Les marchés de capitaux réagissent évidemment négativement à une politique qui leur apparait dysfonctionnelle. L’indice S&P 500 de la bourse de New York a terminé la séance de vendredi dernier sur une baisse de 2,6%. Ce matin, les bourses asiatiques sont en net repli, sur fond de réduction des taux longs américains (le rendement d’un titre d’Etat à 10 ans est à 1,45%) et de nouvel accès de faiblesse du yuan par rapport au dollar (l’USD-CNY est à près de 7,15).

Les tensions commerciales sino-américaines sont au cœur de la réaction des marchés. On se souvient de la décision, le 1er août, du Président Trump d’élargir, à compter du 1er septembre, le mécanisme de sur-taxation des importations en provenance de Chine aux quelques 300 milliards de dollars de marchandises non encore concernées (au taux de 10%). En réponse (partielle), Pékin annonce le 6 août l’arrêt des achats de produits agricoles américains. Concomitamment, l’Administration américaine déclare que la Chine « manipule » sa devise ; affirmation qui n’a pourtant rien d’évident. Le 13 août, Washington opère une « marche arrière » partielle, en repoussant au 15 décembre le renchérissement des droits de douane pour une partie des produits concernés. En même temps, la Maison Blanche insiste sur la reprise des discussions entre les deux gouvernements, qui se dérouleraient dans « un bon climat ».

Le marché réagit de la façon attendue : baisse des actions et des taux longs dans un premier temps et hausse dans un second. N’est-on pas face à une logique qu’on commence à comprendre ? Les relations entre les deux pays « marchent en crabe » : un coup, cela se détériore et le suivant, cela s’améliore. Tant et si bien qu’il y a toujours l’espoir que les choses finissent par aller dans la bonne direction. La rationalité économique n’y invite-t-elle pas ? Et puis, les banques centrales sont à nouveau à la manœuvre !

La trêve aura été de courte durée. Le 23 août, la Chine annonce une augmentation des taxes à l’importation sur une palette de produits américains. Le lendemain, Donald Trump fait de même : à partir du 1er octobre, ce qui était surtaxé à 25% le sera à 30% et ce qui l’était à 10% le sera à 15%.

La question, explicite ou implicite, que le marché pose est la suivante : cette dialectique entre les objectifs politiques et économiques peut-elle continuer à fonctionner positivement ? Il est de moins en moins facile de répondre par l’affirmative.

Rappelons la façon dont on a stylisée la position de l’Administration Trump. Prendre appui sur une situation économique favorable pour durcir le ton par rapport à une politique commerciale chinoise considérée comme déloyale. Bien sûr, les mesures prises pèseront négativement sur la croissance américaine. L’action entreprise n’est-elle pas de « longue haleine » ? Mais le point de départ en termes de tempo de l’activité est suffisamment élevé pour que le risque de « perdre quelques plumes » soit accepté. Et puis, si la dégradation se fait plus forte, la politique économique sera sollicitée.

Du côté chinois, l’idée paraît bien être que les « coups de butoir » en provenance de Washington doivent pouvoir être largement neutralisés par une politique de relance. Quitte à revenir en partie sur l’ambition déclarée de mettre davantage l’accent sur les réformes structurelles.

Le risque pointé par le marché est que la confiance des entreprises, des consommateurs et des investisseurs soit ébranlée au point que les mesures de politique économique n’arrivent pas à maintenir la « flottabilité » des conditions de la croissance. En la matière, il faut insister sur deux points. D’abord, comment ne pas suivre le Président français, Emmanuel Macron, quand il admet que la politique monétaire était dorénavant « à la frontière technologique de son efficacité » ? Evidemment, les banques centrales vont assouplir leur réglage monétaire et ceci malgré des marges de manœuvre réduites. Il y va de la nécessité de tout faire pour respecter leur mandat : faire en sorte que la dynamique des prix soit proche de l’objectif fixé, malgré le ralentissement d’une croissance économique mondiale, qui pèse sur les anticipations inflationnistes. Mais quels seront les résultats à en attendre ? Ensuite, comment ne pas voir que les conditions d’application d’une politique économique optimale, en environnement de politique monétaire contrainte, ne sont pas facilement réunies ? Celles-ci sont au nombre de trois :

− intervenir de façon précoce ;

− jouer de façon concertée de tous les instruments de politique économique ;

− privilégier la coopération internationale.

Dans les conditions actuelles, l’environnement est si incertain que se projeter est difficile. Et puis, parier sur plus d’initiatives coordonnées entres pays paraît un exercice vain. Et enfin, les marges de manœuvre en termes budgétaires, quand elles existent, ne sont pas si faciles que cela à enclencher (pour dire les choses rapidement). Sans oublier les relations très difficiles aux Etats-Unis entre la Maison Blanche et la Fed.

Aux responsables politiques, en commençant par le Président Trump, de le comprendre. Avant que la situation ne devienne de moins en moins gérable.

Hervé Goulletquer, Directeur Adjoint de la Recherche et Stratégiste au sein de La Banque Postale Asset Management