Interview de Thomas  Julien : Economiste spécialisé sur les Etats-Unis chez Natixis

Thomas Julien

Economiste spécialisé sur les Etats-Unis chez Natixis

Scandale des saisies immobilières aux Etats-Unis : nous n'envisageons pas de répercussion significative sur le secteur bancaire

Publié le 03 Février 2011

Quel regard portez-vous sur ce que l’on surnommé le ‘Foreclosure Gate’ aux Etats-Unis ou scandale des saisies immobilières ?
Les troubles liés aux procédures des saisies sont probablement dues à une volonté des banques d’assainir le plus rapidement possible leur bilan. Toutefois, l’ampleur du problème est à relativiser, puisque peu de temps après l’annonce du moratoire, certaines banques ont annoncé la réouverture de nombreux dossiers de saisies et depuis la situation se normalise petit à petit.

Quelle répercussion ce scandale pourrait-il avoir sur les banques ?

La durée des saisies génère un cout d’opportunité pour les établissements qui ne peuvent pas immédiatement récupérer les biens immobiliers pour lesquels les ménages ne remboursent plus leurs crédits hypothécaires. Ainsi le moratoire sur les saisies n’a fait qu’amplifier la durée des procédures. De plus, il semble que les Etats les plus impactés par la crise immobilière soient ceux pour lesquels les procédures juridiques sont les plus longues.
Cependant nous n’envisageons pas de répercussion significative sur le secteur bancaire. En effet, ce sont majoritairement les grandes banques disposant actuellement d’une bonne santé financière qui sont le plus exposées à ce secteur (16 à 17% du bilan). Ainsi, au final, cet épisode de gèle temporaire des saisies ne fait que ralentir un processus inéluctable et les saisies devraient rester importante au cours des années 2011 2012.

L’état dégradé du marché immobilier est toujours un facteur freinant la reprise ?

En corolaire du nombre élevé des saisies, le marché immobilier aux Etats-Unis reste dégradé et constitue un facteur freinant la reprise du pays. En effet les ménages se situent actuellement dans un long processus de désendettement. De plus, le niveau élevé du chômage et l’effet de richesse immobilier négatif (effet induit par la diminution de la valeur des maisons possédées) pèsent sur la demande de crédits hypothécaires des ménages. Par ailleurs, 22,5% des propriétaires résidentiels sont dans une situation « d’equity » négative (situation dans laquelle le montant du prêts à rembourser est supérieur à la valeur du bien immobilier), soit 10,8 millions d’américains selon le cabinet d’analyse CoreLogic.
Or, empiriquement on observe que les agents ayant subit une forte décote de leur bien immobilier sont plus susceptibles de recourir au défaut stratégique. Ce défaut stratégique consiste pour les ménages américains à stopper leurs remboursements et à laisser (volontairement) la banque en charge du crédit procéder à la saisie de leur logement. Selon le Pew Research Center (« Walking away », septembre 2010), 19% des ménages jugent cette démarche acceptable, et 17% estiment que cela dépend des circonstances.

Qui plus est, côté offre, l’enquête menée par la Fed sur les conditions d’octroie de crédits, signale que les banques sont toujours réticentes à accorder des prêts hypothécaires. Au final, l’importance des stocks de maisons existantes constamment alimenté par les saisies devrait continuer de peser sur les prix immobiliers en 2011 et 2012. Ainsi, nous attendons une reprise extrêmement graduelle du secteur soutenu principalement par des facteurs démographiques.

Propos recueillis par Imen Hazgui