Interview de Frédéric Tempel : Gérant Immobilier coté au sein d'AXA Investment Managers

Frédéric Tempel

Gérant Immobilier coté au sein d'AXA Investment Managers

Immobilier coté : des risques de pertes importantes pour les banques

Publié le 02 Mai 2011

Quel regard portez-vous sur le secteur de l’immobilier coté actuellement?
Le marché se situe à un niveau d’équilibre par rapport à la phase de cycle actuelle. Nous avons passé le point de nettoyage. Les excès ont été effacés. 99% des foncières qui étaient contraintes de se recapitaliser l’ont fait avec succès.

Quels sont les principaux risques qui pèsent actuellement sur le secteur?
Les banques ont octroyés beaucoup de prêts pendant la période d’euphorie 2005-début 2007 à des conditions relativement favorables. La crise étant passée par là, les banques se sont retrouvées avec des actifs à risque qui ont du mal à être refinancés.
Le bâtiment Cœur Défense en est un parfait exemple. Ce bâtiment avait été vendu à un prix sommet de 2 milliards d’euros quand le marché allait bien. L’acquisition a été financée à hauteur de 1,8 milliards d’euros par de la dette. Aujourd’hui la valeur de marché du bien est estimée à un peu plus d’un milliard d’euros, soit à un montant inférieur à la dette qui a été contractée.
Cette situation compliquée est typique des situations qui ont pu se créer à la suite de la crise financière.

Ces situations peuvent entrainer des risques de pertes importantes pour les banques. Dans le cas où les crédits ne seraient pas entièrement remboursés, et que la mise en vente des actifs ne permettrait pas de rembourser intégralement le montant du prêt souscrit, les banques se retrouveraient avec des pertes à passer. Cela pourrait avoir pour effet un resserrement, voire une fermeture du robinet du crédit, avec de ce fait des difficultés de refinancement pour les foncières.

Quelles pourrait l’ampleur des dégâts?
Il est difficile d’évaluer à ce jour les éventuelles conséquences de ces situations. Si l’on peut avoir une idée du montant des dettes contractées pour financer les actifs pendant le haut de cycle, pour autant il est complexe de déterminer avec précision quels sont les actifs qui ont été mis à mal, et quelle est l’ampleur de ce mal. Cela dépendra notamment de l’importance de la demande locative et de l’évolution des taux d’intérêt.

Deux autres risques principaux planent sur les foncières ?
Tout d’abord celui d’une remontée brutale des taux d’intérêt qui conduirait à renchérir le refinancement des foncières. Par ailleurs, un retour en récession qui pourrait conduire à un ajustement à la baisse des loyers de manière à permettre la poursuite des mises en location.

Ces risques sont actuellement intégrés par le marché...
La prime de risque, autrement dit l’écart entre le rendement des dividendes versés par les foncières et les rendements des obligations d’Etat est élevée. Elle se situe autour de 200-300 points de base. Pendant la période 2005-2007, cette prime était négative. La normale se situe autour de 100 à 200 points de base.

Quel potentiel de performance escomptez-vous pour le secteur?
Avec un scénario central d’une montée des taux d’intérêt aux alentours de 3,5-4,5%, une croissance suffisante pour permettre aux loyers d’évoluer à la hausse de 5%, nous escomptons une appréciation de la valeur de l’actif net d’environ 2-3% en tendance pour les prochaines années. Si l’on ajoute le rendement des dividendes versés qui est d’environ 5%, nous arrivons avec un rendement total offert par les actions des sociétés foncières d’environ 8% en tendance.

Au-delà d’une analyse top down, donc purement macroéconomique, vous avez une analyse stock picking. Cette analyse est guidée par six thématiques dominantes. Pourriez-vous nous en dire davantage?
La première thématique concerne les sociétés entrepreneuriales dans lesquelles le PDG est l’actionnaire principal.

Une autre thématique intéressante réside dans la croissance de l’actif net revalorisé, en particulier pour les bureaux localisés à Londres et à Paris.

Une troisième thématique concerne les OPA. Deux annonces ont été faites ces dernières semaines. Vastned Offices a été rachetée par Nieuwe Steen Investments. Par ailleurs, Prologis Europe a reçu une offre publique de rachat par sa maison mère.

Dans la même logique que les OPA, les introductions en bourse constituent une thématique très intéressante. Il y a quinze jours, GSW Immo, une entreprise allemande localisée à Berlin a décidé de faire son entrée sur la bourse allemande. C’est la première introduction depuis longtemps.
Très récemment, a été beaucoup discutée la cotation de Carrefour Property, la filiale immobilière du groupe Carrefour.

Le calendrier de ces OPA et IPO est difficile à fixer. Ce qui est certain c’est que nous devrions voir davantage d’opérations de cette nature se dérouler au cours des prochains mois.

Une autre thématique est liée à un changement de stratégie ou de management des foncières qui se sont montrées contre performantes ou décevantes.  Ces sociétés présentent des décotes par rapport à leur ANR. La mise en place d’une stratégie ou d’un management crédibles peut effacer cette décote et même laisser place à une surcote.  Cela a été le cas de plusieurs sociétés allemandes et autrichiennes.
L’une d’entre elles est la société Patrizia.

Une dernière thématique concerne les foncières positionnées dans certains pays d’Europe du Sud. Ces pays sont des pays qui bien qu’affichant une bonne santé financière, ont été assimilées aux autres pays fragiles de la zone euro et attaquées en conséquence.
Je pense notamment à l’Italie qui pour moi est en quelque sorte le meilleur du moins bon. Les foncières IGD et Beni Stabili enregistrent actuellement une décote de 30-40% en raison notamment de la problématique de la dette souveraine italienne. Nous pensons que le marché intègre des risques qui sont excessifs.

Combien de lignes détenez-vous en portefeuille?
Nous avons en moyenne dans nos portefeuilles une cinquantaine de lignes.

Quel est votre horizon d’investissement?
L’immobilier coté n’est pas un secteur de trading. L’horizon d’investissement doit se situer entre 3 et 5 ans.

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Propos recueillis par Imen Hazgui