Interview de Sean Hurst : Responsable des stratégies de rendement absolu sur fonds fermés chez Axiom

Sean Hurst

Responsable des stratégies de rendement absolu sur fonds fermés chez Axiom

Les fonds fermés, une classe d'actifs de 400 milliards de dollars source de nombreuses opportunités

Publié le 11 Décembre 2012

Vous avez ouvert il n’y a pas si longtemps le premier fonds UCIT spécialisé dans l’arbitrage de fonds fermés…
L’arbitrage de fonds fermés est une niche technique initialement développé au sein des banques notamment pour leur compte propre.
En raison des nouvelles normes imposées par Bâle III, cette stratégie ne peut plus être poursuivie de manière soutenue, la consommation de fonds propres la rendant anti économique. Nous avons voulu saisir l’opportunité du retrait des banques pour nous positionner.

Vous avez souhaité transposer dans un format de gestion simple, le format UCIT, une stratégie qui semble de prime abord compliquée. Pourquoi ?
Le format UCIT impose des conditions plus strictes en termes de transparence et de liquidité. Il permet ainsi d’avoir accès à un bassin d’investisseurs beaucoup plus large.

La classe d’actifs des fonds fermés représente environ 400 milliards de dollars répartis dans environ 1200 fonds…
Absolument. Historiquement, le premier fonds fermé a été lancé en 1868 afin de construire les chemins de fer aux Etats-Unis. L’idée était d’avoir un montant de capital fixe et de permettre ainsi au gérant d’investir sur le long terme. Le principe était que les investisseurs ne pouvaient pas procéder à des souscriptions et à des rachats à n’importe quel moment de la vie du fonds.
Les fonds fermés sont aujourd’hui investis dans toutes les classes d’actifs : actions, obligations, matières premières, immobilier...

A-t-on eu en raison de la crise une multiplication de ces fonds ?
Nous pouvons le dire en effet. Au-delà d’une multiplication, nous avons surtout eu un succès de ces fonds.
Cette année, les fonds fermés britanniques sont parvenus à collecter 3 milliards de dollars. Les fonds fermés américains ont quant à eux réussi à lever 7 milliards de dollars.

Quelles sont les tendances qui se dessinent sur le plan de la création des fonds ?
Surtout de fonds investis dans les valeurs à dividendes (4 à 5%) et les obligations à haut rendement.

Quelle est la durée moyenne de vie des fonds fermés ?
Le fonds lancé il y a 150 ans existe encore. Il n’y a pas réellement d’échéance pour les fonds fermés. Souvent il y a un vote des investisseurs pour poursuivre la durée du fonds.

Quelle est l’importance de votre univers d’investissement ?
En retirant les fonds de private équité et les fonds immobiliers, notre univers compte 880 fonds. En temps réel nous surveillons 700 fonds. C e sont uniquement des fonds cotés.

Quelle est la performance moyenne et la volatilité moyenne de ces 700 fonds ?
Notre stratégie est une stratégie de rendement absolu. Autrement dit, nous nous engageons à délivrer une certaine performance indépendamment du sens des marchés.
La performance relative des fonds fermés n’est pas un paramètre dont nous tenons compte. Les deux éléments qui importent sont la volatilité de la décote d’une part et la possibilité de trouver une bonne couverture d’autre part.

La volatilité des marchés est un atout pour votre stratégie ?
La volatilité des marchés nous rend service car elle implique une volatilité des décotes et nous donne ainsi davantage de choix d’arbitrage.

L’achat d’un fonds fermé s’accompagne systématiquement de la couverture de ce fonds ?
Nous avons une couverture individuelle pour chaque fonds fermé afin de rester neutre par rapport au marché. Cela nous permet de bien distinguer le gain découlant de la volatilité de la décote de celle découlant de la corrélation au marché.

La non exposition au marché s’explique-t-elle par la configuration actuelle du marché et les incertitudes qui existent ?
Non. Cette stratégie sera à tout moment neutre par rapport au marché. Il n’est pas exclu, à présent, qu’en 2014-2015, si la situation s’améliore et que la visibilité est meilleure, que nous développions une autre stratégie d’arbitrage des fonds fermés avec un biais sur le marché.

Quels sont les principaux instruments de couverture que vous utilisez ?
Essentiellement des contrats futures. Nous sommes limités dans l’utilisation des ETF à hauteur de 10%.
Il doit y avoir une bonne relation entre les fonds fermés et les instruments de couvertures utilisés. La liquidité de la couverture est primordiale.

Vous examinez de près la composition de l’actionnariat du fonds : actionnaires privés, institutionnels, corporate. Pourquoi ?
Beaucoup d’investisseurs privés s’intéressent à la composition du fonds sans se soucier de la décote. Ils ont alors tendance à payer une prime. De ce fait nous donnons préférence aux fonds dont l’actionnariat est privé.
Fin 2007, des fonds indiens et russes affichaient une prime de 20%. Les fonds commercialisés par Pimco et gérés par Bill Gross traitent avec une prime de 50%.

De combien de lignes se compose votre fonds de fonds ?
Historiquement le portefeuille a entre 30 et 40 stratégies différentes. A ce jour nous avons 15 stratégies. Toutes les stratégies sont actions. C’est là que réside les meilleures opportunités.

Quelle est la spécialisation des fonds sur lesquels vous êtes positionnés ?
Certaines de ces stratégies sont exposées sur les actions internationales, d’autres sur les actions américaines, d’autre sur les actions japonaises…

Votre stratégie se veut être très réactive ?
Il peut nous arriver d’acheter et de vendre au bout de trois jours. La durée moyenne de détention est de 2 mois.

Vous pouvez être vendeur et acheteur sur un fonds ?

Il peut nous arriver d’être longs sur des fonds et shorts sur d’autres fonds. Cela dépend de l’appréciation que l’on fait de la décote.
Si la décote nous semble trop élevée et que nous pensons que celle-ci va baisser alors nous sommes vendeurs du fonds. A l’inverse, si la décote nous parait trop faible et que nous sommes convaincus que celle-ci va remonter alors nous sommes acheteurs du fonds.
Nous avons vendu un fonds appelé Genesis emerging markets qui avait une décote de 3% et acheté un autre fonds Templeton emerging markets qui avait une décote de 8%.
Actuellement nous sommes acheteurs sur 8 fonds fermés et vendeurs sur 7 fonds fermés.
Habituellement nous sommes acheteurs à hauteur de 75% de notre portefeuille et vendeurs sur 25%.

Au-delà du retour à la moyenne de la décote à partir des fondamentaux, il vous est possible de jouer la thématique de la restructuration ou celle de l’activisme actionnarial …
Pour le moment, la seule thématique que nous jouons est celle du retour à la moyenne historique de la décote à partir des fondamentaux.
Certains actionnaires, si la décote est suffisamment importante peuvent décider d’acheter 10-20% d’un fonds et demander la réunion d’une assemblée générale extraordinaire pour proposer que le fonds donne la possibilité aux investisseurs de sortir lorsque la valeur liquidative est atteinte. L’actionnement de cet activisme peut influer l’évolution de la décote.

La restructuration est la décision prise par la direction du fonds à partir de paramètres extérieur de liquider le fonds ou de le transformer en fonds ouvert.

A quels types d’investisseurs vous adressez-vous ?

Le ticket d’entrée est de 1000 euros. Nous nous adressons davantage aux investisseurs professionnels. Il est difficile d’expliquer la stratégie aux investisseurs particuliers.
Le fonds a 5 millions d’encours aujourd’hui. L’idée est d’aller jusqu’à 100 millions d’ici 6 à 7 mois. Nous recevons des souscriptions chaque semaine.

Comment expliquez-vous cette limite des 100 millions ?
Par la profondeur de la classe d’actifs. Aller plus loin rendra le pilotage du fonds plus compliqué. En 2005-2007, certains gérants ont eu tendance à agrandir leur fonds à 500-700 millions. Ils ont du faire évoluer leur stratégie, sont devenus des gérants long only plutôt que de purs stratégistes «market neutral». Ils ont eu une mauvaise couverture. Lorsque la crise est survenue, ils ont perdu entre 50 et 60? la liquidité. Parallèlement nous n’avons perdu que 3% de notre liquidité.
Parce qu’il n’y a pas de «market timing», notre stratégie est faite pour traverser les périodes de turbulence.

Propos recueillis par Imen Hazgui