Interview de Jean-Luc Schnoebelen : PDG de Ginger

Jean-Luc Schnoebelen

PDG de Ginger

Nous sommes focalisés sur l’idée de base : devenir un leader européen

Publié le 16 Avril 2007

Les chiffres que vous venez de publier font état d’une remarquable croissance. Quels ont été les ingrédients de ce succès ?
Nous sommes un jeune groupe, qui s’est constitué à partir de notre introduction en bourse en novembre 2001.

On s’est certes un peu trompé sur la période d’intégration suivant l’achat en bloc, à la fin du semestre 2002, de huit sociétés qui représentaient elles-mêmes presque quatre-vingt sociétés. Nous avons été un peu négligeant, nous n’avons pas su anticiper correctement.

Mais depuis, nous avons beaucoup travaillé afin de rendre les choses cohérentes, et réaffirmer notre technicité et notre position sur le marché. Nous avons fidélisé nos clients et nous avons mis en avant nos techniques, ce qui nous a permis finalement d’avoir des fondations vraiment solides susceptibles d’engendrer de bons résultats et de figurer parmi le benchmark des sociétés françaises.

Le pôle Environnement a connu la plus forte progression (+16,7%). Quelle en a été l’évolution ?
Il s’agit de la base la plus petite, il faut donc temporiser. Si on regarde en faisant des comparaisons de base et en rétablissant un certain nombre de choses, on peut dire que tout le monde a connu une progression à peu près équivalente et harmonieuse.

Le pôle Environnement a surtout profité d’une reconnaissance à l’étranger. Nous nous sommes positionnés très clairement dans tout ce qui est traitement de l’eau, manque d’eau, inondation, pollution. On se rend compte, d’ailleurs, qu’en dépit de tous les discours politiques, ce secteur n’est pas encore en France un marché d’avenir, bien qu’il soit en devenir. A l’inverse, les pays d’Orient et du Moyen-Orient investissent aujourd’hui énormément dans l’eau. Si vous regardez ce qu’il se passe dans les pays du Moyen-orient, vous constaterez l’existence d’un ministère de l’Energie et de l’Eau, comme s’ils considéraient que l’eau était aussi importante que l’énergie.

Les résultats du pôle Environnement ont donc été tirés cette année par les études sur les eaux potables et usées que nous ont commandé les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.

Votre pôle Construction a notamment profité de l’« activité clés en mains » lancée en 2005. De quoi s’agit-il ?
On a surtout rempli le carnet de commandes pour l’année 2007. Le « clé en main » consiste avant tout à prendre un risque d’entrepreneur : si un client veut un immeuble, nous sommes en mesure de le lui fournir fini à tel ou tel prix. Nous prenons donc un risque plus large, celui d’un entrepreneur.

Nous n’avons pas de « cols bleus », ce qui signifie que nous faisons appel à des tiers pour réaliser les travaux que nous allons coordonner. Il faut se rendre compte qu’il y a en France de très grandes entreprises et à côté, de très petites, mais entre les deux, il y a toute une frange de moyennes entreprises qui ont disparu. Or, il y a un certain nombre de projets, trop petits pour intéresser les grands groupes, mais trop techniques pour être mis en œuvre par les petites sociétés. C’est ici que nous intervenons.

Il s’agit d’une évolution normale. Tous les grands groupes d’ingénierie finissent un jour ou l’autre par faire du « clé en main », de la concession, etc.

Vous avez évoqué dans une interview précédente votre bon positionnement à l’étranger pour votre pôle Télécoms, mais vous réalisez toujours plus de 80% de votre CA en France. Allez-vous accélérer votre développement à l’international ? Quelles zones géographiques pensez-vous privilégier ?
Dès l’origine, nous nous sommes confrontés à ce problème : en France, les concessions coûtent excessivement chères aux opérateurs. Par contre, il y a des pays très touristiques, où la concession ne coûte quasiment rien et où un petit déploiement permet de rapporter beaucoup. On le constate en Afrique où il y a beaucoup de visiteurs étrangers : France Télécom y a beaucoup déployé.

Dans la mesure où nous avions anticipé le mouvement, nous avons pu les accompagner, ce qui explique que l’on ait un positionnement fort dans tous les pays africains. En résumé, là où la concession est peu coûteuse, on peut rapidement gagner de l’argent, ce que France Télécom a bien compris.

Nous suivons et anticipons par conséquent au mieux la stratégie des opérateurs. Nous devrions d’ailleurs suivre le mouvement qui s’amorce au Moyen-Orient. Nous sommes déjà positionné au Liban où tout est à refaire…

Le plan de progrès 2005-2007 semble conforme à vos attentes. Quels sont vos principaux objectifs pour les années à venir ?
Nous allons renforcer notre marge. Peut-être mettrons-nous moins l’accent sur le chiffre d’affaires, mais cela correspond aussi à un début d’année électorale un peu mou, avec des incertitudes sur les budgets. Par ailleurs, le gros chantier de cette année sera l’actionnariat salariale : nous souhaitons que cette société de matières grises appartiennent en grande partie aux salariés.

En cinq ans, nous avons réussi à faire partie des valeurs sûres de l’ingénierie mondiale, maintenant c’est à nous de faire en sorte que notre entreprise fasse les bons choix en termes d’acquisitions. Nous pourrions réaliser de grandes alliances ou des rachats de niches,… ou rien.

Nous sommes focalisés sur l’idée de base, c’est-à-dire devenir un leader européen, représentatif d’une ingénierie digne de ce nom pour la France, ce qui n’est pas encore le cas. Il faut comprendre que l’ingénierie est aussi un secteur stratégique important, car nous sommes des prescripteurs. On prescrit des grandes entreprises ou des industries. Prenez par exemple la reconstruction en Irak : ce sont des entreprises d’ingénierie américaines qui n’ont finalement prescrit que des entreprises américaines.

Tous les pays ont privilégié à un moment la construction d’une ingénierie forte qui a entraîné tout un pan de l’économie. Quand on fait du rail à l’étranger, si on définit des longueurs de rail pour telle ou telle station, c’est inévitablement pour Alstom qu’on le fait, pas pour Bombardier. Notre pays se veut protectionniste, mais il n’est protectionniste de rien en réalité. On ne sait pas s’armer pour vendre à l’étranger, et la meilleure arme de vente, c’est une ingénierie forte en amont. Plus un projet est technique, plus la nécessité d’une prescription par une ingénierie apparaît indispensable.

Le mot de la fin pour vos actionnaires ?
Nous sommes tournés vers le futur. L’année 2006 s’est bien passée, et nous travaillons déjà pour que 2007 et 2008 soient encore meilleures. On fera mieux, nous mettrons tout en œuvre pour cela, c’est notre principal engagement.

Propos recueillis par N.S.

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