Interview de Philippe  Waechter : Directeur de la Recherche Economique de Natixis Asset Management

Philippe Waechter

Directeur de la Recherche Economique de Natixis Asset Management

La BCE devrait de nouveau augmenter son taux directeur de 0,25% dès juin

Publié le 04 Mai 2011

Quel regard portez-vous sur le niveau d’inflation en zone euro ?
Nous avons observé une augmentation marquée de l’inflation au mois d’avril à 2,8 % sur un an - après 2,7 % en mars. C'est son plus haut niveau depuis octobre 2008. Outre l'Allemagne, qui a affiché une hausse des prix de 2,6 % le mois dernier, l'Italie (avec 3 %) et l'Espagne (3,3 %) ont été les pays de la zone euro les plus touchés.

Une réunion des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) doit se tenir jeudi. A quoi doit-on s’attendre selon vous ?

Cette accélération est préoccupante. Un signal clair doit être donné. Nous devrions de ce fait avoir dès le mois de juin une nouvelle hausse du taux directeur de la BCE dans la logique de la ‘strong vigilance’ de Trichet. Le mouvement devrait être de 25 points de base afin de caler les anticipations des acteurs économiques. Ces derniers doivent reprendre confiance en une conduite de la politique monétaire crédible qui empêchera une propagation de l’inflation globale dans l’économie réelle.

Ce relèvement ne sera-t-il pas pénalisant ?

La perception de plusieurs banquiers centraux européens est que si l’on considère le niveau de l’inflation et le taux directeur, alors nous sommes sur un taux réel négatif. De ce fait, ils considèrent que pour avoir éventuellement un effet ce taux réel doit être au moins à zéro. Il y aura donc encore des mouvements de hausse de la part de la BCE.

A quelle évolution du taux directeur de la BCE vous attendez-vous ?

Nous tablons sur un taux directeur de 1,75% d’ici la fin de l’année et de 2,25% à l'été 2012 pour se rapprocher d’une situation équilibrée. L’inflation en Europe devrait être supérieure à 2,5% cette année.

De quelle manière avez-vous accueilli le discours de Ben Bernanke, gouverneur de la Réserve fédérale américaine, la semaine dernière ?
Je pense que Ben Bernanke dans son appréhension de l’inflation n’est plus très éloigné de Jean-Claude Trichet.
Il est vrai qu’il y a trois mois, la Fed était convaincue que l’influence de la flambée des prix des matières premières dans la remontée de l’inflation globale serait temporaire, et n’avait pas d’inquiétude quant à l’apparition d’éventuels effets de second tour.

Le discours de Bernanke la semaine dernière a quelque peu changé la donne. Le gouverneur de la Fed pense toujours que l’influence de la flambée des prix des matières premières ne sera pas durable mais n’écarte pas cependant tout risque de transmission de cette inflation globale dans l’économie réelle.
En somme, nous pouvons dire que la Fed a changé son fusil d’épaule.

Si dans l’orientation de sa politique monétaire Bernanke se rapproche de Trichet, pour autant en termes de timing nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d’onde...

La Fed va commencer à abandonner l’utilisation des recettes des ABS pour racheter des bons du Trésor cet automne. Nous ne devrions pas voir de remontée du taux directeur de la Fed avant le au printemps ou à l'été 2012.
Le relèvement ne devrait par ailleurs être que de 0,25%. La Fed ne veut pas se précipiter. Elle estime qu’elle n’a pas de raison de le faire mais elle perçoit le besoin de normaliser progressivement sa stratégie monétaire.

Quel niveau d’inflation escomptez-vous pour les Etats-Unis ?

2,4-2,5% fin 2011 et de 2% fin 2012. La stabilisation du prix du baril qui a compté pour près de la moitié de l’inflation au mois de mars militera en ce sens.

Tout scénario d’un quantitative easing 3 est exclu ?

Bernanke l'a exclu a priori. Il faudrait des circonstances particulières pour mettre en place une telle stratégie. Je vois mal par exemple Barack Obama mettre spontanément en place une politique budgétaire très restrictive avant les présidentielles de 2012. Une orientation sera certainement définie mais aucune ou peu de mesures drastiques seront mises en œuvre afin de ne pas casser la dynamique de croissance avar cette échéance.
En conséquence, la Fed n’aura pas de raison de pratiquer un quantitative easing 3.

Propos recueillis par Imen Hazgui