Interview de Gérard Hauser : Président directeur général de Nexans

Gérard Hauser

Président directeur général de Nexans

Nous pensons être en mesure d’atteindre le haut de nos objectifs

Publié le 31 Juillet 2008

Vos résultats se caractérisent par une forte progression de la marge opérationnelle portée notamment par vos activités d’infrastructures d’énergie dont la marge a quasiment doublé, comment l’expliquez-vous ?
Nous avons en effet qualifié de remarquables nos résultats semestriels dans les infrastructures d’énergie.

Ces résultats traduisent une croissance organique de près de 20 % par rapport au premier semestre 2007, avec un taux de marge opérationnelle de plus de 11% (en quasi doublement sur la période).

Ces résultats sont le fruit de plusieurs facteurs : une forte progression des ventes de câbles haute tension (+ 40%), sur un marché dont les capacités de production sont à ce jour limitées par rapport à la demande (avec un effet bénéfique sur nos marges) ; le développement de lignes aériennes de transmission d’énergie haute tension dans des pays en forte croissance, comme le Brésil ; des facteurs favorables à l’enfouissement des lignes moyenne et basse tension en Europe.

Enfin, rappelons également l’effet très positif de l’actuel essor de l’énergie éolienne, qui représente environ 50 millions d’euros de chiffre d’affaires pour Nexans.
 
En dépit du catastrophisme ambiant, le bâtiment, qui pèse un quart des ventes du groupe, a, quant à lui, très bien résisté, la marge opérationnelle approchant les 10% sur le semestre. De quelle manière se sont alors traduites les répercussions de la crise immobilière sur vos activités ? 
Le bâtiment constitue un segment sur lequel nous sommes particulièrement vigilants. Sur le premier semestre 2008, à données comparables, le recul des ventes de câbles pour le bâtiment est limité à 4,2 % et notre performance reste en effet très élevée avec une marge opérationnelle proche de 10 %.

Nous sommes plutôt confiants quant à l’évolution de ce segment d’ici à la fin de l’année, d’autant que la crise immobilière touche essentiellement le secteur résidentiel qui ne représente qu’un tiers du marché de la construction.

Les deux autres tiers portent sur les bâtiments industriels et les immeubles de bureaux, là où les besoins en câbles électriques sont importants.

On ne relève à ce jour aucun signe de déplacement significatif de la crise du résidentiel vers les autres segments.

Aux Etats-Unis, le marché résidentiel ne représente que 20% de notre activité. L’Amérique du Nord représente en fait moins de 10% de notre chiffre d’affaires global.

Dans ce contexte de dégradation de la conjoncture économique et de crise financière, vous maintenez vos objectifs. Pour certains, le groupe intervient cependant sur des marchés historiquement très cycliques et peu prévisibles. Quels seront les principaux moteurs de vos perspectives? 
Dans un environnement économique et financier chahuté, marqué par un pessimisme ambiant, nous sommes tout-à-fait en ligne avec nos objectifs 2009 : une croissance moyenne de nos ventes de 6% par an et une marge opérationnelle se situant entre 7 et 10% de notre chiffre d’affaires.

Nous pensons être en mesure d’atteindre le haut de la fourchette, compte tenu des fortes perspectives dans les infrastructures d’énergie, de la bonne résistance de notre activité bâtiment ainsi que de  l’essor des industries pétrolière, gazière et de transport qui profitent pleinement à notre segment industriel.

Notre modèle économique s’avère performant et solide : nous nous sommes recentrés vers les métiers à cycles longs, à forte visibilité, où le potentiel de croissance est le plus important.

Les infrastructures d’énergie sont au cœur de notre activité, représentant 38% de notre chiffre d’affaires et assurant à elles seules 47 % de notre marge opérationnelle. Les câbles spéciaux prennent une place toujours grandissante dans le portefeuille produits. Enfin, nous conservons une solidité financière tout-à-fait exceptionnelle dans l’industrie du câble, avec un ratio de dette nette sur fonds propres de 25 %.

De quelle manière appréhendez-vous la flambée des matières premières. La société est sensible aux variations des métaux non ferreux, du cuivre en particulier. Or, le cours du cuivre, qui a triplé depuis début 2004, a progressé de 30% sur la seule année 2008 pour atteindre un record de 8.820 dollars la tonne en mars. Une hausse de 1.000 dollars par tonne entraîne un creusement de la dette du groupe d'environ 120 millions de dollar. Quelles sont les mesures à votre disposition qui vous permettent d’amortir le choc ? Quelle est la marge de manœuvre permettant au groupe de transférer les hausses de prix à ses clients ? En l’occurrence quelle a été l’importance de ce pricing power cette année ? 
Comme toutes les entreprises, nous sommes évidemment sensibles aux variations des matières premières.

D’une façon générale, nous ne prévoyons pas de baisse des matières premières à moyen terme, que ce soit pour le cuivre, l’aluminium ou les dérivés du pétrole. En ce qui concerne le cuivre, vous savez que nous répercutons automatiquement les hausses de prix (et les baisses) sur le prix de nos produits ; nos clients sont d’ailleurs habitués à un prix élevé qui, encore une fois, devrait le rester.

Nos résultats du premier semestre 2008 ont montré que nous sommes parvenus à limiter l’impact de la hausse des coûts des autres matières premières, dont les dérivés du pétrole. Notre marge sur coûts variables s’est améliorée sur la période. Dans le même temps, nous continuons à réaliser des gains de productivité.

Enfin, n’oublions pas que la flambée du prix du baril induit des investissements très importants dans l’industrie pétrolière que l’on estime aujourd’hui à 350 milliards de dollars par an. C’est donc un segment prioritaire pour Nexans et qui représente environ 230 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Quant au dollar, nous y sommes peu sensibles puisque nous produisons pour l’essentiel là où nous vendons, à l’exception de la grande exportation dont les marchés sont dans l’ensemble bien orientés. 

Vous avez annoncé l’abandon de votre projet de cession de votre activité de faisceaux automobiles. Selon vous on ne vous a pas proposé des multiples de valorisation qui auraient été en ligne avec les vôtres ou avec le potentiel qu'offre cette activité. Quelle évolution de la situation escomptez-vous ? 
En effet, à l'issue d'un processus d'enchères publiques, nous sommes arrivés à la conclusion que les conditions offertes par le marché n'étaient pas conformes à notre ambition en terme de création de valeur actionnariale. Alors que Nexans est valorisé entre six et sept fois l'Ebitda, les offres que nous avons reçues extériorisaient un multiple de l'ordre de quatre fois l'Ebitda.

Je vous rappelle que l’ activité faisceaux automobiles représente aujourd’hui 250 millions d’euros de chiffre d'affaires et une rentabilité sur ventes de 8%.

Par conséquent, nous avons décidé de conserver cette activité au sein de Nexans où nous serons mieux à même de la valoriser. Il n'y avait aucune raison que nous la bradions. Ce projet de cession est définitivement abandonné.

Nexans dispose d'une situation financière parmi les plus saines de son secteur. L’endettement du groupe est réduit (25% après les rachats de Madeco et Intercond). Une situation qui lui permet de se développer sur des segments à forte valeur ajoutée, par des acquisitions. Des cibles sont elles en vues, dans quel domaine en particulier, dans quels pays ? 
Nous étudions en permanence de nombreux projets d’acquisitions.

Notre politique de croissance externe repose sur deux axes principaux : le développement du groupe dans les pays en forte croissance, où nous pouvons accroître nos positions ainsi que le renforcement de notre portefeuille produits sur des câbles à fort contenu technologique et haute valeur ajoutée.

Dans les années à venir, nous souhaiterions notamment nous renforcer sur le continent américain et en Chine.

Nexans a remporté auprès de Qatar General Electricity & Water Corporation un contrat clés en main d'un montant de 58 millions d'euros portant sur la réalisation de six lignes électriques souterraines, d'une capacité destinée à renforcer et étendre le réseau haute tension desservant Doha, la capitale du Qatar. Quelles seront les prochaines étapes de l’expansion de Nexans dans les zones géographiques en forte croissance? D’autres contrats de ce type sont ils à prévoir d’ici à la fin de l’année ? 
Le Moyen-Orient est en effet une zone en pleine expansion où la capacité d’investissement est très importante.

Au cours des prochaines années, nous continuerons donc à travailler en étroite collaboration avec les acteurs locaux afin de mettre en œuvre leurs projets d’infrastructures d’énergie.

Nous fournissons également de nombreux câbles spéciaux pour l’industrie pétrolière dans la région.

Nexans poursuit par ailleurs son développement dans les zones géographiques en forte croissance, notamment en Russie où nous ouvrirons notre première usine de fabrication de câbles en novembre prochain.

Le titre Nexans a abandonné plus d’un tiers de sa valeur depuis un an malgré de bons fondamentaux économiques. Quelles sont vos anticipations concernant l’évolution des marchés financiers dans les mois à venir ?
Nous ne pouvons prévoir quelle sera la conjoncture dans les prochains mois. Toutefois, je vous assure qu’en dépit d’un environnement économique et financier incertain nous sommes tout-à-fait confiants sur la résistance de notre modèle au deuxième semestre 2008 et maintenons les objectifs que nous nous étions fixés : une croissance organique des ventes qui sera supérieure à 6 % et une marge opérationnelle 2008 en progression par rapport à 2007.

Propos recueillis par Imen Hazgui