Interview de Charles-Henri De Marignan : Analyste chez l'Institut de l'Epargne Immobilière et Foncière

Charles-Henri De Marignan

Analyste chez l'Institut de l'Epargne Immobilière et Foncière

La possibilité d'une baisse dans les prochains mois dépend terriblement de la conjoncture

Publié le 22 Octobre 2009

Quelles sont les particularités du marché immobilier locatif parisien ?
Le marché locatif à Paris est un marché très particulier. Tout d’abord, la France reste un pays très centralisé, par rapport à l’Allemagne ou à l’Espagne. A Paris, il y a donc toujours une demande qui est très importante, notamment une demande étrangère. Paris regroupe aussi une grande partie des facultés, ce qui implique une demande importante pour les petites surfaces à louer. Cela pose toujours un problème de demande trop forte par rapport à l’offre à la rentrée scolaire. Je dirais donc que le marché locatif des petites surfaces se porte plutôt bien car il est en situation de sous-offre par rapport à ce qui existe. Par contre, pour les grands appartements, effectivement il y a une baisse.

Il faut aussi rappeler que Paris ne constitue pas un parc locatif qui augmente. Les constructions neuves de ces derniers temps ont surtout été construites dans le but de bénéficier des mesures de défiscalisation. Or, à Paris, c’est un peu particulier, car les loyers sont toujours au-delà des plafonds qui donnent accès à ces avantages de défiscalisation. A Paris, on n’a pas construit de foncier dans un but d’investissement, ce qui n’a donc pas créé de nouvelles offres de logements.

Paris est également un marché immobilier locatif particulier dans le sens où c’est la ville où il y a la proportion la plus importante de locataires en pourcentage par rapport aux autres départements. Ainsi, à Paris, la part des propriétaires est de 32,6% (44,1% en Petite couronne, 61,8% en Grande couronne).

Quelles différences d’évolution des loyers à Paris sont à noter en fonction des arrondissements, en fonction de la surface des logements, actuellement ?
Selon les chiffres de Clameur, il y a tout de même une baisse de 1% sur les loyers. Mais cette baisse est moins due à une baisse de la demande qu’à une baisse de la solvabilité qui a des limites. La solvabilité pourrait être le seul argument qui pourrait faire baisser les loyers sur Paris. Le problème de solvabilité est quand même résolu pour partie par le fait qu’il y a des nouvelles normes, notamment le PASS-GRL (Garantie des risques locatifs) qui est une garantie assurant le bailleur notamment contre les loyers impayés et les détériorations immobilières.

Ces derniers temps, ce sont surtout les loyers des quartiers populaires qui ont davantage baissé, sur cette dernière année.

Une baisse des loyers à Paris est-elle impossible pour des raisons structurelles ?
A Paris, de manière naturelle, il y a peu de foncier, de terrains constructibles, donc très peu de neuf. La construction est bloquée à Paris depuis des années. On parle toujours de la ZAC (zone d’aménagement concerté) des Batignolles dans le 17 ème arrondissement à Paris,  mais cela reste assez rare par rapport à la demande. Mais dans cette zone, on voit pas mal d’immeubles de logement en construction d’ailleurs.

Dans le contexte de la baisse des loyers en France (1ère baisse en dix ans), prévoyiez-vous une réelle baisse des loyers à Paris, dans les mois voire l’année qui viennent ?
Selon les chiffres de Clameur, la baisse de 0,5% des loyers à Paris, ce n’est pas grand-chose. C’est surtout les zones chers, donc l’Ile-de-France, les zones du Midi, la Provence, mais Paris a quand même ce phénomène de rareté. La possibilité d’une baisse dans les prochains mois dépend terriblement de la conjoncture. Si le pouvoir d’achat et la solvabilité des ménages continuent à baisser, il est certain qu’il y aura un moment de non pouvoir, de non possibilité de loyer. Mais si ce n’est pas le cas, je dirais que les loyers sont à la ‘valeur’, parce que le rapport offre/demande est plutôt à l’avantage de la demande par rapport à celle de l’offre qui reste très rare. Quand vous allez dans une agence, vous avez très peu d’offres à la location, alors qu’il y a pas mal d’offres à la vente.

Concernant, l’Ile-de-France, c’est un parc immobilier beaucoup plus récent qu’à Paris, et on y a beaucoup plus construit. Il y a des zones, notamment au Nord de l’Ile-de-France comme Saint-Denis, où on a beaucoup construit, donc le phénomène de rareté y est bien moins présent.

N’existe-t-il pas des logements vacants à Paris ? En connaissez-vous la proportion ?
Une partie du parc immobilier à Paris est vacante de façon ponctuelle, à savoir les résidences secondaires des étrangers qui souhaitent avoir un pied-à-terre à Paris. Mais, à Paris, les logements vacants dans leur ensemble ne représentent pas une part importante du parc immobilier. Dans la capitale, la part de logements vacants est de 8,3%, de 5,3% en Petite couronne, et de 4,4% en Grande couronne.

Existe-t-il un choix politique à Paris de privilégier la construction dans l’immobilier de bureaux sur l’immobilier d’habitation ?
L’immobilier de bureau demande des normes très particulières et donc, le neuf répondra plus à ces normes. Le logement se fait beaucoup plus facilement dans des logements reconstruits, réhabilités. On peut plus facilement transformer un immeuble ancien en immeuble de logement, par exemple, les normes de faux plafonds n’existant pas. Il y a des règles qui ont été imposées concernant les proportions entre immobilier de bureau et immobilier de logement. Ainsi, pour x logements, on a le droit de construire x bureaux. Ainsi, il faut 2 logements pour un bureau construit.

Dans le cadre de la crise de l’immobilier, existe-t-il des corrélations entre les marchés du locatif et de l’achat, quelles sont-elles ?
Il existe des vases communiquants entre le marché immobilier de l’achat et celui du locatif. A l’heure actuelle, le marché de l’achat est un peu enrayé, ce qui est plus favorable au marché de la location. La crise économique fait que les gens ont plus de mal à franchir le pas de l’achat et préfèrent rester locataires car ils s’engagent moins par rapport au bien immobilier.

Il y a également le phénomène assez récent des vendeurs qui décident de louer leur bien, face aux difficultés qu’ils rencontrent pour le céder. Jusque-là, les vendeurs avaient été très gourmands jusqu’au dernier moment et ne sentaient pas que le marché était vraiment retourné. Ces vendeurs pensaient qu’ils pouvaient tirer des prix très élevés de la vente de leur bien et pouvaient les laisser en annonce dans une agence immobilière éternellement. Depuis quelque temps, on observe pas mal d’appartements qui rentrent sur le marché du locatif ou qui sont tout simplement sur les deux marchés. Mais ce mouvement là ne sera jamais officiel, les agents immobiliers ne vont jamais vous donner des proportions là-dessus car ce n’est pas très vendeur.

Propos recueillis par Claire Lavarenne

nicolas