple rendement / risque de l’immobilier est avantageux pour la performance globale d'un portefeuille financier et devient particulièrement  intéressant pour un épargnant dans l'optique de la problématique de la retraite et du maintien du pouvoir d'achat de son épargne sur le long terme.

Nous entendons dire que l'excès de liquidités qui nous vient de la situation de bas coût du travail en Asie pourrait s’affaiblir du fait des poussées  inflationnistes sur les biens à la consommation en Asie et sur les matières premières en général. Le risque d’un retour de l’inflation a réintégré les scenarii étudiés par les experts économistes.

Il s'agit d'une préoccupation majeure pour un grand nombre d'épargnants aujourd'hui que de préserver le pouvoir d'achat de son épargne. L'immobilier a précisément cette caractéristique : un actif immobilier peut voir sa valeur vénale monter ou baisser en fonction des cycles, il n'en demeure pas moins que les revenus sont peu ou prou indexés sur l’évolution du coût de la vie.

Dans ce cadre, opter pour un investissement dans la pierre papier offre de surcroît l’intérêt de mutualiser les risques à travers la gestion pour compte de tiers.
Cela permet aussi d’accéder à des classes d'actifs immobiliers auxquels nous n'avons pas spontanément accès compte tenu des mises de fonds nécessaires pour l'immobilier de bureau alors qu’il offre une meilleure visibilité financière, puisque la quasi-totalité des charges sont assumées directement par les locataires, et des rendements locatifs souvent supérieurs aux logements.

Quels sont les atouts des OPCI par rapport aux SIIC ?
Par son processus de valorisation, la valeur liquidative de l’OPCI est directement reliée à la valeur du patrimoine de l’OPCI et n’est donc pas soumise aux mouvements hiératiques des places boursières. Au total, l’OPCI permet de bénéficier pleinement de la diversification offerte par l’immobilier, véritable classe d’actif à part entière.
Les OPCI offrent aussi l’avantage d’une mise de fonds au départ très faible, une contrepartie des ordres d'achat et de rachat assumée par la société, une variété de procédés d'investissement : on peut faire varier la taille des poches immobilière et financière en fonction de la stratégie de gestion. Et une plus grande transparence sur les divers commissions ou frais.

Je pense que l’avènement des OPCI va marquer un coup d'arrêt pour les SIIC à quelques exceptions près. Ces instruments offrent la même fiscalité et sur le plan opérationnel présentent un meilleur outillage pour une gestion en standard des contraintes liées à la liquidité, aux frais...

La naissance des OPCI signifie t-elle la disparition des SCPI ?
Les OPCI ont clairement pris modèle sur les SCPI en essayant d'en améliorer des aspects négatifs, en particulier en apportant une réelle souplesse de gestion, à travers une allocation de l’actif offrant plus de possibilités de surperformer les indices, et en autorisant l'usage de la dette.

Toutefois la meilleure liquidité autorisée par ces instruments sera à prendre avec beaucoup de précaution et dépendra de la capacité de la société de gestion à anticiper les mouvements sur son capital, et à gérer son passif en conséquence.
Tous les acteurs de ce magnifique projet de la Place de Paris se consultent depuis plusieurs années afin que la crise des SCPI, leur incapacité à permettre aux  porteurs de parts de sortir aisément jusqu'à ce qu'un marché secondaire soit organisé, ne se répète pas sur les OPCI.

Toute la place espère avoir mis en place une mécanique et des processus qui évitent des situations de blocage dans laquelle se sont retrouvées les SCPI lorsque le marché de l'immobilier a connu un cycle baissier au début des années 1990, voire aussi aujourd’hui avec un faible développement des encours et peu de parts offertes à l’achat.
Pour autant, nous pensons qu'il y aura une certaine complémentarité. Les SCPI ne disparaîtront pas. Elles seront davantage développées autour de thèmes d’investissement précis, parfois à partir de dispositions fiscales touchant les revenus fonciers et nécessitant un horizon d’investissement et des processus d'investissement bien cadrés.

Qu’en est-il des techniques et des approches private equity dans le secteur de l’immobilier vous concernant ?
La raréfaction des actifs immobiliers nous encourage à faire preuve de créativité et à imaginer des opérations plus atypiques, comportant des niveaux de risques et de rentabilité plus élevés, destinées à des investisseurs avertis.

Par ailleurs, les mouvements d’externalisation de l'immobilier vont se poursuivre. Au-delà du contexte fiscal favorable actuel défini par l’article 210 E du Code Général des Impôts, nous avons perçu qu’un début de raréfaction de certains financements pouvait encourager des entreprises à réaliser une partie de leurs plus-values latentes immobilières pour financer leur développement, dans de meilleures conditions ou avec la perspective d’un investissement plus rentable. Nous portons une offre de ce type auprès des grands clients du groupe dans le cadre d’une démarche de vente croisée.

Propos recueillis par Imen Hazgui