Interview de Nathalie  Renson : Directeur de la gestion chez Primonial Asset Management

Nathalie Renson

Directeur de la gestion chez Primonial Asset Management

Cac, Dax, FTSE, Eurostoxx : nous ne sommes qu'au début du rattrapage des actions européennes

Publié le 13 Novembre 2013

Quel regard portez-vous sur le fort rebond des actions européennes depuis le début de l’année ?
Le parcours tout à fait satisfaisant observé depuis le début de l’année fait suite à un autre parcours tout aussi remarquable en 2012. Le mouvement témoigne d’un certain optimisme de la part des investisseurs alors que les nouvelles étaient particulièrement sombres sur la zone euro que ce soit sur le front macroéconomique ou microéconomique.

Ce décalage vous a-t-il surpris ?
Pas du tout. Nous l’avions prévu. Le marché a une capacité d’anticipation sur les évènements macroéconomiques et microéconomiques souvent sous estimée par certains observateurs. Très clairement, une sortie de crise de l’Europe a été anticipée.

Cette prévision a été validée puisque nous avons pu observer depuis plusieurs mois la publication de nombreux indicateurs positifs.

Nous pensons que nous ne sommes qu’au début du rattrapage des actions européennes compte tenu des forces de rappel qui se mettent en place.

Sur quel scénario économique tablez-vous au sein de la zone euro ?

Le rétablissement devrait se poursuivre mais sera limite. Des problèmes structurels n’ont pas encore été réglés dans de nombreux pays membres. Des réformes doivent encore être mises en oeuvre et en cela un élément d’incertitude important persiste. S’agissant du chômage, il est encore en hausse et constitue ainsi à première vue un signal fortement négatif. Il s’agit d un indicateur retardé et devrait encore rester en progression quelques mois.

Quid de l’évolution de la politique monétaire ?
Dans la mesure où le mandat central de la BCE est de maintenir une inflation proche de 2%, et compte tenu du niveau actuel de l’inflation, le mouvement de remontée des taux ne pourra pas se faire avant longtemps. D’ailleurs, l’institution monétaire vient d’abaisser son taux directeur de refinancement.

Une injection supplémentaire de liquidité pourrait être possible par le biais d’un nouvel LTRO. Je ne pense pas que cela se fera d’ici la fin de l’année.

Qu’est ce qui pourrait permettre aux flux de s’intensifier vers les actions européennes ?
Une nouvelle période de performances boursières attrayantes. Arrivera un moment où les investisseurs retardataires se diront qu’ils devraient également y aller pour participer un tant soit peu au rallye.

Dit autrement, jusque là nous avons surtout vu revenir des investisseurs américains, moyen orientaux et asiatiques. Ce premier flux entrant, qui est un facteur technique de soutien, devrait amener les investisseurs européens à contribuer à la force de revalorisation des actions européennes qui se met en place.

Comment analysez-vous le scepticisme des investisseurs européens ?
Ces investisseurs évoluent dans un environnement quotidien économique assez pessimiste. Ils sont alors enclins à se dire que les bonnes publications de certaines entreprises européennes ne vont pas durer.

Il est nécessaire de prendre un peu de recul. Si l’on se fie aux chiffres et aux messages livrés par les dirigeants, cette critique n’a pas lieu d’être à l’égard des entreprises qui jusqu’ici ont bien résisté à la crise. Ils finiront par le comprendre.

Le risque est alors que le réveil soit tardif ?
Absolument.

En quoi consiste votre allocation d’actifs du moment ?
La part actions dans un portefeuille diversifié est de 59%, avec les deux tiers d’actions européennes. L’Europe représente 55% du portefeuille au total, actions et obligations.

Nous jouons deux moteurs particulièrement. En premier lieu, les valeurs exportatrices. Nous avons des entreprises européennes très robustes qui ont des marques ou des brevets, qui sont sur des secteurs de niche, qui ont le pouvoir de répercuter la hausse des prix sur leurs clients, qui ont des capacités techniques évidentes leur permettant de pouvoir s’affranchir de l’exposition sur le marché européen et de profiter du rebond de l’économie mondiale dans son ensemble, en particulier de la reprise aux Etats-Unis et de la croissance que continuent à afficher certains pays émergents.

Un autre segment sur lequel nous mettons l’accent est lié aux entreprises de petite taille, davantage centrées sur un marché spécifique. Nous avons pu observer depuis plusieurs mois un fort rebond des petites capitalisations du fait principalement de la réduction de la prime de risque. Les investisseurs acceptent de mettre plus de risque dans leur portefeuille pour gagner en rendement. Une manière d’y parvenir est de descendre dans la taille des capitalisations dans lesquelles ils se positionnent à condition d’avoir de bons fondamentaux.

Comment appréciez-vous le risque de change pour les valeurs exportatrices ?
Si l’euro devient trop fort face au dollar et au yen, cela pourra être handicapant pour ces valeurs. Récemment la chancelière allemande Angela Merkel a indiqué qu’une parité euro dollar au delà de 1,40 pourrait devenir problématique pour les entreprises européennes. Nous pourrions alors voir une nouvelle intervention de la BCE.

Sur le plan des investissements, nous serions amenés à être plus sélectifs sur les valeurs.

Un dernier mot ?
Il convient d'être flexible dans sa gestion pour pouvoir profiter sans contrainte des différents potentiels de valorisation sur les marchés, notamment par le biais des obligations convertibles et des obligations à courte maturité.

Propos recueillis par Imen Hazgui