Interview de David  Ganozzi : Gérant allocation d'actifs chez Fidelity Worldwide Investment

David Ganozzi

Gérant allocation d'actifs chez Fidelity Worldwide Investment

Actions européennes : une progression de 10% des bénéfices en 2014 ne m'étonnerait pas

Publié le 05 Décembre 2013

Compte tenu des fondamentaux macroéconomiques en Europe, la question se pose de la solidité de la performance des actions européennes, de près de 20% depuis le début de l’année. Quel est votre avis ?
La performance des actions européennes en 2013 dans la foulée de celle affichée en 2012 est tout d’abord à remettre dans son contexte. Nous partions de points très bas fin 2011 du fait d’une prime de risque très élevée sur fond d’un scénario très pessimiste intégré par les marchés. Par ailleurs, l’environnement global est plus porteur pour les actions, en particulier aux Etats-Unis et a porté les actions européennes.

A présent il est vrai que l’Europe n’a fait qu’émerger de la récession depuis le printemps. De plus, n’ayant pas encore observé une progression des profits en Europe comparable à celle constatée aux Etats-Unis et au Japon, , les anticipations d’amélioration des perspectives de croissance et de hausse des profits en 2014 a beaucoup portée ce mouvement haussier.

Certains s’inquiètent de ne pas voir l’investissement et la consommation repartir franchement dans la région. Partagez-vous cette inquiétude ?
Nous ne voyons pas encore de redémarrage de l’investissement des entreprises et de la consommation des ménages car nous ne sommes qu’au début de la reprise. Il ne s’agit pas encore d’une reprise autoentretenue. Il faut que la confiance soit suffisamment forte pour que nous puissions voir ces deux moteurs se rallumer au vert. Il y a des chances que cela soit le cas en 2014.
En octobre, nous avons connu pour la première fois une très légère baisse du taux de chômage dans la zone euro. Cela témoigne du fait que la reprise est bien là.

Le consensus de progression des bénéfices à 12 mois est de 13%. Qu’en pensez-vous ?

Cela parait quelque peu élevé mais nous avons l’habitude depuis trois ans de connaitre des révisions régulières de ce consensus en cours d’année. A présent, même si la croissance demeure faible dans l’absolu, le fait qu’elle s’avère plus forte par rapport à 2013 se traduira par une hausse des chiffres d’affaires. Compte tenu des efforts fournis par les entreprises européennes en termes de productivité, nous pourrions avoir un effet démultiplicateur significatif sur les marges dans des secteurs très cycliques comme l’automobile. Nous pourrions ainsi avoir un retournement des profits assez spectaculaires, et en tout cas suffisant pour alimenter la poursuite du rebond du marché des actions européennes l’année prochaine.

Au demeurant, il y a lieu de ne pas perdre à l’esprit que les profits de nombreuses entreprises européennes sont générés également ailleurs qu’en Europe, dans des pays qui se portent beaucoup mieux comme les Etats-Unis ou le Japon.

Avez-vous vous-même une prévision d’accroissement des bénéfices en 2014 ?
Nous n’établissons pas de prévision, mais une progression de 10% ne m’étonnerait pas.

Indépendamment des profits, deux autres facteurs sont mis en avant comme pouvant être des catalyseurs du rallye des actions européennes en 2014 : les flux et les fusions-acquisitions. Quel rôle peuvent-ils jouer sur les marchés ?
Ces arguments sont nettement moins puissants dans la considération du soutien de la performance des actions européennes que celui des profits.
Il y a encore du potentiel sur les flux. Le retour des investisseurs s’est fait très prudemment et donc très progressivement. L’exposition aux actifs risqués reste modeste que ce soit chez les investisseurs institutionnels ou particuliers. Nous aurions dû en toute logique avoir des flux plus abondants en 2013. Cela n’a pas été le cas, notamment car les petits épargnants ont été très refroidis par les perturbations sur les marchés actions depuis plus de 10 ans.

Les opérations capitalistiques auraient pu être un paramètre favorable si les niveaux de valorisation continuaient à être très décotés. Or nous ne sommes plus dans une configuration où les industriels ont un besoin ardent d’intervenir pour corriger les cours de bourse.

Parmi les éléments porteurs pour les actions européennes, est également mentionné un surcroit d’assouplissement de la politique monétaire par la Banque centrale européenne. Qu’en pensez-vous ?

Je ne pense pas que nous puissions attendre beaucoup de la BCE. Beaucoup d’efforts ont déjà été faits. Il est toujours possible de rentrer dans des subtilités techniques de taux de rémunération des dépôts des banques européennes en dessous de 0. Toutefois l’impact sur l’économie réelle sera relativement limité. Il ne me semble pas que le stress financier dans la zone euro nécessite pour l’heure une action décisive supplémentaire de la BCE.

En revanche, l’institution monétaire pourrait s’attacher à se distinguer de la Réserve fédérale américaine et faire en sorte qu’une forte remontée des taux obligataires américains ne s’accompagne pas d’une augmentation excessive des taux obligataires européens.

Quel vous semble être à ce stade le principal risque à appréhender pour les actions européennes l’année prochaine ?
L’impératif auquel est confronté la Fed de normaliser sa politique monétaire. Si la Fed venait à mal piloter sa stratégie de sortie, cela pourrait occasionner une poussée violente des taux d’intérêt avec des répercussions négatives sur toutes les autres classes d’actifs, sur les pays émergents déjà très fragilisés et in fine sur l’économie mondiale.
Le risque de déflation ou d’une rechute en récession de la zone euro, à court terme semble limité.

Qu’en est-il de votre allocation d’actifs ?

Dans notre portefeuille patrimonial, avec un profil plutôt prudent et construit de telle manière que les actions peuvent représenter jusqu’à 40%, nous sommes pratiquement à ce niveau actuellement, ce qui suggère une vue relativement optimiste sur les actions.

Sur le plan géographique, nous privilégions, le marché américain pour la solidité de l’économie et le marché japonais en raison des signaux attractifs perçus sur le front monétaire et macroéconomique plutôt que la zone euro.

Concernant les obligations notre exposition est aux alentours de 50%, soit une position plutôt neutre. De même les matières premières représentent près de 10%, dans une optique de diversification.
Nous sommes en revanche assez sous-exposés sur le monétaire qui représente actuellement près de 3% de notre portefeuille.



Propos recueillis par Imen Hazgui