Interview de Laurent Viegnes : Partner TNP Consultants

Laurent Viegnes

Partner TNP Consultants

Une opération de transparence sans précédent sur les marchés financiers

Publié le 15 Juillet 2013

Les discussions internationales sur la régulation du système financier ont débouché sur un nouveau concept : le Legal Entity Identifier (LEI). De quoi s’agit-il ?

L’idée du LEI est simple : il s’agit d’attribuer à chaque établissement financier, et plus largement à toute personne morale susceptible d’intervenir dans une transaction financière, un identifiant mondial afin de faciliter la traçabilité des opérations et le reporting aux régulateurs. Cet identifiant, qui prendra la forme d’un code à 20 caractères, donnera accès à toutes les informations sur l’entreprise : son nom, son adresse, sa date de création mais aussi ses liens avec d’autres sociétés (filiale, maison-mère, etc). C’est un élément très important car dans le système actuel, beaucoup de filiales de grandes groupes opèrent de manière indépendante. Il est très difficile d’établir les liens éventuels entre différents acteurs, et d’évaluer le niveau de risque d’un groupe dans son ensemble.

A quoi cela va-t-il servir concrètement ?


Le LEI est d’abord un instrument au service des grands établissements financiers afin qu’ils puissent mieux gérer le risque. Par exemple, si un établissement A fait une transaction avec deux établissements (B et C) et qu’il ne sait pas qu’ils appartiennent au même groupe, il comptabilisera deux risques de crédit alors qu’en réalité ces deux risques n’en forment qu’un, plus important. A contrario, si vous avez deux positions acheteuse et vendeuse de même montant et même durée auprès de deux filiales d’une même entité, vous pouvez réduire votre exposition au risque.
La différence fondamentale consiste à évoluer d’un modèle ou les données de référence sur les Tiers sont maintenues en interne parfois manuellement vers un modèle plus vertueux basé sur un référentiel Tiers mondial, public et mis à jour par chacun.
Le LEI est également un instrument au service des régulateurs car il permet une traçabilité des échanges. Cela est essentiel pour répondre à la question « qui fait quoi» et « qui détient quoi » sur les marchés financiers. Au moment de la crise des subprimes, personne n’était en mesure de répondre à ces questions. Aujourd’hui encore, on n’a pas la cartographie complète ni les montants croisés des engagements des banques sur les marchés de gré à gré (OTC). Le LEI devrait améliorer la transparence à tous ces niveaux et ce dès la mise en œuvre des obligations de Trade Reporting d’EMIR en fin d’année.

Comment le LEI va-t-il se mettre en place ?

Tout d’abord, il faut souligner que le LEI n’est pas une réglementation en tant que telle mais une initiative soutenue par les principaux régulateurs (Fed, BCE, FSB, etc) et groupes de place. Elle a néanmoins été « embarquée » dans des réglementations récentes comme le Dodd-Frank Act aux Etats-Unis ou la directive EMIR en Europe. Celle-ci prévoit l’obligation pour les banques de déclarer l’ensemble de leurs opérations de « gré à gré » afin d’améliorer le suivi des marchés de dérivés. Pour cela, il faut un identifiant que l’on appelle « pré-LEI ».
Un système d’identification unique est donc en train de se mettre en place. Mais cela nécessite un énorme travail au sein des établissements financiers, qui doivent s’enregistrer ainsi que leurs filiales mais doivent également adapter l’ensemble de leur système d’information. Ce chantier peut prendre, selon la taille des établissements, entre 1 et 5 ans.

Le système repose sur l’adhésion volontaire des établissements. N’y a-t-il pas un risque qu’ils y renoncent face à la complexité de sa mise en oeuvre ?

Cela va leur être très difficile. A partir du moment où des établissements de premier plan s’enregistrent ainsi que leurs filiales – ce qui est déjà le cas pour les plus grandes banques – les autres acteurs vont devoir suivre. Personne ne pourra s’exclure, au risque de ne plus avoir accès aux marchés financiers. C’est toute la force de cette initiative qui englobe tous les acteurs (banques, sociétés de gestion, hedge funds, etc) et toutes les types de transactions financières (réglementées ou non). Bien sûr, la créativité de l’ingénierie financière étant sans limite, il y aura toujours des transactions qui échapperont au système. Mais l’essentiel des échanges, que ce soit sur les marchés actions, sur le marché des devises ou même de gré à gré, seront pris en considération. Ce sera une opération de transparence sans précédent!

Propos recueillis par François Schott