Interview de Emmanuel Dufraisse : Gérant associé du cabinet Vivier-Dufraisse

Emmanuel Dufraisse

Gérant associé du cabinet Vivier-Dufraisse

Les locataires sont quand même exigeants et restent des consommateurs

Publié le 22 Octobre 2009

Le premier repli des loyers en 10 ans a été constaté en France cette année, avez-vous observé à Paris une baisse des loyers ou du moins une stabilisation ?
Tout dépend. Pour les grands appartements, cinq-six pièces, grand standing, on observe une baisse car ça ne part pas. Mais, à Paris, en revanche, pour tout ce qui est studio, 2-3 pièces, les prix ont monté. Par exemple, nous avons à louer une studette de 13 m2, dans le 17ème rue de Rome avec toilettes sur le palier, tout est refait, mais 500 euros c’est quand même cher.

Du fait du manque d’offre par rapport à la demande dans Paris intra muros, pensez-vous qu’une réelle baisse des loyers soit possible ?
Les prix varient en fonction de la demande. A Paris, il y aura toujours une demande énorme, tandis que l’offre n’est pas si importante que cela. Mais les locataires sont quand même exigeants malgré tout et restent des consommateurs. Ils ne vont pas prendre n’importe quoi non plus au-delà du raisonnable.

Parfois, les propriétaires en veulent beaucoup trop, et notre rôle est aussi de les raisonner. Il vaut mieux avoir un loyer raisonnable avec un locataire qui paye plutôt que l’inverse. Je dirais que les propriétaires qui en demandent trop représentent environ un quart du total. Pour l’instant, à moins qu’il y ait une demande du gouvernement de faire baisser les loyers et de réguler davantage, les loyers ne devraient pas baisser à Paris dans les mois futurs. Pour l’instant, le marché est encore libre.

Vous diriez qu’à Paris, la difficile baisse des loyers tient à un problème structurel ?
Oui, on manque de logements à Paris. La ville n’est pas extensible, tous les terrains ont été construits. D’ailleurs, les loyers sont quand même moins chers en banlieue. Les prix repoussent les gens un peu en banlieue. Paris est une ville pour les gens aisés, mine de rien. Il y a 6-7 ans, le loyer était 30% moins cher qu’aujourd’hui.

Lorsque vous évoquez la banlieue vous pensez à quelle zone plus précisément ?
Pour trouver des loyers moins chers, je pense à la deuxième couronne. De toute façon, à Boulogne, Neuilly, Levallois, qui sont des banlieues un peu bourgeoises, les loyers c’est comme à Paris. A Saint-Ouen ou Clichy, c’est un peu moins cher.

Existe-t-il des différences d’évolutions des loyers selon les arrondissements ces derniers mois ?
On peut dire que les arrondissements qui sont toujours très convoités, le ‘bon’ 17ème, le 16ème, les arrondissements du centre de Paris, restent très chers, et même le 14ème, le 13ème, le 12ème et le 11ème restent chers. Pour le 19ème, le 20ème et la ‘mauvaise’ partie du 18ème, les loyers baissent un peu, mais ça reste cher. Le bas du 16ème arrondissement, qui n’est pas tellement accessible en transports, baisse également.

Cette année (période traditionnellement active entre août et octobre), les locataires sont-ils au rendez-vous ou avez-vous constaté une activité moins importante du fait du contexte économique morose ?
Au contraire, en août, on n’a pas arrêté de travailler et on n’a jamais autant loué. Pourquoi, parce que les ventes en revanche ne marchant pas, les gens qui se destinaient d’abord à acheter un appartement, mais les banques ne prêtant pas, se rabattent sur la location, ce qui constitue pour nous un afflux de personnes. Les prix à l’achat n’ont pas forcément beaucoup baissé dans les beaux quartiers. En corrélation, il y a également moins de produits à vendre donc les gens se rabattent sur la location.

En parallèle, est-ce que les gens qui voulaient vendre ne parviennent pas forcément à vendre et décident de louer leur bien ?
Pas forcément, ils attendent parfois. Certains propriétaires voulaient vendre parce qu’ils comptaient en tirer des fortunes dans le contexte du boom de l’immobilier et ils se rendent compte que c’est fini, donc ils attendent. Cependant, ils ne vont pas forcément mettre leur bien à louer. Les propriétaires ont peur aussi de louer leur bien, peur du loyer impayé…

Pourriez-vous définir un délai moyen pour trouver un locataire à un bien immobilier ?
Il n’y a pas vraiment de délai moyen, c’est variable. On va dire que le délai le plus courant se situe entre une semaine et un mois.

Avez-vous constaté une moins importante mobilité chez les locataires cette année ?
Oui, je trouve que les locataires bougent moins à cause de la crise, et ne bougent que s’ils sont obligés de bouger. Les gens ne donneront pas congé tant qu’ils n’auront pas retrouvé autre chose, par peur de se retrouver à la rue. Ca fait un an que ça dure, ça n’allait déjà pas très bien en septembre de l’année dernière.

Une des catégories nombreuse mais en difficulté face à la location reste celle des jeunes travailleurs et des étudiants. Cette catégorie constitue-t-elle une part importante des candidats à la location qui contactent votre cabinet ?
De façon récurrente, les jeunes représentent une part importante des potentiels locataires selon certaines saisons, on les retrouve essentiellement en septembre, octobre et juin. Mais ce n’est pas le cas sur le reste de l’année.

Parmi vos clients propriétaires, y a-t-il beaucoup de réfractaires à l’idée de louer leur bien immobilier à de jeunes locataires du fait d’une situation financière moins stable par exemple (étudiants ou jeunes travailleurs) ?
Tout dépend du dossier et tout dépend de l’appartement. Si vous avez des garants derrière le locataire, les propriétaires loueront leur bien. Selon moi, il faudrait réformer la loi de 1989 qui régit les baux d’habitation en France et qui est très protectrice des locataires. Si les gens ne payent pas, entre novembre et mars on ne peut pas les mettre à la porte, du fait de la période hivernale, ce qui inquiètent les propriétaires. La seule parade c’est de trouver un garant qui paiera le loyer en cas de défaillance de l’étudiant, par exemple, la plupart du temps les garants sont les parents.

Les propriétaires demandent-ils toujours un garant, quelle que soit la situation du locataire ou y-a-t-il des critères ?
La loi Boutin a changé les choses. Avant, on pouvait demander et un garant et une assurance ‘loyers impayés’, maintenant c’est ou l’un ou l’autre. Mais en règle générale, dans les agences, on va toujours demander un garant, une personne physique. C’est plus sûr, car une assurance ‘loyers impayés’ pourrait ne pas fonctionner ou le processus pourrait traîner en longueur, c’est plus aléatoire.

Concernant la demande de garant, si vous gagnez trois fois et demie le montant du loyer, et si vous travaillez depuis deux ans dans la même société, vous pouvez espérer ne pas avoir à fournir de garant. Mais même avec ce type de situation, certains propriétaires vont malgré tout demander des garants.
Les pièces à fournir et les critères pour un dossier sont décidés entre les agences et les propriétaires.

Propos recueillis par Claire Lavarenne

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