Interview de Jean-Jacques Gauthier : directeur général adjoint aux finances de Lafarge

Jean-Jacques Gauthier

directeur général adjoint aux finances de Lafarge

Nous sommes aujourd’hui de très loin les mieux placés parmi les grands acteurs du ciment au Moyen-Orient

Publié le 19 Février 2008

Quels sont les principaux axes de développement pour les années à venir ?
Nous avons deux priorités stratégiques : le développement de notre activité Ciment, surtout dans les pays émergents et l’innovation dans notre activité Béton.

Nous avons démarré en 2006 un programme très important de développement interne pour construire 45 millions de tonnes de nouvelles capacités cimentières, dont la majeure partie sera réalisée dans les marchés émergents.

Les forts besoins en construction dans ces pays tirent très fortement à la hausse la demande de ciment, et nous constatons donc une croissance très importante de nos volumes, mais aussi de nos résultats sur ces marchés.

Dans ces pays, vous avez généralement une croissance de la consommation de ciment qui est de 2 à 4% au-dessus de la croissance du PIB, alors que dans les pays dits mûrs, comme l’Europe, on voit en général l’inverse, avec une croissance de la demande en matériaux de construction qui est légèrement inférieure à celle du PIB.

En plus de notre programme de développement interne, nous avons réalisé en décembre dernier l’acquisition d’Orascom Ciment.

C’est une acquisition majeure pour le groupe puisque cette opération nous a permis d’acquérir des positions très intéressantes dans une région du monde où nous étions relativement peu présents.

Or, nous sommes aujourd’hui très clairement et de très loin les mieux placés parmi les grands acteurs du ciment au Moyen-Orient, avec une présence dans de nombreux pays comme l’Algérie, l’Egypte, l’Irak, l’Arabie Saoudite ou les Emirats, des pays où une telle présence aurait été très longue à construire seuls.

Notre activité Ciment dans les pays émergents constitue donc un premier axe que nous allons continuer à développer. Aujourd’hui, le ciment représente 75% des résultats du groupe. C’est donc une activité très importante avec une rentabilité forte.

Le deuxième axe de développement annoncé est celui du développement des produits à valeur ajoutée dans notre activité Béton. Là aussi, nous pensons avoir, grâce aux efforts d’investissements réalisés par le groupe depuis plus d’une dizaine d’années en matière de recherche et développement, une position concurrentielle très attractive. Nous sommes ainsi en tête des produits à valeur ajoutée dans le secteur.

Quand pensez-vous que les effets de l’acquisition d’Orascom se feront sentir sur les résultats de Lafarge?
Dès 2008 où la partie ciment d’Orascom Ciment aura une croissance très substantielle de son résultat puisqu’elle réalisera un Ebitda de l’ordre de 1,3 milliard de dollars, soit environ 888 millions d’euros.

Cette croissance très forte sera possible dès 2008 et proviendra notamment du démarrage en tout début d’année de nouvelles cimenteries en Algérie et en Irak.

D’autres acquisitions sont-elles prévues ? Si oui, en avez-vous encore les capacités ?
Il est clair qu’après une acquisition aussi importante que celle que nous venons de réaliser, nous allons très certainement nous consacrer en priorité à ce rapprochement.

Nous allons aussi poursuivre notre programme de développement interne dans le ciment, qui est d’une ampleur sans précédent. Ce qui ne veut pas dire que nous n’avons pas la possibilité, notamment dans les granulats, de réaliser le programmes de développement à hauteur de 500 millions d’euros par an que nous avions annoncé.

Ces acquisitions seront faites si nous trouvons des cibles qui ont la rentabilité que nous escomptons. Nous aurons dans le plâtre des développements de l’ordre de 200 millions d’euros par an et dans le ciment, il pourrait y avoir ici ou là des petites choses. On parle ici de l’immédiat, de ce qui va se passer en 2008 et peut-être en partie en 2009.

Une des forces du business model de Lafarge aujourd’hui est d’être extrêmement générateur de cash flow libre.

La situation de Lafarge, qui a augmenté son niveau d’endettement après l’acquisition d’Orascom, va donc s’améliorer très rapidement. Le cash flow généré est très important et je dirais donc que dès 2009 voire 2010, nous nous retrouverons dans une situation où nous pourrons réaliser de nouveau d’autres acquisitions. Ce qui ne nous empêche pas, bien évidemment, de nous poser la question à chaque fois de savoir quelle est la meilleure utilisation de ce free cash flow…

Quand sa meilleure utilisation, de notre point de vue, est le retour à l’actionnaire, nous n’hésitons pas à le faire. Nous avons ainsi augmenté de façon très sensible le dividende puisque notre conseil va proposer à l’assemblée générale des actionnaires qui se tiendra en mai une augmentation de 33% du dividende de Lafarge, à quatre euros par action.

Nous avons également mené à bien un programme de rachat d’actions de 500 millions d’euros en 2007.

Un ralentissement de l’économie, si celui-ci touche également les pays émergents, risque-t-il d’impacter vos résultats ?
Nous avons annoncé très clairement que nous prévoyons la poursuite de la croissance de nos résultats en 2008.

Nous prévoyons également la poursuite de la croissance pour l’ensemble du groupe avec notamment une croissance de l’ordre de 3 à 5% par an de la demande de ciment dans le monde en 2008 par rapport à 2007.

Il  y a certes une ou deux régions (les Etats-Unis et peut-être l’Espagne) qui connaissent une croissance plus modérée ou qui sont déjà en léger ralentissement, qu’on évalue entre -2% à -4% pour les Etats-Unis.

Cependant, dans la plupart des régions du monde dans lesquels Lafarge opère, il y a des niveaux de demande importants voire très importants. C’est le cas par exemple en Europe centrale et en Europe de l’est où on continue à voir une croissance à deux chiffres de la demande.

Propos recueillis par Amine Wakrim