Interview de Xinghang  Li : Gérant actions chinoises chez OFI Asset Management

Xinghang Li

Gérant actions chinoises chez OFI Asset Management

Chine, nous avons vraisemblablement connu le point bas de la croissance au deuxième trimestre

Publié le 11 Septembre 2012

Si la Banque centrale a massivement réagi pour venir en aide à l’économie nationale, il manque toujours les mesures de stimulus budgétaires. Plusieurs projets de construction ont été récemment annoncés d’une valeur de 1 000 milliards de yuans. Pour de nombreux observateurs, ces mesures arrivent tardivement et surtout sont insuffisantes. Qu’en pensez-vous ?
Une passation des pouvoirs est prévue dans le pays pour octobre-novembre. Le président Hu Jintao et le premier ministre Wen Jiabao doivent être remplacés. Cette transition politique créée de nombreuses incertitudes.
S’il y a certaine clarté sur les membres qui constitueront le comité permanente du parti communiste, l’on ne connait pas le timing exact de la mise en place de du nouveau gouvernement et surtout, on ne sait pas quelle seront au juste les premières décisions qui seront prises.

C’est pourquoi le lancement des projets d’investissement d’envergure a quelque peu été suspendu.

Une fois la passation des pouvoirs effectuées, pensez-vous que les autorités pourraient déployer un plan massif à l’instar de celui envisagé en 2009 ?

Pour le moment, le gouvernement est réticent à déployer un tel plan de relance d’envergure car pour le moment le chômage n’a pas fortement progressé. Les choses devraient évoluer car le chômage est un indicateur retardé par rapport au PIB.

Certains s’attendent à voir le gouvernement aider les sociétés exportatrices chinoises en allégeant leur fiscalité. Qu’en pensez-vous ?

Ces mesures ne me semblent peu efficaces. Si la Chine agit, elle ne le fera pas dans le secteur des exportations qui est en déclin.
En premier lieu, à ce jour, les exportations contribuent à hauteur de 0% de la croissance.
En outre, compte tenu du ralentissement généralisé des économies américaine et européenne, j’ai du mal à voir de quelle manière ces mesures parviendront à relancer les exportations.
Enfin, depuis quatre ans, Pékin affiche davantage une volonté de réorienter ses industries destinées à l’export vers les industries tirées par la consommation intérieure.

Pourtant les annonces de hauts responsables sont allées dans ce sens ?

Cela reste avant tout des annonces politiques.

Vous attendez-vous à une intervention plus prononcée de la Banque centrale ?
Nous pourrions tout à fait observer à la fois une baisse du taux directeur et des taux de réserves obligatoires dans la mesure où ces taux se situent à un niveau élevé. Le taux directeur a été établi à 6%. Le taux de réserves obligatoires s’élève, quant à lui, à 20%.

Ceci étant, il n’y a pas d’urgence à agir. D’une part, les effets de la politique monétaire mettent du temps à se traduire concrètement dans les faits. Les deux baisses du taux directeur des mois de juin et juillet n’ont pas encore eu le temps de diffuser tous leurs effets.
Ensuite, la Banque centrale a eu tendance à injecter abondamment de la liquidité par les opérations de reverse repo. Il n’y a pas forcément besoin de baisser les taux.

Qui plus est, une politique d’austérité est menée par le gouvernement sur le marché de l’immobilier en vue de maîtriser la variation des prix. Or la dernière baisse des taux s’est traduite par une forte hausse du volume des transactions dans l’immobilier et de ce fait d’une légère hausse des prix. Le gouvernement ne veut pas donner d’autres signes à l’achat.

A quelle évolution de la croissance vous attendez vous ?
Nous avons vraisemblablement connu le point bas de la croissance au deuxième trimestre.
Néanmoins, nous ne nous attendons pas à une embellie de la croissance au troisième trimestre. Entre juillet et fin 2012, la croissance devrait se situer entre 7 et 7,5%.

Quel regard portez-vous sur l’état du marché actions qui se situe à ses plus bas niveaux depuis vingt ans ?

La baisse continue du marché ne nous satisfait pas : -5% en juin, -5% en juillet, -5% en août…

Cependant cette baisse est explicable. Le facteur explicatif le plus important de cet état des marchés actions est lié au changement politique fortement attendu. Les investisseurs sont attentistes.

Il y a aussi un facteur lié à la liquidité. En effet, les compagnies d’assurances et fonds de retraite locaux devraient se porter acquéreuses d’actions dès lors qu’elles investissent à long terme. Des réflexions sont en cours pour augmenter le quota de ces acteurs les autorisant à acheter des actions chinoises locales. Ces réflexions ont été suspendues par la transition politique en cours.

Si les quotas ont été rehaussés pour les investisseurs étrangers, ces derniers ont six mois pour lever des fonds.

80% du marché est retail. Les investisseurs ont un comportement moutonnier.

D’après vous le changement politique pourrait être un véritable déclic pour le rebond du marché ?

La performance du marché est totalement décorrélée des fondamentaux de croissance.
Dans une économie qui croit de 7-8% par an, avec 2% d’inflation, avec une baisse des coûts liés aux matières premières en perspective, avoir un marché qui ne créée pas de la valeur n’a pas de sens.
2003-2005, le marché avait baissé de 50% alors que la croissance était de 10%. En 2006, soudainement, le marché a progressé de 180%.

D’aucuns pensent que les autorités chinoises ont un intérêt à ce que les actions demeurent à un niveau relativement faible ?
Il est vrai qu’il y a un souci à développer davantage le marché obligataire. Cependant, considérer que les autorités ont un intérêt à ce que le marché actions reste à un niveau faible, cela n’a pas de sens.
La Chine va certainement devoir passer par une phase de privatisation pour remédier aux problèmes de management, de gouvernance.
Si l’Etat veut revendre une entreprise sur laquelle il est actionnaire majoritaire, il est dans son intérêt que les actions de cette entreprise cotent davantage.

D’ailleurs, les autorités ne peuvent pas manipuler les cours des titres des entreprises d’Etat cotées à l’international, à Hong Kong ou aux Etats-Unis.

L’inaction des autorités pour booster le marché actions s’expliquerait également par une volonté stratégique d’encourager les investisseurs institutionnels chinois à délaisser les actions chinoises et à davantage se porter acquéreurs des actions étrangères… Qu’en pensez-vous ?

Pékin n’encourage pas les entreprises chinoises à acheter des actifs étrangers cotés en bourse, mais des actifs réels pour éviter la volatilité des marchés.

Quelle est votre allocation d’actifs du moment ?
Nous sommes 100% investis. Nous n’avons aucune valeur liée aux exportations. Nous sommes surtout exposés aux entreprises liées à la consommation. Nous sommes aussi sur les fabricants de machineries de construction, les constructeurs et équipementiers automobiles, les sociétés d’infrastructures.
La passation des pouvoirs pourrait devenir un déclic.
Le marché est quasiment plus bas qu’en 2008 alors que nous ne sommes pas du tout dans la même configuration. Il est fort possible que le marché rallye de 10% à 15%.

Mon horizon d’investissement n’est pas courtermiste. J’assume la volatilité à court terme.

Propos recueillis par Imen Hazgui