Interview de Guillaume  Rougier-Brierre : Associé au cabinet international Gide Loyrette Nouel

Guillaume Rougier-Brierre

Associé au cabinet international Gide Loyrette Nouel

La possible cotation sur la Bourse chinoise intéresse particulièrement certaines sociétés cotées du Cac 40

Publié le 07 Juin 2012

Quel regard portez-vous sur les récentes annonces faites par les autorités chinoises en ce qui concerne les réformes financières envisagées dans le pays ?
Ces nombreuses annonces semblent ouvrir des possibilités actuelles ou futures.
Certains sujets paraissent particulièrement intéresser nos clients, parmi lesquels la possible ouverture d’un compartiment international sur la bourse de Shanghai qui permettrait à des sociétés étrangères d’avoir une cotation en Chine. Une telle cotation permettrait d’avoir plus de visibilité en Chine, d’avoir accès à une nouvelle catégorie d’investisseurs ayant un potentiel de placement relativement important, et de lever des fonds en reminbi pour pouvoir se financer à bon compte.

Aussi, certaines grandes sociétés très présentes en Chine ou qui auraient des intérêts avec la Chine souhaiteraient savoir quelle serait la nature au juste de ce compartiment, quelle serait son ampleur, quelles seraient les conditions de cotation, les standards de divulgation d’information.

Nous avons procédé à des consultations de place. Nous sommes allés voir la CSRC (l’Autorité chinoise de régulation des marchés financiers), le SAFE, et leurs homologues français, l’AMF, Paris Europlace ainsi que les banques d’affaires pour tenter de collecter l’ensemble des renseignements disponibles et faire un lobbying intelligent susceptible d’influencer a minima l’évolution du cadre juridique dans le bon sens.

Si nous connaissons les grandes lignes générales, nous n’avons pas encore de texte disponible. Or des précisions étaient attendues fin 2011 ?

Ce retard s’explique par différentes raisons. En premier lieu, il y a eu un changement de personne à la tête de l’Autorité de régulation qui a quelque peu ralenti la mise en œuvre des réformes décidés.
Qui plus est, la perspective de la mise en place de ce compartiment a conduit à de la spéculation sur les bourses de Shanghai et de Shenzhen en fin d’année provoquant une forte correction des actions chinoises locales.

Pensez-vous que le chantier sera bouclé cette année ?

Je ne m’attends pas à ce que ce compartiment soit mis en place en 2012. Les autorités chinoises y travailleront certainement cette année. Cependant la cotation des sociétés étrangères ne pourrait vraisemblablement se faire qu’à partir de l’année prochaine, au mieux.
A présent, les chinois sont pragmatiques. Si les circonstances s y prêtent nous pourrions voir des cotations tests être réalisées plus tôt. Les marchés actions chinois ne se sont pas bien comportés ces derniers temps. Pékin aimerait bien leur insuffler un certain souffle. Cela a d’ailleurs été l’objet de l’extension des quotas d’investissement des opérateurs étrangers. Nous ne nous attendions pas à ce qu’il y ait une augmentation aussi rapide et aussi importante de ces quotas.

D’après vous, les risques liés à ce compartiment international ne sont pas à négliger ?
Lorsque vous cotez des titres sur un marché étranger, la question est de savoir ce que vous cotez précisément. Cotez-vous uniquement des titres ou des certificats représentatifs de ces titres ? Dans un système à l’américaine avec des certificats représentatifs de titres, qui semble être la voie privilégiée par la Chine, il y a un propriétaire facial de ces certificats qui est généralement le dépositaire central.

Cela signifierait que les certificats seraient déposés auprès de China Clear, le dépositaire central de la Bourse de Shanghai qui appartient à l’Etat. Nous aurions donc en théorie une entreprise publique qui porteuse de certificats d’entreprises stratégiquement importantes. Cela pourrait un premier pas vers une nationalisation.

Ce risque n’est pas à négliger. A l’origine la création de ce compartiment a été motivée pour reprendre la main sur les sociétés taïwanaises qui ont une activité importante en Chine continentale.

Au-delà des problématiques liées à l’utilisation des fonds, à leur rapatriement, se posent également.

Quels autres changements de règlementations avancés ces dernières semaines vous ont-t-ils particulièrement marqué ?
Nous avons eu de nouvelles mesures sur les souscriptions et les émissions de titres. Des lignes directrices ont aussi été édictées pour une réforme plus approfondie des introductions en bourse.

Quelle lecture faites-vous de l’accélération observée dans l’annonce de ces réformes?
L’accélération est à mon sens largement motivée par le ralentissement de la croissance chinoise. Le pays a été habitué à un rythme de croissance de deux chiffres. Cette année, la croissance est attendue à 7,5%. Cela demeure un taux de croissance important, mais moins prononcé.
Au-delà, de plus en plus d’opérateurs chinois sortent de Chine. S’est alors développé un marché du reminbi offshore qui appelle une accélération de ces réformes financières.

Ceci étant, il y a lieu de relativiser. L’impression d’une accélération est donnée par le fait qu’auparavant les réformes étaient prises très ponctuellement. Nous sommes davantage au début du processus de transformation financière de la Chine qu’à la fin. Nous sommes encore loin d’avoir une totale convertibilité du yuan ou une libéralisation complète des flux de capitaux. La Chine veut encore conserver les choses sous contrôle.

Tablez-vous sur une poursuite du rythme soutenu de ces réformes ?

Nous sommes dans une année de renouvellement du gouvernement. Cela aura forcément des effets sur le rythme des réformes.

Sur quels sujets en particulier devraient porter les prochaines réformes ?

Les sujets structurants principaux seront l’ouverture du marché, la convertibilité du yuan onshore en yuan offshore et du yuan onshore en devise étrangère.




Propos recueillis par Imen Hazgui