Interview de Philippe Waechter : Responsable des études économiques au sein de Natixis AM

Philippe Waechter

Responsable des études économiques au sein de Natixis AM

La solution proposée par le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, peut s'avérer dangereuse

Publié le 05 Décembre 2011

Les idées d’’ingénierie financière pour sortir la zone euro de la crise se multiplient. Jeudi dernier, Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, a proposé la création de fonds spéciaux pour les dettes excédentaires des pays de la zone euro. Qu’enpensez-vous ?
On voit bien l’idée de discrimination de la dette. Une partie serait perçue comme peu risquée voire garantie et l'autre ne le serait pas. L'idée généralement associé est d'échanger la dette risquée contre une obligation à taux zéro de longue échéance. Les réformes mises en œuvre dans le pays émetteur doivent dans le futur permettre de faire face et d'honorer l'actif à taux zéro. A priori, le risque reste cantonné chez le porteur initial de la dette. Dans ce cas, sera-t-il prêt à prendre des risques d'un autre ordre pour favoriser le retour de la croissance? On peut en douter.
Avec la structure de défaisance, le risque ne disparait pas. Il est uniquement reporté dans le temps. La dette continue à être portée par les investisseurs privés.
S'il y a intervention de la BCE avec le rôle de prêteur en dernier ressort, il y a un transfert de risque et sa dilution dans le temps. Ce transfert de risque peut permettre de prendre de nouvelles orientations plus favorables à la croissance pour ceux qui ont bénéficié du transfert.

La proposition du ministre des finances est motivée par la volonté de ne pas
recourir davantage à la BCE…

Je le pense. Une grande partie des experts de marché souhaitent voir l’institution intervenir plus massivement pour prendre à sa charge le risque. L’Allemagne s’y refuse.
La solution envisagé par le ministre allemand n’est pas sans poser des problèmes de mise en place.
Tout le monde a quasiment les 60% de dette bleue. Y aura-t-il une garantie et par qui sera-t-elle assurée ? Sera-ce par l'Allemagne, le FESF ? Que se passerait-il si ces pays ou institutions étaient eux-mêmes en difficulté ? Que deviendrait la dette bleue. En outre quel serait le périmètre des pays concernés par cette discrimination entre dette bleue et rouge.
La dette rouge est une dette qu’il va falloir porter, qui est lourde à porter.

D’autant plus qu’Angela Merkel dans son discours devant le Bundestag de vendredi matin s’est de nouveau opposée à l'introduction d'"euro-obligations"
communes à tous les pays de la zone euro Une telle mutualisation de la dette ne pourra intervenir qu'à l'issue d'un processus d'intégration européenne approfondie,

En plus d’être difficile à mettre en œuvre, cette solution peut s’avérer
dangereuse ?

Faire l’hypothèse que tout le monde spontanément sera vertueux et fera son
maximum pour réduire rapidement son déficit public est risqué.
Des répercussions pourraient se faire ressentir sur l’environnement
macroéconomique. Nous sommes dans une phase de grande fragilité
conjoncturelle. Doit-on véritablement continuer de peser sur l’activité pour
assainir très vite les finances publiques au risque de tendre vers un taux de
chômage durablement plus élevé et un de voir une instabilité sociale plus forte ?


Propos recueillis par Imen Hazgui