Interview de Mathilde Lemoine : Directeur des Etudes Economique et de la Stratégie Marchés de HSBC France

Mathilde Lemoine

Directeur des Etudes Economique et de la Stratégie Marchés de HSBC France

Vers une stabilisation du marché immobilier français en 2011

Publié le 23 Novembre 2010

Vous venez récemment de publier votre étude sur le marché immobilier français. Votre thèse principale réside alors dans une consolidation de ce marché en 2011. Pourquoi ?
Les prix ne se sont pas suffisamment ajustés à la baisse alors que nous sortons d’une bulle immobilière qui avait entraîné un doublement des prix sur dix ans.
La crise a bien sûr engendré une chute brutale des transactions et des prix mais les subventions publiques et la baisse record des taux d’emprunt immobilier ont permis un redémarrage du marché immobilier français alors même que les prix dans l’ancien n’ont reculé que de -7.1% en 2009. Parallèlement les inquiétudes sur le marché des obligations et le marché des actions se sont renforcées, ce qui a conduit les investisseurs à s’orienter vers les actifs immobiliers.
En conséquence, les ventes ont rebondi et stoppé l’ajustement des prix. Au deuxième trimestre 2010 les ventes de logements neufs n’étaient plus que de 2% inférieures à celles d’avant crise, c'est-à-dire à celles observées entre 2004 et 2007. Et après être remontés de 8% depuis le premier trimestre 2009, les prix des logements neufs sont désormais 5% supérieurs à leur niveau du troisième trimestre 2007.

Dans l’ancien, le redémarrage des ventes et des prix a été semblable mais moins marqué. Au deuxième trimestre 2010, les transactions étaient encore 15% inférieures à leur nombre d’avant crise et les prix 4% inférieurs à leur niveau d’avant crise.

Il est fort possible que les prix poursuivent leur ascension tant que les taux d’emprunt restent si bas. Mais cela risque d’engendrer au final une nouvelle dégradation de la capacité d’achat des ménages et la sortie de certains ménages du marché des primo-accédants.

Au-delà de la dégradation de la capacité d’achat des ménages, quels sont les autres grands risques qui pèsent sur le marché actuellement ?
Le marché immobilier est très sensible aux taux d’intérêt. Tout ce qui peut avoir une influence sur l’évolution du taux d’intérêt a alors une très grande importance. Aujourd’hui la politique monétaire de la Réserve Fédérale est essentielle pour le marché immobilier français comme la crise des dettes souveraines en Europe.

Comment voyez-vous évoluer ces taux ?
Nous envisageons encore une légère baisse des taux d‘intérêt et donc d’emprunt d’ici fin 2011, qui pourrait être suivie d’une stabilisation puis d’une remontée progressive en 2012.

De quelle manière s’inscrit l’état du marché immobilier français par rapport aux autres grands marchés immobiliers européens ou par rapport au marché immobilier américain ?
Le marché immobilier américain est totalement paralysé parce que les ménages sont dans un processus de désendettement. Par conséquent la politique monétaire a peu d’effet sur la stimulation à l’achat.
Du côté français, les ménages sont moins endettés. Leur taux d’endettement représentait seulement 76.6% de leur revenu disponible en 2010. Le taux d’épargne se situe aux alentours de 16%. Ils ont alors une plus grande capacité à revenir sur le marché. Ce qui explique que la politique monétaire fonctionne mieux. Il en est de même au Royaume Uni, où la crise immobilière a pu être enrayée par les différentes actions prises par la Banque d’Angleterre. Les allemands sont dans une situation très différente puisque les Gouvernements ont privilégié la location à l’achat. Enfin, en Italie, le marché redémarre mais moins fortement car la politique publique de soutien à l’achat est moins importante.

Propos recueillis par Imen Hazgui