Crise du Covid-19: où investir sur les marchés financiers ?
(Easybourse.com) Après les phases consécutives de forte baisse et de forte hausse constatées ces deux derniers mois, l'avis majoritaire est que nous entrons dans une période moins beta (autrement dit moins directionnelle)...avec une part belle donnée à la sélectivité. En somme, tous les segments de marché présenteraient un aspect attrayant à condition de veiller à procéder à une analyse plus rationnelle sur le profil et le degré de l'activité d'une part et les résultats à venir d'autre part des sociétés.
Sur le terrain des actions, si une certaine neutralité est préconisée sur le court terme, c’est plutôt la surpondération qui l’emporte sur le long terme.
Pour ce qui est de l’allocation géographique, les actions américaines sont préférées à court terme dans une logique tactique. Les secteurs tech, IT et e-commerce, gagnants structurels de la crise sont bien plus représentés aux US. Les cinq plus grandes sociétés tech représentent 20% de l’indice boursier US alors que le secteur tech dans son intégralité ne constitue que 6% de l’indice européen.
Pour ce qui est des actions émergentes, l’Asie du sud-est, notamment avec la Chine, Taiwan et la Corée du sud, sort du lot. Beaucoup considèrent que la Chine est déjà bien avancée dans le processus de normalisation de son économie avec des données encourageantes concernant la production d’électricité et le fret ferroviaire. Le poids important de l’IT et des télécoms dans cette région (environ 21% de la cote) constitue un vent porteur. Alors que les bénéfices sont en hausse, les actions sud est asiatiques traitent avec une décote de 20%. Qui plus est, les positions étaient jusqu’à il y a peu de temps majoritairement vendeuses.
En l’absence d’une nette visibilité sur la suite des événements, l’allocation sectorielle se veut principalement défensive. Les entreprises ayant un bilan solide, des fonds propres importants, des modèles économiques et/ou des capacités technologiques à valeur ajoutée sont largement plébiscitées.
Plus spécifiquement, la technologie (économie digitale, industrie 4.0, data centers, cyber sécurité, infrastructures de communication), la santé, la distribution, les biens de consommation non cycliques ont le vent en poupe. Le ratio cours / bénéfices du secteur tech US se situe autour de 27,0 contre 33,8 pour le secteur tech de la zone euro. Ce lundi 18 mai, les contrats Futures du Nasdaq 100, indice majeur des valeurs technologiques américaines, évoluaient à moins de 6% de son plus haut historique. Désormais, les cinq sociétés affichant la plus grande capitalisation au sein de l'indice S&P 500 représentent plus de 20 % de la capitalisation boursière totale de ce dernier : il s’agit du plus haut niveau constaté depuis la bulle technologique de 2000.
A l’autre bout du spectre, le secteur du tourisme et loisirs, dans lequel l’agence de notation Moody’s anticipe un taux de défaut à un an de 21% aux US et 18% en Europe est grandement désavoué. Le secteur financier (banques et assurance) où le ratio cours sur bénéfices est évalué à 9,8 aux US et 6,9 dans la zone euro ; le secteur pétrolier ; le secteur immobilier ; l’automobile, les produits de base et les médias sont globalement appréhendés avec beaucoup de méfiance.
S’agissant des thématiques, alors que la thématique des dividendes laisse place à beaucoup de scepticisme, celle des fusions-acquisitions suscite beaucoup plus d’enthousiasme. Les projections en ce qui concerne le versement des dividendes sont plutôt ternes étant donné les besoins de trésorerie des sociétés,les baisses anticipées de leurs bénéfices, ainsi que la pression exercée par les gouvernements et l’opinion publique. Dans les estimations les plus positives qui ne prend en compte que les annonces officielles, le niveau des dividendes est présagé en diminution de -15% à 1210 milliards de dollars (- 213 milliards). Les vues plus négatives prenant en considération les cas suspects pronostiquent un repli de 35% à 933 milliards de dollars. Des disparités géographiques et sectorielles sont avancées. L’Amérique du nord où l’effort des entreprises devraient porter sur les rachats d’actions et l’Asie devraient être les moins affectées. L’Europe et le UK devraient être plus gravement touchés. Ainsi, à l’échelle de l’Eurostoxx 50, le montant des versements de dividendes en 2020 devrait être près de 30% inférieur à celui de 2019 (environ 88 milliards d’euros contre presque 125 en 2019). Le Japon devrait se retrouver entre les deux.
Alors que la consommation discrétionnaire, l’aérospatial sont dans le noir ; que le secteur pétrolier et minier, la finance, la construction montrent des signes évidents de vulnérabilité ; les entreprises technologiques, les secteurs défensifs (soins de santé, alimentation), biens de consommation de base (sauf producteurs de boissons) devraient être relativement préservés
La thématique des fusions-acquisitions est davantage à l’esprit des opérateurs dans leur sélection de titres. Après une période d’envolée des prix d’acquisition en 2019 (notamment en Europe), la crise sanitaire a sensiblement affecté les montants en jeu dans le cadre des opérations de M&A. Les derniers chiffres publiés par Refinitiv montrent un recul des prix à 10,7 fois le résultat d’exploitation (Ebitda), contre un multiple de 11,3 fois l’an dernier. En France, par exemple, ce décrochage affaiblit les entreprises et fait planer le risque d’offensives d'investisseurs étrangers sur les grandes sociétés hexagonales.
Les obligations
Le positionnement général sur les obligations se veut neutre à court terme et sous pondéré à moyen terme.
Au sein des obligations souveraines, les emprunts d’Etat américains et allemands, avec des taux à 10 ans à respectivement 0,69% et -0,46% sont recherchés dans une optique de couverture en cas de risque de perturbations exacerbées. En revanche, les rendements sont davantage traqués au sein des obligations des pays périphériques de la zone euro, Italie (2,33%), Espagne (1,27%) et dans une moindre mesure Grèce.
La dette émergente est jugée bien moins intéressante que par le passé que ce soit en devise locale ou devise étrangère.
A l’intérieur des obligations d’entreprises, les obligations d'entreprises européennes de bonne qualité (Investment grade) sont distinguées en raison du fort positionnement de la BCE. De même en est il des obligations d’entreprises européennes à haut rendement dans une portée plus limitée. Outre une intervention à venir de la BCE, ce dernier segment devrait également être soutenu par une vague record de « fallen angels », ces émetteurs Investment-Grade déclassés en High Yield. En termes absolus, cette vague pourrait représenter au moins 150 milliards en Europe sur l’année 2020, soit environ 5% de l'univers investment grade. Depuis le début de l'année, quelque 30 milliards EUR et 3,5 milliards GBP d'obligations sont déjà tombés dans la catégorie des Anges déchus en Europe, soit plus que le total cumulé de 2018 et 2019, ou près de 10% de l'encours de crédit du haut rendement européen. Un tel mouvement pourrait donner lieu à des opportunités d’investissement à travers des primes attrayantes. Une sous-exposition aux secteurs cycliques comme l'automobile, les transports et les industries de base, ainsi qu’une surpondération aux secteurs de la santé et de la technologie sont de mise.
Dans le même registre, les obligations d’entreprises à haut rendement américaines rencontrent un vif engouement notamment en raison de la récente emprise de la Fed dans ce compartiment.
Les matières premières
Dans l’univers des matières premières, l’or joue à plein son rôle sécuritaire. La diminution de la demande en bijoux devrait être largement compensée par l’accroissement de l’investissement des banques centrales. L’once d’or qui s’établissait à 1762,1 dollars ce début de semaine avait gagné 64,8 dollars en l’espace d’une semaine et pourrait s’apprécier de 240 dollars sur l’ensemble de l’année.
Bien que le cours du baril de pétrole ait connu un mouvement baissier sans précédent en avril- le prix du contrat futur du WTI US pour une livraison en mai ayant cloturé à -37.63 dollars un jour avant son expiration le 20 avril- les fondamentaux relatifs à l’offre et à la demande plaident pour un retour durable du pétrole en territoire positif autour des 60 dollars à moyen terme. Les pays de l’OPEP ont pris la décision le 12 avril de réduire sensiblement leur production de 9,7 millions de barils par jour en mai, de 8 millions de barils par jour au second semestre de cette année et de 6 millions de barils de début 2021 jusqu’à avril 2022. Par ailleurs, les couts liés à l’exploitation et au stockage de la matière première devraient également influencer négativement la production émanant des Etats-Unis, du Canada, et du Brésil pour environ 3,8 mbj. La baisse de production aux Etats-Unis où le nombre de plates-formes pétrolières a déjà chuté de 45 % depuis la mi-mars devrait avoisiner les 2 millions de barils par jour. Parallèlement, les pays du G20 ont signalé leur volonté de reconstituer leur stockage de réserves stratégiques au cours des prochains mois, ce qui pourrait représenter quelque 200 mb supplémentaires.
Parmi les métaux industriels, un focus sur le cuivre pourrait s’avérer lucratif en raison de l’intensification de la demande en Chine et des perturbations qui touchent les mines et affectent jusqu’à 15% de l’offre. La demande de cuivre provenant de Chine a augmenté en mars de 25% sur un an, après avoir reculé de 10% en février. Les investissements dans les infrastructures ; la reprise de l’activité dans la construction immobilière ; le lancement de nouveaux projets dans le réseau électrique chinois sont autant de moteurs qui devraient continuer à porter la consommation de cuivre dans le pays.
A lire Papier 1 : Crise du Covid-19 : quelle évolution des marchés financiers ?
Imen Hazgui
Publié le 20 Mai 2020