Interview de Thierry Dufour : directeur général délégué, en charge des métiers corporate et finances chez Crédit Foncier de France

Thierry Dufour

directeur général délégué, en charge des métiers corporate et finances chez Crédit Foncier de France

Certains clients ont pu connaître une hausse et non une « explosion » de leur mensualité

Publié le 08 Février 2008

UFC que Choisir, ainsi que l’Afub, vous accuse d’avoir proposé des prêts faussement sécurisés…
Dans leur conception même, nos formules de prêts sont sécurisées, qu’il s’agisse des prêts réglementés, c’est-à-dire accordés aux clients à revenus modestes, ou des prêts libres. Au titre des protections, en cas de hausse des taux : allongement de la durée du prêt dans la limite de 20 % par rapport à la durée initiale, hausse limitée de l’échéance en cas de hausse brutale de l’index de référence…

Les prêts réglementés sont encore davantage sécurisés. Par exemple, une échéance ne peut croître au-delà de l’inflation chaque année.

En dépit des ces sécurités, certains clients du Crédit Foncier, qui ont un prêt à taux révisable, ont pu connaître une hausse, et non une « explosion » de leur mensualité, entre 2 et 10 %.

C’est le résultat d’une conjoncture financière inhabituelle puisque certains taux très « courts » sont restés à des niveaux élevés. Ce phénomène exceptionnel fait que les formules de prêts indexées sur un taux court terme, comme l’Euribor, subissent une hausse inhabituelle, soudaine, de près de 3 %.

Les consommateurs auraient- ils été trompés ? Vos prêts n’étaient pas capés ?
Faisons un peu d’histoire. C’est le Crédit Foncier qui a lancé les premiers  prêts à taux capé, par exemple à +/- 2 % dans les années 1990. Le prêt capé présentait à l’époque un intérêt certain. Nous étions en effet dans un cycle économique avec des variations très brutales, les taux passant de 8 à 12 %. Le prix du cap n’était pas très élevé, en relatif du coût de l’échéance et la variation absorbée par le client.

Mais, depuis les années 2000, nous avons arrêté d’en proposer car ils étaient devenus moins utiles pour l’emprunteur dans un contexte de taux bas et peu fluctuants, entre 2 et 4 %. Et donc à partir de 2000, nous avons proposé le prêt lissé qui permet de reporter dans le temps une période de hausse de taux d’intérêt pour les réabsorber en période de baisse des taux. Notre objectif étant que nos clients aillent au bout du financement de leur projet.

Maintenant je pose une simple question : quelles auraient été les conséquences, ou quelles sont-elles actuellement, pour les clients d’un prêt à taux capé classique ?  Un prêt à 2% aurait, ou a, pris 25%, voire plus, de hausse d’échéance ! En ce qui nous concerne, nos mécanismes de lissage des échéances évitent ce type de situation difficile. 

Ainsi, selon vous, vous n’avez pas manqué à vos devoirs de conseil et de mise en garde ?
Vous savez, le Crédit Foncier est un établissement né il y a plus de 150 ans. Il a su créer des relations de confiance avec ses clients en accompagnant des générations de Français dans l’accession à la propriété. Au cours des dix dernières années, le Crédit Foncier a permis à plus d’un million de ménages français de devenir propriétaires.

Nous ne prétendrons pas que tous nos clients aient été informés parfaitement car le « zéro défaut » n’existe pas. Dès lors que nous aurons la démonstration que le client a eu une mauvaise information, nous y remédierons.

Pourtant, face à l’inquiétude des emprunteurs ayant contracté auprès de leur banque un prêt à taux révisable pour financer leur projet d’acquisition d’un logement, le Crédit foncier a mis en place deux mesures exceptionnelles. Dans quel but ? 
Ce que nous souhaitons, c’est sécuriser davantage nos clients. Nous sommes tellement confiants sur le fait que les taux d’intérêt ne vont pas monter, que nous proposons des taux «plafond» phrasés avec la hausse potentielle des taux d’intérêt.

Nous avons en effet mis en place deux mesures d’envergure mi janvier qui viennent renforcer le dispositif déjà existant. Ces deux mesures concernent 150 000 de nos clients.
Pour les clients détenant un prêt règlementé - prêt à l’accession sociale (PAS) ou prêt conventionné (PC) à taux révisable – le Crédit Foncier propose le plafonnement de leur taux d’intérêt. Par exemple, pour les prêts indexés sur l’Euribor, le plafonnement sera de 5,75%.

Pour les clients détenant un prêt non règlementé, le Crédit Foncier leur propose de bénéficier des sécurités similaires à celles, règlementaires, des prêts à l’accession sociale. Dont notamment la mesure garantissant,  en cas de hausse des taux, une évolution de leur mensualité limitée à l’inflation. Toutes ces mesures sont rétroactives au 1er août 2007 pour réduire ainsi les effets de la crise.

L’association de consommateurs vous a réclamé un accord cadre global permettant d’éviter des propositions à géométrie variable. Vous n’êtes pas d’accord. Pourquoi ? 
Chaque client fait l'objet d'un traitement individuel puisque chacun a signé sur une base contractuelle comportant des conditions financières propres, établies en fonction de son profil et de ses revenus. Ce client, s’il entre dans le champ d'application, bénéficie, comme nos 150 000 clients concernés, des mesures annoncées et est informé de la même manière. De plus, les clients fragilisés bénéficieront, comme nous nous y sommes engagés, de mesures spécifiques.

Est-ce que le marché du crédit immobilier en France va subir les mêmes difficultés que le marché américain victime du subprime ?
La crise du subprime est liée au fait que les américains ont emprunté à taux progressifs avec des taux qui s’étalent de 1 % à plus de 9 %, sans que le prêteur n’ait porté attention à la capacité de remboursement de l’emprunteur. Nous disons faussement en France qu’il s’agit de prêts à taux variables, ce qui n’a rien à voir.

Dans notre pays, il existe des règles strictes dans l’octroi du crédit immobilier. Ainsi, la banque ne peut pas prêter à un client plus du tiers de ses revenus. La loi Scrivener, elle, protège l’emprunteur, sans oublier la Commission de surendettement qui traite les emprunteurs en difficulté. Toutes ces règles sont des règles prudentielles inexistantes aux Etats-Unis ou dans nombre de pays européens. On pourrait multiplier les exemples.

Et pour l’avenir, que faire ? Le taux révisable a-t-il encore une utilité ?
Que faire aujourd’hui ? Le cycle économique des taux montre que la plupart du temps, les taux court terme sont inférieurs aux taux long terme sur longue période.  Nous anticipons, comme d’autres spécialistes de marché, une baisse des taux dans les prochains mois, ce qui peut confirmer l’intérêt de prendre un taux révisable maintenant pour de nombreux candidats à l’acquisition.

En sus, le taux révisable permet de mieux prendre en compte les prêts aidés (prêt à taux zéro, prêt 1 % logement…) qui, associés à des prêts complémentaires permettent d’étaler l’échéance du client. Ces montages financiers facilitent l’accès à la propriété dans un contexte de prix immobiliers élevés et de stagnation du revenu.

Entre 1998 et 2006 le prix d’une maison a connu une hausse annuelle moyenne de 8,2 % alors que celle du salaire net moyen a été de 0,7 %. Le taux révisable permet à notre cœur de clientèles, à revenus modestes, d’emprunteur à des conditions plus avantageuses sur longue durée qu’en taux fixes, ces derniers étant en effet structurellement plus chers sur longue période.

Bref, le taux révisable favorise l’accession à la propriété.

Propos recueillis par Imen Hazgui et Nicolas Sandanassamy