Interview de Marion Le Morhedec : Responsable de l'expertise inflation

Marion Le Morhedec

Responsable de l'expertise inflation

Les mesures prises par les banques centrales pourraient être inflationnistes à moyen terme

Publié le 29 Juin 2010

Quel est votre scénario sur l'évolution de l'inflation à court et moyen terme ?

Nous avons élaboré plusieurs scénarios, mais d'une manière générale, nous ne sommes pas très inquiets à court terme. Nous prévoyons une inflation de 1,6% cette année dans la zone euro, et probablement un peu plus l'année prochaine. En revanche nous avons plus de craintes à moyen terme, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les politiques monétaires risquent d'être accommodantes encore longtemps, ce qui est de nature inflationniste. Actuellement, aucune banque centrale ne prépare le marché à une remontée des taux. De plus, les mesures quantitatives qui ont été prises par la Réserve Fédérale américaine et la banque d'Angleterre sont également de nature à favoriser l'inflation à moyen terme. La Banque Centrale Européenne essaie de stériliser ses achats d'actifs afin d'empêcher la transmission de ces flux de l'économie monétaire à l'économie réelle et de maintenir un niveau d'inflation faible.

Existe-t-il d'autres canaux de tensions inflationnistes ?
Il existe un autre canal inflationniste qui se matérialise à travers les matières premières. Nous constatons que la demande des pays émergents reste très forte, et notre économie est très sensible au prix des matières premières comme le pétrole. Enfin, à plus long terme, les dépenses environnementales ainsi que l'accent mis sur le développement durable seront source de tensions inflationnistes. De même, le vieillissement de la population est un paramètre à intégrer.
Les dernières années ont été des années de désinflation. Si on décompose entre biens et services, on s'aperçoit que les biens ont été très déflationnistes notamment parce que les pays développés ont beaucoup importé des pays émergents. Or, aujourd'hui, les devises des pays émergents s'apprécient et le coût du travail augmente notamment en Chine. Ainsi, la tendance déflationniste sur les biens de consommation se dissipe peu à peu.


L'inflation pourra-t-elle aider à la reprise économique ?

Il faut plutôt regarder l'inflation comme une conséquence de la reprise économique plus qu'une cause. Pour autant, il faut admettre que dans un contexte inflationniste, le coût lié à la dette d'un état diminue mécaniquement. Sur le pan du secteur privé, les entreprises pourront, dans un contexte de hausse des prix, augmenter leurs marges et se remettre à investir. L'inflation est donc plutôt positive tant qu'elle reste à un niveau modéré et dès lors qu'elle accompagne la croissance économique d'un pays.

L'inflation ne va-t-elle pas dégrader notre compétitivité ?

Au contraire, Il faut regarder les différentiels d'inflation davantage que le niveau absolu. Pour le moment, l'inflation est plus forte dans les pays émergents qu'en Europe. Par conséquent, les coûts de production vont augmenter dans les pays émergents réduisant naturellement l'écart de compétitivité. Notre compétitivité n'est donc pas menacée dès lors que les taux de changes restent stables.

Propos recueillis par Nabil Bourassi

Nabil Bourassi